Le CPB (Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis) vient de publier les chiffres de la production industrielle mondiale et du commerce mondial pour le mois de Juin.
J’avais déjà utilisé ces données à de nombreuses reprises (voir ici par exemple). Ceci est donc une mise à jour et une mise en perspectives à la fin du mois de juin.
En Juin l’indice de la production industrielle mondiale est stable par rapport au mois de mai. Sur 3 mois il est en hausse de 2.4% en taux annualisé et en comparant la moyenne du 2ème trimestre à celle du 2ème trimestre de l’an dernier sa progression est de 1.9%.
Dans le détail géographique les chiffres sont de -0,1% en juin sur un mois pour les pays industrialisés, de 2,6% en taux annualisé sur 3 mois et de 0% sur un an. Pour les pays émergents la progression est de 0.1% sur un mois, de 2.2% sur 3 mois en taux annualisé et de 3.8% sur un an.
En ce qui concerne le commerce mondial en volume il s’est contracté de -0.5% en juin par rapport à mai, est en hausse de 1.3% sur 3 mois en taux annualisé et de 1.7% sur un an (dans le 5ème graphe la variation utilisée n’est pas celle utilisée ici qui compare les 3 derniers mois sur les 3 mêmes mois de l’année précédente, elle indique la variation entre un mois et le même mois de l’année précédent. Ce chiffre est un peu plus volatil).
Dans le détail géographique les pays avancés ont des échanges qui ont augmenté de 1% en juin par rapport à mai, de 4% sur le trimestre en taux annualisé mais ils sont en repli sur un an à -0.4%. Concernant les pays émergents leurs échanges sont en repli sur un mois (-2.1%), sur 3 mois (-1.3%) mais progressent sur 1 an à 4%.
(voir le tableau complet à la fin de l’article).
Cinq remarques sur ces données:
1 – La croissance mondiale mesurée par ces deux indicateurs ne s’est pas accélérée au printemps. L’économie mondiale continue d’évoluer sur un rythme plus réduit que ce qui était observé avant la crise. Il n’y a pas de résorption de l’écart provoquée par celle ci. Il n’y a pas de rattrapage qui laisserait anticiper un rattrapage de la production et des échanges vers leur tendance d’avant crise.
Cela a une conséquence immédiate sur l’emploi qui ne réussit pas non plus à revenir sur son niveau d’avant crise tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents..
Le schéma est encore celui d’une économie globale ou chaque région cherche à résoudre ses difficultés et à réduire les contraintes qui pèsent sur leur capacité à retrouver de la croissance. Cela se traduit par une progression réduite des échanges qui à aucun moment ne jouent le rôle d’impulsion sur l’activité. Or le regain des échanges est un signal d’amélioration et d’accélération du cycle économique. Nous n’en sommes pas encore là au niveau global.
2 – Les améliorations constatées dans les enquêtes en Europe notamment (voir ici) sont trop récentes pour être véritablement perçues dans ces chiffres. On verra cependant que la zone Euro n’est plus le frein à l’économie mondiale qu’elle a pu être il y a quelques mois.
Cependant les pays industrialisés n’ont toujours pas le rôle de leader qui a été historiquement le leur. La progression des échanges y est toujours très réduite et la production industrielle suit une trajectoire insuffisante pour combler le gap avec la période d’avant la récession.
3 – L’essoufflement des pays émergents se constate désormais.
On peut comprendre cette inflexion de la façon suivante: l’absence d’impulsion de leurs clients les plus importants (Europe et Etats-Unis) dont la croissance est faible et rôle plus réduit de la Chine sont les facteurs majeurs d’inflexion de l’activité des émergents. Comme ils ne disposent pas en général d’un marché interne suffisamment développé et robuste pour supporter dans la durée l’absence d’impulsion externe, leur activité a nettement ralenti. Depuis l’été 2011 le commerce mondial progresse trop lentement pour soutenir leur activité et cela se transmet progressivement à la dynamique interne de chacun de ses pays..
En ajoutant l’impact du changement de la politique monétaire américaine on dispose d’un canevas expliquant les interrogations constatées récemment sur les émergents.
4 – La rupture très spectaculaire de 2011, que l’on constatera sur tous les graphes, traduit l’épuisement des mesures de relance mises en oeuvre juste après la récession, l’incapacité des pays industrialisés à retrouver leur leadership en matière d’activité et la récession en zone Euro reflétant à la fois la crise de la dette souveraine et l’impact des politiques budgétaires restrictives mises en oeuvre.
5 – L’activité mondiale n’a pas encore retrouvée une allure robuste. En juillet (et celles d’aout qui sont déjà disponibles) les enquêtes montrent que la situation des pays industrialisés s’est améliorée. Les perspectives sont meilleures aux USA et en Europe, espérons que ces changements s’inscriront dans la durée afin de voir la production et les échanges s’accélérer et permettre une dynamique plus positive pour ces pays mais aussi pour les pays émergents.
Graphe 1 – Production Industrielle Mondiale (Indice base 100 en 2005)
La tendance qui se dessine depuis le début de l’année 2011 n’est pas interrompue. Depuis cette date, la production mondiale augmente au rythme annualisé de 2.4% soit 2 points de moins qu’avant la crise (4.4%). Si cela limite la pression sur le prix des matières premières cela pèse aussi sur la dynamique de l’emploi et des revenus tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents.
Graphe 2 – Production Industrielle Mondiale
La décomposition entre pays développés et pays émergents indique des dynamiques très diverses mais attendues. On notera cependant que depuis la rupture de 2011 le rythme de progression de la production industrielle des pays développés n’est que de 0.4% contre 2.3% avant la crise. A la lecture de cette statistique et en regardant le graphique on ne peut pas être vraiment persuadé que la crise est finie.
Pour les pays émergents la progression aussi s’essouffle. Là aussi le décrochage de 2011 est fort. Depuis cette date la progression en tendance de la production des émergents est de 4.6% contre 8% avant la crise.
Le rattrapage des pays émergents s’est franchement ralentie ce qui rapidement posera des problèmes car la population continuant de croître il y a un risque d’appauvrissement significatif.
Graphe 3 – Production Industrielle Mondiale: Contribution l’évolution annuelle par grandes régions
Sur le graphique figurent les contributions des grands pays industrialisés et de l’Asie sur une longue période. Pour bien percevoir l’absence de leader dans la reprise économique j’ai fait figurer dans la légende la contribution moyenne de chacune des régions sur la période 1992-2007 ainsi que la contribution de juin. On observe qu’aucun de ces pays et aucune de ces régions n’a, en juin, une contribution supérieur à celle observée avant la crise. L’Asie, qui avait un rôle majeur du fait du poids grandissant de la Chine, a désormais une contribution modeste. Elle ne provoque plus l’impulsion du début des années 2000 jusqu’à la crise. Sa contribution était alors élevée et stable.
Les pays industrialisés n’ont pas une contribution très importante y compris les Etats-Unis. Le point positif est la remontée de la contribution de la zone Euro. Celle ci n’est plus tout à fait un frein à la croissance mondiale de l’activité.
Graphe 4 – Production Industrielle – Contributions détaillées
Le graphe ci dessous rajoute les profils de l’Europe Centrale, de l’Amérique Latine et de l’Afrique et du Moyen-Orient. (C’est le détail le plus fin disponible sur cette base. Le Royaume Uni n’est pas isolé).
Ces trois régions rajoutées ont une contribution quasi-nulle en juin pour l’Amérique Latine et l’Europe Centrale. La contribution est négative pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Ces régions aussi s’essoufflent et manquent d’impulsion en provenance de l’extérieur.
Graphe 5 – Variation Annuelle du Commerce Mondial en Volume
Le commerce mondial est présenté en variation annuelle (mois sur le même mois de l’année précédente) et est comparé à la bande bleue qui représente la croissance moyenne sur la période 1992/2007 +/- un écart type.
Depuis la fin de l’été 2011 le commerce mondial progresse à un rythme inférieur à cette bande bleue. Cela traduit bien le fait que le commerce mondial n’est pas actuellement et contrairement à la période d’avant crise le catalyseur de l’activité économique. Ce n’est pas le fait de mesures protectionnistes mais traduit simplement le fait que les efforts d’ajustements internes s’opèrent partout.
Graphe 6 – Contributions à la Croissance Annuelle du Commerce Mondial (grandes régions)
Comme dans le graphe sur la production industrielle la légende présente la contribution historique de chaque région et sa contribution de Juin. Les pays industrialisés contribuent peu ou pas voire négativement alors que l’Asie ne joue plus son rôle passé.
Graphe 7 – Contributions Détaillées à la croissance Annuelle du Commerce Mondial
En rajoutant l’Europe Centrale, l’Amérique Latine et l’Afrique et le Moyen-Orient la perception du commerce mondial n’est pas bouleversée.