La semaine qui vient de s’achever pourrait avoir été décisive en zone Euro. Pour la première fois depuis la fin de l’année 2008 il a été décidé que les politiques économiques allaient aller dans le même sens afin de favoriser la croissance. Jusqu’à présent la politique budgétaire était systématiquement restrictive et la politique monétaire accommodante. Cela reflétait une situation proche de l’équilibre de court terme, comme si la situation économique de la zone Euro ne subissait qu’un choc banal et facilement réversible. Le changement qui s’est opéré, même s’il peut encore être accentué, suggère que la perception de la situation devient plus alarmante(2ème année de récession) et que les autorités monétaire et budgétaire doivent s’attacher à adopter des stratégies cohérentes et convergentes.
Jeudi, la politique monétaire prenait une orientation encore plus accommodante (voir les propos de Mario Draghi ici) et vendredi la politique budgétaire ne s’arcboutait plus sur un équilibre trop rapide des finances publiques. Il était temps car la première moitié de l’année 2013 est sur le point de s’achever sans que la situation économique ne s’améliore de façon notable. Il va falloir d’ailleurs aller vite pour que la reprise attendue pour la deuxième moitié de l’année prenne forme.
Sur leur perception de la situation économique, la BCE, lors de la conférence de presse de jeudi, a indiqué par la voix de Mario Draghi que les risques dans le scénario retenu par les autorités monétaires étaient à la baisse de l’activité. Du côté de la Commission Européenne, les prévisions pour 2013 montrent une deuxième année consécutive de contraction du PIB (voir ici). La zone Euro s’enfonce dans la récession alors que la croissance sans être forte est nettement positive dans le reste du monde, notamment aux Etats-Unis. Enfin les enquêtes menées en zone Euro pour le mois d’avril révèlent une contraction de l’activité et une situation qui restera médiocre en raison de la contraction des flux de nouvelles commandes. C’est ce que suggère le graphe ci dessous relatif aux enquêtes PMI/Markit pour le secteur manufacturier.
Face à cela la Banque Centrale Européenne a réduit son taux d’intervention à 0.5% et indiqué qu’elle maintiendrait cette politique accommodante aussi longtemps que cela serait nécessaire. Mario Draghi n’a pas écarté lors de sa conférence de presse la possibilité d’aller plus loin et n’a plus eu l’air aussi effrayé qu’il y a quelques semaines à l’évocation d’un taux de facilité de dépôt négatif.
Du côté de la Commission Européenne, l’austérité ne semble plus avoir autant de supporters. Jose Manuel Barroso et Olli Rehn ont altéré leurs propos suggérant que la croissance passait d’abord par la stabilisation des finances publiques ( l’insistance du FMI et la polémique sur la relation entre niveau de la dette publique et croissance (lire ici) semblent avoir eu de l’effet). Cela a pu être noté dans le communiqué de presse plus accommodant lors de la publication des prévisions vendredi matin (voir le titre du 3ème paragraphe ici). Cela s’est traduit surtout pour la France et l’Espagne par un délai de deux ans pour satisfaire aux exigences sur les finances publiques. Les Pays-Bas ont eu aussi un délai mais d’un an seulement.
Dans une économie de la zone Euro en récession et avec un taux d’inflation très bas (1.2% en avril), les autorités de la zone Euro ont décidé enfin d’infléchir la hiérarchie des objectifs de la politique économique en mettant davantage la croissance en avant. L’intérêt de cette double stratégie est d’éviter une contraction supplémentaire de la demande interne. C’est la problématique majeure que j’avais posée dans un papier la semaine dernière (ici)
Ce basculement dans la hiérarchie est plus facile maintenant que les institutions de la zone Euro apparaissent plus robustes. Ces nouvelles institutions ont permis d’écarter l’idée d’un éclatement de la zone Euro.
Cela ne doit pas pour autant reporter toutes les réformes en profondeur qui ont été évoquées depuis plusieurs mois, notamment pour la France. Celles-ci doivent donner de l’autonomie et une plus grande efficacité au modèle de croissance en Europe. Mais cela prendra du temps et il ne faut pas qu’entretemps l’activité décline de façon excessive. C’est l’intérêt du soutien à la demande qui se dessine.
Ces réformes devront permettre de stabiliser aussi le modèle social et son financement. C’est un point majeur pour la France parce que ce financement n’est pas assuré dans la durée sauf par des ajustements de prélèvements ou des réductions de prestation. Il serait souhaitable d’avoir une évolution plus stable pour favoriser l’activité et l’investissement.
Conclusion
Le schéma qui se dessine pourrait être le suivant: à court terme un soutien à la demande interne pour favoriser l’activité et l’emploi par l’acceptation d’une plus grande latitude dans l’atteinte de l’équilibre des finances publiques et par une politique monétaire très accommodante dans la durée. Dans le même temps et avec un horizon à moyen terme les réformes structurelles doivent être menées afin d’améliorer l’efficacité du modèle de croissance européen et stabiliser le financement du modèle social. Ce n’est que lorsque ce cadre de moyen terme se dessinera que les entreprises reviendront investir massivement.
La dynamique change en zone Euro et c’est bien mais l’Europe doit gagner en efficacité et ce processus sera forcément long à se mettre en place et difficile à gérer, les oppositions ne manqueront pas sur l’orientation des finances publiques, car les actions doivent s’inscrire dans la durée.