Les discussions autour de la décision de la Fed ce soir vont bon train. Le scénario le plus lu suggère que le FOMC atténuera ses achats en septembre. Ceux ci passeraient de 85 Mds par mois à 60 Mds mais sans préjuger pour autant d’un rythme particulier pour le futur. Comme il est souvent rappeler cette dynamique sera dans le futur très dépendante des données macroéconomiques.
De ce point de vue il sera important de déterminer précisement les raisons de ce changement de comportement car l’économie américaine n’est pas si robuste (ISM manufacturier sous 50, production industrielle étale depuis 2 mois mais dépenses de consommation plutot robustes) et l’environnement de l’économie américaine n’est pas si dynamique. On l’a vu encore la semaine dernière avec la baisse de la production industrielle au Mexique au mois d’avril ou les données chinoises plus fragiles.
Il faut aussi avoir à l’esprit que le changement de stratégie ne concernera que les achats d’actifs. La Fed souhaite maintenir des taux d’intérêt très bas encore un bon moment (2015). Il faudra pour cela que le seuil de 6.5% de taux de chômage soit durablement franchi et qu’il n’y ait pas de risque d’inflation pour que effectivement elle puisse changer de stratégie.
D’ailleurs à court terme au regard de l’inflation réduite qui caractérise l’économie américaine le petit modèle que je suis pour cadrer le taux de la Fed n’est toujours pas positif.
Je rappelle que c’est un modèle estimé sur la période Janvier 1990 – Décembre 2007 ou le taux des fed funds est expliqué par l’écart entre le taux d’inflation sous jacent et le taux de chômage. C’est un petit modèle qui avait été développé par Mankiw en 2001 (voir ici).
Après 2008 j’ai repris les paramètres estimés et simulé l’évolution des taux d’intérêt en fonction des données effectivement observées.
On voit que depuis avril 2009 le taux de la Fed, à comportement égal de la part de la banque centrale US, aurait été négatif. Cette situation justifiait parfaitement l’injection de liquidité pour contourner la contrainte de non négativité des taux d’intérêt.
En mai 2013 ce taux est toujours négatif. L’économie n’a pas encore retrouvé la dynamique et la stabilité qui avaient été observées en moyenne de 1990 à 2007.
C’est pour cette raison qu’il n’y a pas d’urgence dans le changement de stratégie de la Fed.
3 remarques
- L’économie américaine est elle suffisamment robuste pour accepter un changement de stratégie monétaire? L’économie s’est développée dans des conditions monétaires très accommodantes. Est elle capable de fonctionner de façon robuste avec un cadre plus restrictif? C’est pour cette raison que l’explication de Bernanke sera essentielle lors de sa conférence de presse.
- Un changement de stratégie aura du mal à exclure l’idée que la Fed pourra remonter son taux d’intérêt dans un temps fini. Cela devrait se traduire par une prime peut être plus importante que ce qui est aujourd’hui observé sur les taux longs. (Les taux longs reflètent les taux courts attendus dans le futur).
- On a observé depuis plusieurs semaines à une fragilisation des pays émergents en raison de sorties de capitaux. C’est d’ailleurs ce qu’indiquait la Banque Centrale Indienne lundi dernier dans son communiqué pour expliquer le maintien de ses taux d’intérêt malgré une inflation réduite.
Une raison de ces sorties est le changement de stratégie anticipé de la Fed. On ne peut pas exclure qu’un changement effectif de stratégie accentue ces mouvements affaiblissant davantage les pays émergents. D’une manière générale le changement de stratégie de la Fed a un impact fort sur les mouvements de capitaux vers les émergents. Lors d’un changement vers moins d’accommodation les capitaux ont tendance à quitter les émergents pour retourner aux USA.
Une telle situation fragiliserait les émergents encore davantage. Il n’est pas sur que cela soit bénéfique à tous.
Enfin je ne suis pas certain qu’il y ait une annonce précise sur le timing (septembre) ce soir si effectivement les changements sont dépéndants des données. On peut se persuader que cela ira forcément mieux mais les indicateurs récents ne sont pas aussi affirmatifs.