Dans sa conférence de presse jeudi dernier Mario Draghi a indiqué que pour la fin 2013 et pour 2014 les exportations de la zone Euro devraient bénéficier du rebond de la demande globale. La demande interne accompagnerait alors ce mouvement.
Ce scénario n’est pas l’apanage de la BCE, chacun a envie de croire qu’effectivement le commerce mondial va enfin repartir de l’avant et avoir le rôle d’impulsion qui est généralement le sien pour relancer la croissance globale.
C’est le cas en France également où il est souligner que l’amélioration attendue des échanges permettra de retrouver une allure de croissance plus robuste, soulignant alors que les réformes récemment votées permettront d’amplifier le mouvement haussier et non de le précéder.
Néanmoins au regard de la croissance de 1% seulement des exportations chinoises en mai on peut s’interroger. Et si ce rebond du commerce mondial n’était pas au rendez vous?
Trois remarques
- Selon les données publiées par l’institut néérlandais CPB (Bureau of Economic Policy Analysis) le commerce mondial ne progressait à fin mars que de 1.1% sur un an en volume. C’est nettement moins que la fourchette (3 % – 11% (moyenne +/- un écart type)) observée de 1992 à 2007. Cette croissance faible s’observe depuis la fin de l’été 2011.
Dans le détail, on ne perçoit pas de signaux d’accélération susceptible d’accélérer ce rythme de progression des échanges dans une région ou une autre. Les contributions de chaque région sont plus faibles (Asie, USA, zone Euro) que celles observées de 1992 à 2007. Aucune région, aucun pays ne joue le rôle de locomotive pour la croissance mondiale.
- Les signaux tirés des enquêtes PMI/Markit sur la dynamique des commandes à l’exportation restent limités. On observe sur le graphique ci dessous que les indices de commandes à l’exportation convergent vers 50, traduisant une absence d’accélération de ces commandes (dans ces enquetes un indice supérieur à 50 indique une amélioration. A 50 cela traduit la stabilité).
Ce n’était pas le cas en 2010 ou l’ensemble des indices étaient très élevés. L’objectif n’est pas de détailler chaque indice mais d’observer que globalement les chefs d’entreprise du secteur manufacturier ne perçoivent pas d’accélération de leurs commandes provenant de l’étranger.
En France les flux de commandes à l’exportation continuent de se contracter, ce n’est pas un signal de rebond robuste et durable des exportations. - Les performances à l’exportation ne sont pas spectaculaires. En tout cas les derniers chiffres ne sont pas convaincants.
Aux USA les exportations mensuelles en volume ne progressent que de 0.75% sur un an à fin avril et se replient de -0.5% sur 3 mois en taux annualisé. En Allemagne les exportations mensuelles en volume progressent de 4% à fin avril sur 3 mois et de 1.3% sur un an. En France sur 3 mois et en valeur les exportations reculent de -0.8% et de -0.2% sur un an.
En Chine, les chiffres publiés ce week-end indiquent une progression de seulement 1% en mai sur un an des exportations en valeur (voir graphe ci-dessous). Le détail suggèrent que ces sont principalement les échanges vers l’Europe mais aussi vers les Etats-Unis qui pénalisent les exportations chinoises.
En d’autres termes on ne perçoit pas dans les chiffres de hausse rapide des échanges. Et au regard des conjonctures internes de la Chine, des Etats-Unis ou encore de l’Europe on ne voit pas très bien comment spontanément les échanges pourraient repartir et créer ce décalage tant attendu (voir ici pour plus de détails sur la conjoncture immédiate).
Conclusion
Le commerce mondial ne redémarre pas. Les échanges évoluent lentement et les flux de commandes à l’exportation sont relativement stables.
Faire reposer le scénario d’un retour à la croissance via son accélération forte et durable est un voeux pieux et probablement une anticipation excessive. Depuis 2 ans maintenant chaque zone géographique esssaye de trouver ou de retrouver un schéma de croissance plus autonome et plus efficace après les turbulences de 2008/2009. Ce cadre ne s’accorde pas bien, ne s’accorde pas encore, avec une reprise du commerce mondial car chaque pays ou région souhaite d’abord et encore améliorer l’équilibre de sa propre croissance.
Imaginer que la reprise sera initier d’abord par le commerce mondial est probablement inverser la causalité car la croissance du commerce mondial sera le résultat des efforts de chacun pour retrouver la croissance. En zone Euro et en France les politiques d’austérité ne vont pas dans ce sens.