On s’interroge souvent sur l’ampleur et la profondeur de la crise économique en France. On peut regarder ce premier graphe qui représente le niveau du PIB français en volume. La courbe rouge est une tendance calculée jusqu’en 2008 pour comparer la dynamique avant et après crise.
On constate que depuis le deuxième trimestre 2011 la reprise s’est interrompue. Depuis cette date et jusqu’à la fin de l’année 2012 l’économie est clairement sans ressort. La question est alors de savoir comment changer la trajectoire de l’économie française sachant que le commerce mondial n’étant pas porteur il faudra trouver une source de croissance en interne. Sous cet éclairage on comprend bien la nécessité des réformes structurelles ou comment faire fonctionner l’économie de façon plus efficace. Mais ceci ne sera efficace qu’à moyen terme. Dès lors on comprend moins bien la volonté de peser sur la demande par le biais de politiques trop rigoureuses. Mettre en place des politiques de rigueur alors que la demande est déjà très faible c’est s’exposer à un repli continu de l’activité et une hausse rapide du chômage. Tous les pays qui ont tenté l’expérience en Europe ces derniers mois ont suivi la même trajectoire récessive.
La question suivante est de savoir si une telle situation avait déjà été observée par le passé. On peut pour cela prendre une échelle plus longue. Le graphique ci dessous remonte à 1950.
La rupture de la crise actuelle est unique au regard des 60 dernières années. La comparaison avec 1974 suggère que la période courante recèle une dynamique bien différente. 1974 avait été un coup d’arrêt, la situation du moment fait plutôt ressortir une rupture. La récession de 1992/1993 apparaît peu marquée et a effectivement une allure bien différente de ce qui est observé actuellement. (voir mon document sir la comparaison des récessions 1974, 1992/1993 et 2008/2009 sur ce blog)
On peut essayer de mesurer le changement de comportement via une mesure longue de croissance afin de sortir de l’analyse conjoncturelle immédiate. Si l’on considère un cycle de 5 ans on dispose d’une période courte pour être toujours dans la dynamique liée à la demande mais suffisamment longue pour permettre les ajustements, provoquer les réactions et converger in fine vers les tendances antérieures.. J’ai repris les données du graphe ci dessus et calculé la variation du PIB sur 5 ans en taux annualisé.
Ce graphique simple permet une description rapide mais pertinente des périodes économiques que la France a traversé depuis la seconde guerre mondiale. La période des 30 glorieuses avec un taux de croissance compris entre 4 et 6 % par an. La rupture après 1974 et une croissance oscillant autour de 2%. Les forces de rappel ont été suffisamment fortes depuis le 1er choc pétrolier pour qu’en tendance la croissance soit voisine de 2%.
La dernière période est celle que l’on observe aujourd’hui avec pour la première fois une évolution négative de l’activité sur 5 ans. L’économie française n’a pas la capacité de rebondir et de compenser un choc au bout de 5 ans. On a ici une mesure simple de la profondeur de cette crise.
La France est elle la seule économie à connaitre ce genre de désagrément?
Le graphique qui suis est sans ambiguité. Toutes les économies ont changé d’allure au cours des dernières années en comparaison avec ce qui était observé jusqu’alors.
La dynamique change et le Royaume Uni et l’Italie sont en bien mauvaise posture. Même les Etats-Unis ont encore une croissance faible par rapport à l’historique des crises constatées outre-Atlantique. L’Allemagne s’en sort plutôt bien.
Avec ce dernier graphique qui traduit la difficulté des pays occidentaux à amortir le choc de 2008 et à repartir de l’avant, on dispose d’une mesure des inerties et des déséquilibres qui avaient été créés pour maintenir une croissance robuste. Lors de l’apparition du choc ces sources d’inertie, comme l’endettement privé, doivent s’ajuster pesant sur la croissance et l’emploi. C’est cet ajustement qui est long. Vouloir le contraindre par des politiques restrictives c’est en prolonger la période et finalement repousser le moment où l’économie sera susceptible de converger vers le plein emploi.