L’indice synthétique de l’enquête PMI/Markit de mars pour le secteur manufacturier est en retrait par rapport au chiffre de février. Il s’est inscrit à 46.8 contre 47.9 un mois auparavant. En d’autres termes l’activité du secteur manufacturier continue de se contracter (indice inférieur à 50) et à un rythme un peu plus rapide en mars qu’en février. Cependant, la comparaison sur l’ensemble du trimestre suggère que la vitesse de contraction de l’activité est un peu moins vive que sur les 3 derniers mois de 2012 (47.5 en T1 2013 contre 45.9 en T4 2012). Au regard de ces éléments, on relève que l’amélioration constatée en début d’année s’estompe.
La première impression à la lecture des indicateurs de la zone Euro (premier graphe) est qu’ils sont tous au-dessous du seuil de 50, celui séparant les signaux de hausse (au-dessus) et de repli (au-dessous) de l’activité.
L’indicateur irlandais qui était au-dessus du seuil depuis mars 2012 a replongé en mars. Pour l’Allemagne le passage au-dessus du seuil de 50 n’aura duré qu’un mois (février). Les deux pays qui pouvaient avoir un rôle d’entrainement se sont essoufflés en mars.
Pour l’Italie et l’Espagne l’embellie du début d’année est achevée, ces deux pays ont convergé vers le niveau de l’indicateur français. Hélas la spécificité française du début d’année a disparu non pas par amélioration des indicateurs français mais par convergence des chiffres italien et espagnol vers celui de la France.
Le détail de cette enquête montre que la dynamique des nouvelles commandes s’est rompue. Là aussi l’ensemble des indicateurs est repassé sous le seuil de 50. En d’autres termes les entreprises souffrent d’une demande insuffisante pour pouvoir retrouver une dynamique de croissance plus robuste. Au regard de ce constat on peut s’interroger sur les politiques d’austérité dont l’impact premier est de limiter la demande (soit par une réduction des dépenses de l’Etat soit par une hausse de la fiscalité qui pénalise les agents privés)
Au regard des stocks l’évolution des nouvelles commandes est nettement insuffisante. C’est ce que montre le graphique ci-dessous. Le ratio entre Nouvelles Commandes et Stocks repasse vivement au-dessous du seuil de 1. Les stocks sont suffisants pour satisfaire à la demande sans qu’l y ait besoin d’augmenter la production. La cohérence entre le ratio et la production industrielle (en variation sur 3 mois) suggère que la production industrielle de la zone Euro va continuer de se contracter au cours des prochains mois.
En d’autres termes, il ne faudra pas compter sur la production industrielle pour insuffler une dynamique plus robuste pour l’ensemble de l’économie.
A court terme il ne faudra pas compter non plus sur un relais via les exportations. Les indices de Nouvelles Commandes à l’Exportation sont en retrait à l’exception des Pays Bas.
Cela suggère que la conjoncture de la zone Euro est dans une phase toujours très fragile et l’idée d’un rebond de l’activité sur la deuxième partie de l’année est certainement remise en cause. En effet il faudrait soit que l’environnement international s’améliore de façon significative pour doper les exportations des pays de la zone. Même dans le meilleur des cas l’amélioration qui suivra ne sera pas homogène. Tous les pays ne progressent pas au même rythme à l’exportation. Souvent l’Allemagne voit ses débouchés s’améliorer avant que cela ne touche la France et les autres pays de la zone Euro. Il y a donc des délais importants.
Si le commerce extérieur ne peut pas avoir spontanément ce rôle il faudra imaginer un changement dans la dynamique interne. Mais peut-on spontanément attendre une reprise forte et durable de l’investissement des entreprises? Je n’y crois pas. Le consommateur peut-il se remettre à dépenser fortement ? Au regard des indicateurs de confiance des ménages, notamment la partie sur les perspectives je n’ai pas non plus envie de parier sur cette option. Ces orientations sont d’autant moins probables lorsque la politique économique est restrictive. Les dépenses des ménages sont très dépendantes du revenu immédiat, celui qui pourrait être affectée par des hausses rapides d’impôts. Les entreprises pour investir doivent avoir la capacité à imaginer que la demande va se redresser dans le futur. Pour l’instant, et c’est que suggèrent ces enquêtes, elles ne parviennent pas à se projeter dans une dynamique haussière durable et plus robuste.
Dans les épisodes passés, l’amélioration est souvent venue de l’extérieur (relance Reagan au début des années 80, contrechoc pétrolier au milieu des années 80, nouvelles technologies dans la seconde partie des années 90 et Chine au début des années 2000). Les réformes ne peuvent pas se mettre en oeuvre dans un environnement dépressif. C’est pour cela que si l’on n’attend pas de rebond rapide et fort du commerce mondial il faut desserrer les contraintes au sein de l’économie européenne pour faciliter le retour de l’expansion même si celle ci est modeste. Cela veut dire qu’il ne faut pas se précipiter pour réduire les déficits publics et probablement donner à la BCE un rôle encore plus actif.
De ce point de vue les modèles d’articulation entre politiques monétaire et budgétaire suggèrent que les deux doivent être en opposition lorsque l’économie évolue au voisinage du plein emploi. Lorsque l’on s’en est éloigné par le bas il faut que les politiques deviennent toutes accommodantes.(Lire avec intérêt le papier d’Alan Blinder de 1982 surtout à partir de la page 22 http://bit.ly/YRdbDv )
La gestion de la politique économique comme si on était au voisinage de la croissance tendancielle alors que ce n’est pas le cas engendre une hausse forte et durable du taux de chômage car la croissance ne redémarre pas. Le chiffre du mois de février s’est inscrit à 12%. C’est le plus élevé depuis 1995 comme l’indique le graphe ci-dessous. Le risque est qu’avec une activité en retrait en 2013 ce taux de chômage continue de progresser.
On voit bien que même en dehors de l’Espagne et de la Grèce la situation sur le marché de l’emploi est difficile. Soit le taux de chômage est en hausse rapide comme en Italie, en France ou encore aux Pays Bas, soit le niveau est déjà fort et une inflexion comme en Irlande ne résoud pas toutes les questions.
La question de l’emploi est finalement la plus sensible pour la dynamique de la croissance mais aussi pour une plus grande stabilité sociale. Ce sera l’enjeu de 2013 partout en Europe.