Vous trouverez ci-dessous un interview fait avec Christophe Alix journaliste à Libération.
L’article est disponible sur le site du journal à l’adresse suivante
http://www.liberation.fr/economie/2013/10/04/le-retour-de-l-investissement-est-le-grand-enjeu-de-2014_936872
INTERVIEW
Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management. Il réagit à la prévision de l’INSEE qui anticipe une «nette accélération» de la croissance à la fin de l’année 2013.
Êtes-vous en phase avec l’INSEE selon laquelle «l’éclaircie se confirme» pour l’économie française?
Tout à fait. Nous prévoyons pour notre part 0,1% de croissance au troisième trimestre et 0,4% pour les trois derniers mois de 2013, ce qui est très proche de l’INSEE. Toutes les enquêtes de conjoncture le confirment depuis plusieurs mois, la reprise est là et s’accentue avec une production qui repart et des échanges qui progressent. Cette reprise est principalement européenne et la France profite donc de cette embellie sans en être la locomotive.
Mais l’investissement ne repart pas…
C’est bien le problème. Tout l’enjeu est de voir si cette reprise va se consolider avec une reprise de l’investissement. Or nous observons que les chefs d’entreprise restent encore très attentistes et circonspects. L’environnement reste volatile et les incessants changements du cadre fiscal n’améliorent pas les choses. En quelques jours, le nouvel impôt sur l’excédent brut d’exploitation (EBE) est devenu un impôt sur l’excédent net d’exploitation afin justement de ne pas pénaliser l’investissement. Et en dépit de ce que dit le gouvernement, le CICE est ressenti comme quelque chose de complexe. On est loin du choc de simplicité promis.
Sans investissement dites-vous, la reprise ne va pas s’accélérer…
Sans reprise de l’investissement, il y a un vrai risque que le cycle économique ne s’accélère pas. Les entreprises ont réduit leurs coûts et ajusté l’emploi, elles retrouvent des marges et les incertitudes européennes se sont en bonne partie estompées. cela crée des opportunités, comme l’illustre le début d’amélioration de l’Espagne. Mais il faut que cela se confirme avec l’investissement, sinon on n’arrivera pas à doper cette croissance indispensable pour se remettre à créer des emplois. Le retour de l’investissement, c’est le grand enjeu de 2014.
Le budget 2014, décrit comme un budget d’accompagnement de la reprise et de l’emploi et en faveur des entreprises, n’est-il pas justement conçu pour doper la compétitivité ?
Les entreprises ne sont pas encore persuadées d’y gagner. Mais je suis d’accord, ce budget est plutôt «procyclique» comme on dit, il accompagne le mouvement et favorise plutôt les entreprises que les ménages, à raison d’ailleurs.
Pourquoi ?
Les ménages verront les fruits de leurs efforts quand ça repartira vraiment mais dans l’immédiat il faut privilégier les entreprises dont l’investissement peut accélérer brutalement d’un trimestre sur l’autre alors que ce n’est pas le cas de la consommation. L’investissement a un rôle moteur plus important si l’on veut que la reprise d’accélère et ce de manière pérenne.
Vous en doutez ?
Il sera très difficile, me semble-t-il, de dépasser 1% de croissance en tendance. Or avec 1% on ne crée pas d’emplois et je pense que l’on va payer la perte d’investissements depuis 2011, soit huit trimestres d’affilée de dégringolade ! Résultat, le potentiel de croissance de la France, c’est-à-dire sa capacité à profiter à plein de la reprise s’est dégradé et ne dépasse probablement pas 1,5% selon diverses estimations.
Quelle conclusion faut-il en tirer ?
Que la prévision du gouvernement de revenir à 2% à partir de 2016 n’est pas réaliste. Le vrai problème, c’est que notre pays va avoir beaucoup de mal à retrouver un rythme de croissance robuste et ce en dépit de cette amélioration bien réelle de la conjoncture. Dès lors comment notre modèle social va-t-il pouvoir s’ajuster dans un environnement qui risque de rester durablement sur une croissance lente? C’est selon moi le sujet le plus préoccupant pour les 3,4 ou 5 années qui viennent. On est bien en train de sortir de la crise mais il va falloir maintenant s’adapter à une nouvelle donne très différente de ce qu’était la France d’avant 2008.
Christophe ALIX