Il y a une amélioration du marché du travail américain c’est indéniable. Bien sûr on trouvera des situations qui montrent encore des déséquilibres forts mais il semble effectivement quand on regarde le graphique ci dessous que la situation a une allure plus robuste. La crainte du début d’année concernant le remake de 2012 est certainement à écarter. On ne perçoit plus après les révisions une inflexion dans les chiffres d’emplois similaire à celle de 2012.
Il y a 201 000 créations d’emplois chaque mois depuis le début de l’année en moyenne contre 185 000 au premier semestre de l’an dernier. L’écart est du même ordre pour les emplois du secteur privé (206 000 en 2013 contre 191 000 en 2012)
Bien sûr qu’il y a des encore des interrogations sur la dynamique du marché du travail. L’embellie du taux d’activité (population ayant un emploi ou en cherchant un sur population de plus de 16 ans) ne doit pas de ce point de vue être perçue comme un retournement de tendance. On sait que cette mesure est importante.
Le taux d’activité a baissé très rapidement depuis le début de la crise en raison de l’impossibilité de trouver un job. Les gens sont sortis du marché du travail et des statistiques. Sa remontée indique que les américains imaginent qu’ils pourront retrouver un job. Ils n’étaient plus dans les statistiques, ils le sont à nouveau. Cela fait monter le taux d’activité mais maintient le taux de chomage à un niveau élevé. C’est un peu le paradoxe du moment: la hausse du taux de chômage est un bon signal puisqu’il indique que les américains croient à nouveau à la possibilité de trouver un emploi.
Cependant le taux d’activité n’a pas une allure très spectaculaire. Il remonte mais sans rupture. Le mouvement actuel est il si différent de celui qui a été observé début 2010 ou à l’été 2011?
Sur le rapport de l’emploi on peut aussi s’interroger sur le partage entre temps plein et temps partiel. Les premiers ont baissé de 240 000 en juin alors que les seconds augmentaient de 360 000.
En d’autres termes le rapport sur le marché du travail est plutôt bon mais sans excès et traduit la situation d’une économie qui n’a pas encore totalement résorbée et absorbée les chocs cumulées depuis le début de la crise.
Cela se voit dans le graphe ci-dessous. L’emploi est, à la fin du mois de Juin, 1.5% en dessous de ce qui était observé au pic du cycle en décembre 2007. On voit aussi le terrible écart avec les sorties de récession du passé.
La question au regard des chiffres de l’emploi est de savoir ce qui peut justifier l’annonce d’un changement imminent de politique monétaire?
Si l’on reste dans le domaine économique, les chiffres de croissance ne justifierons pas au deuxième trimestre un changement de stratégie monétaire. Il suffit d’observer la consommation des ménages. Au premier trimestre celle ci a augmenté de 2.6% en taux annualisé mais l’acquis à fin mai pour le deuxième trimestre est de seulement 1.3%. Même si la consommation augmentait en juin la progression serait inférieure à celle du premier trimestre. La consommation représentant 70% du PIB cela aura une incidence forte sur le chiffre de croissance.
Regardons la décomposition du PIB en fonction des contributions pour se convaincre de l’importance de la consommation. Le batonnet bleu sera fortement réduit (avec une hausse de 1.3% pour reprendre l’acquis la contribution serait de 1% contre 1.8% en T1)
On voit aussi sur ce graphe l’imapct de la réduction des dépenses gouvernementales sur la croissance. Le bâtonnet orange négatif restera encore négatif en T2 et pénalisera la croissance d’environ 1% comme à la fin de l’année 2012 et au premier trimestre 2013. Cela traduit les mesures restrictives prises dans les Etats locaux mais aussi de façon plus récente les baisses de dépenses militaires et les coupes budgétaires. Cela ne va pas s’inverser rapidement.
Du côté des entreprises les signaux ne sont pas non plus très vigoureux. On peut le voir à travers l’indice ISM global qui est une moyenne pondérée de deux ISM: manufacturier et non manufacturier. L’indicateur pour le mois de juin ne suggère pas une dynamique très robuste de l’économie avec dans le détail une grande fragilité des flux de commandes notamment dans les services. Est ce que cette allure pourrait se traduire par une hausse rapide et forte de l’investissement? Probablement pas (on peut le voir aussi dans les commandes de biens d’équipement dont l’allure est lente au T2) et de ce fait après la consommation la demande interne aura une autre contribution réduite. Cela ne préjuge en rien de ce qui se passera dans le futur mais comment imaginer que spontanément la croissance puisse s’accélérer?
Au regard de ce graphe de l’ISM et de sa cohérence avec la croissance du PIB un changement de politique monétaire n’apapraissait pas urgent.
En fait Bernanke est sensible la thématique des bulles financières et il donne le sentiment d’avoir basculé après avoir résisté longtemps pour maintenr le cap sur l’économie. Lors d’un discours récent (10 mai dans Q&A) il a évoqué la question des bulles en se demandant si la Fed par sa politique n’avait pas engendré une série de déséquilibres financiers.
C’est sur ce point qu’il faut s’interroger puisque les données économiques ne justifient pas spontanément un changement de stratégie monétaire. Au regard des donnnées évoquées il est impossible de tendre vers la croissance de 2.45% indiqué par la Fed en juin (milieu de fourchette pour 2013). (sauf à avoir une croissance de l’ordre de 5 à 6 % en taux annualisé en T3 et T4 après ce que j’ai dit sur T2)
Si c’est effectivement pour réduire le risque d’instabilité financière alors il y a deux risques forts qu’il faudra prendre en compte.
Le premier sera l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur les comportements. La hausse du taux hypothécaire est spectaculaire et pourrait se refléter dans un coup d’arrêt à l’amélioration du marché immobilier. Ce serait pénalisant pour la conjoncture immédiate et la perception de leur environnement par les ménages.
Le graphe ci-dessous montre le changement marqué dans l’évolution de ces taux. Le mouvement récent est très brutal pouvant créer de l’attentisme afin de voir l’évolution avant de décider d’un investissement.
Les entreprises qui avaient recommencé à s’endetter pourraient aussi être affectées par cette hausse des taux d’intérêt.
L’autre point que j’avais souligné ici est que l’arrêt progressif du Quantitative Easing se traduise par des pressions rapides et fortes sur les taux courts. Dans un artcile du 28 juin Gavyn Davis (voir ici) indiquait la façon dont le profil attendu des fed funds était attendu désormais par les investisseurs. Le mouvement de hausse est nettement avancé par rapport à ce qui était attendu avant l’intervention de Bernanke.
Cela peut contrarier le plan de la Fed qui ne souhaitait pas remonter son de taux de référence avant 2015. Il va falloir que Bernanke, Yellen et tous les membres du comité de politique monétaire soient convaincants pour inverser les attentes des marchés.
Le risque est que dans une économie fragile avec une politique budgétaire restrictive (coupes budgétaires) cela se traduise par un ralentissement de la croissance. En tout cas au regard de la croissance faible du reste du monde la conjoncture américaine ne dépendra que des décisions prises aux USA et il est probable que la remontée récente des taux d’intérêt et l’incertitude que cela a engendré vont des effets adverses sur la dynamique de l’économie américaine faisant ensuite revenir les taux d’ntérêt sur des niveaux plus bas que ceux observés actuellement faute de croissance.