Selon un rapport récent de la Commission Européenne sur la France (voir ici), celle-ci aurait perdu sa capacité de réactivité et d’adaptation à un environnement changeant. En d’autres termes, lorsque la situation change brutalement, l’économie française n’est pas capable de s’y adapter rapidement et de façon efficace.
Ainsi même si l’environnement international s’améliore, l’économie française tarde à y répondre et à s’y ajuster laissant ainsi passer une belle opportunité. On peut lire dans cette caractéristique de l’économie française un problème de compétitivité et de productivité.
Compétitivité parce que le solde extérieur français est déficitaire depuis 2005 et que l’ampleur de ce déficit est historiquement fort depuis 2008 (voir le premier graphe ci-dessous sur très longue période). Cela traduit un manque de compétitivité des exportations. Celles ci doivent permettre d’acquérir ce qui ne peut être produit domestiquement. Clairement depuis quelques années les exportations ne remplissent plus ce rôle.
La productivité aussi est une vraie problématique. Le graphique 2 montre qu’elle ne progresse pas sur les 5 dernières années. Or c’est via la croissance de la productivité que les entreprises peuvent dégager un surplus qui sera ensuite distribué en revenus supplémentaires pour le salarié et pour l’actionnaire. Le changement de tendance sur la productivité passe par l’investissement des entreprises non financières. Celui ci est cependant encore très inférieur à ce qu’il était en avant la crise ce qui est un handicap majeur pour inverser la tendance sur la productivité. (voir le graphe 3)
L’enjeu est dès lors celui de l’investissement (le graphe ci dessous montre clairement le déficit d’investissement par rapport à 2008 dans la phase conjoncturelle actuelle) et pour inverser cette dynamique il faut que les entreprises puissent se projeter vers l’avant. C’est pour cela que les interrogations sur les politiques de rigueur sont pertinentes surtout après la polémique sur le lien entre dette publique et croissance (voir ici). Les entreprises doivent pouvoir anticiper une demande plus soutenue dans le futur. Une telle projection semble difficile aujourd’hui.
Par ailleurs, le cadre institutionnel est important lorsque les entreprises veulent investir. Le cadre de la zone Euro pouvait engendrer une forte incertitude. C’est pour cela que les efforts rapides mis en oeuvre notamment depuis l’été 2012 pour améliorer le cadre institutionnel de la zone Euro ont été les bienvenus. La mise en place du Mécanisme Européen de Stabilité, l’adoption du Traité sur la gouvernance ou le rôle de la BCE comme prêteur en dernier ressort (sous certaines conditions) ont été des étapes importantes. C’est pour cela aussi la construction des institutions de la zone euro doit aller vite afin de réduire l’incertitude quant à la cohérence de comportement et de fonctionnement de la zone. Cela pourrait alors faciliter la reprise de l’investissement. Les réticences récentes relatives à la mise en œuvre de l’Union Bancaire par Wolfgang Schauble, il souhaite des modifications des traités européens, sont problématiques car elles prolongent dans le temps cette incertitude.
Pour bien percevoir le rôle de l’investissement dans la convergence de l’économie vers une trajectoire de croissance plus soutenue voir le papier récent Laurence Boone et ses collaborateurs (voir ici).
Au regard de la situation française cette problématique passe aussi par un changement dans la répartition de la valeur ajoutée. Le trou d’air observé depuis 2008 sur le taux de marge des entreprises non financières a ramené celui-ci vers les niveaux constatés au début des années 80. Cela laisse peu de possibilités de financement et d’adaptation aux entreprises.
La raison de cette chute du taux de marge est que l’activité a baissé très rapidement à partir de 2008 alors que la dynamique des coûts salariaux ne s’est pas inversée. Dès lors le taux de marge s’est réduit très rapidement. Cela pose ainsi la question de l’adaptation de la dynamique salariale à un environnement changeant.
Le texte sur l’adaptation du marché du travail qui vient de passer à l’Assemblée Nationale va dans ce sens d’une meilleure capacité d’adaptation. Par ailleurs, le crédit d’impôts pour la productivité et l’emploi permettra de récupérer une partie des marges perdues. Il faut cependant que cette nouvelle répartition de la valeur ajoutée puisse s’inscrire dans la durée par des mécanismes endogènes. C’est un enjeu majeur des réformes annoncées.
C’est cette nécessité de s’adapter à un environnement changeant qui est au coeur du cycle économique français. L’enjeu est fort mais il doit in fine permettre à chacun, consommateur, salarié et entrepreneur de se projeter dans le futur et d’allonger son horizon. L’objectif ultime doit être d’améliorer la capacité de réaction de l’économie française afin de faire mentir le rapport de la Commission Européenne.
Update: Par rapport au document publié initalement j’ai rajouté celui de la productivité et j’ai déplacé celui de l’investissement.