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Quelle Dynamique en France?
Les interrogations sur l’économie française sont toujours vives que ce soit sur la croissance, l’emploi ou encore le pouvoir d’achat. Nous sommes en effet très loin des niveaux observés avant crise.
Ainsi, si depuis le premier choc pétrolier et jusqu’en 2007, la croissance moyenne de l’économie française avoisinait 2 %, depuis 2007 (et en prenant les trois premiers trimestres de 2013), la croissance annuelle moyenne de l’activité s’inscrit à 0,1 % seulement. Avant la crise, selon les années et les chocs subis, l’activité progressait à un rythme supérieur ou inférieur à 2 % mais finissait systématiquement par revenir sur cette allure. Cela ne se vérifie plus. Enfin, si avant crise, la gestion de l’économie française s’opérait via des politiques conjoncturelles tantôt restrictives, tantôt expansionnistes, celles-ci ne semblent plus avoir la même efficacité aujourd’hui si l’on considère les chiffres de la croissance, mais aussi les trajectoires de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Recherche croissance d’après-crise(s)
Le changement majeur lié à la crise est cette absence de retour vers une croissance robuste.
La croissance ne revient plus systématiquement vers la moyenne de 2 % et les politiques conjoncturelles ne parviennent plus à lui redonner l’allant permettant de sortir d’une situation de croissance très réduite. De 2007 à 2013 en effet, le taux de croissance annualisé stagne autour des 0,1 %.
Pour se convaincre de ce changement, une comparaison avec les récessions passées est instructive avec, pour référence, les récessions résultant :
– du premier choc pétrolier, au milieu des années 70,
– de la crise du Système Monétaire Européen, au début des années 90. L’histoire récente montre que ce sont des points de rupture et de changement de trajectoire de l’économie française. Nous nous attacherons donc à y comparer la situation actuelle.
Deux cas de figure sont envisageables :
1. soit le profil récent de l’économie française est identique à ceux d’alors et il devrait suffire d’attendre pour voir revenir la croissance.
2. soit, si cela n’est pas le cas, cela peut signifier que la France est entrée dans une logique différente.
Retours sur le passé
Au cours des épisodes des années 70 et 90, l’économie française avait connu une année de récession (1975 puis 1993) avant de repartir rapidement de l’avant. Ainsi, en 1982 et 2000, le niveau du PIB par tête avait progressé d’environ + 15 % par rapport à l’année précédant la récession. Le choc subi par l’économie a ainsi pu être appréhendé comme temporaire, même si en 1974 cela s’était traduit par un véritable changement de régime : le 1er choc pétrolier avait en effet été le marqueur du passage des 30 Glorieuses à un régime dont l’économie revêtait un rythme plus soutenable dans la durée.
En prenant comme référence 2007, on note en 2013 que le niveau du PIB par tête n’est pas encore revenu au niveau constaté alors. Le rebond qui avait pu être noté post 1975 et 1993 n’est plus observable. Le graphique ci-contre illustre bien cette situation.
Le bilan actuel
On peut faire plusieurs remarques sur la période récente :
– En 2009 – 2010, le rebond qu’a connu l’économie française a été faible malgré les spectaculaires politiques expansionnistes mises en œuvre. L’écart par rapport aux deux autres épisodes passés est plus que notable. Le rebond observé au sortir de la récession de 2008-2009 a été incapable de faire converger l’économie vers une trajectoire plus élevée. La croissance en 2010 (1,7 %) et en 2011 (2 %) n’a pas été suffisante pour contrebalancer les récessions qui l’ont précédée et ne correspondent pas à un mouvement de reprise significatif, avec l’exagération qui caractérise ces périodes. Elle est en effet à peine revenue sur le chiffre de croissance moyenne observé avant crise.
– La crise de la dette souveraine a engendré beaucoup d’incertitudes à partir de 2011 provoquant des comportements attentistes. La superposition des politiques d’austérité à la crise de la dette a achevé les velléités de reprises en 2010 et 2011. L’économie française est quasiment entrée en récession : 0 % enregistré en 2012 et 0,2 % attendu en 2013.
Dès lors, que nous enseigne la divergence avec les années 70 et 90 ?
1. Le premier point à souligner est la baisse de la productivité par rapport aux périodes passées et traduit, dès 2008, une adaptabilité plus faible.
Dans les deux récessions précédentes, le profil des heures travaillées montre que l’ajustement de l’emploi à la baisse avait été plutôt rapide, redonnant ainsi des marges de manoeuvre aux entreprises. Cela n’a pas été le cas dans l’épisode récent puisqu’en 2008, le nombre d’heures travaillées a augmenté par rapport à 2007.
2. L’inflexion du PIB s’est retrouvée principalement dans le profil de l’excédent brut d’exploitation et s’est traduite par une baisse du taux de marge. Du fait des difficultés d’ajustement, le coût salarial unitaire a continué de progresser et malgré le plan de relance de 2009-2010, le taux de marge n’a pas rebondi. Avec un coût du travail restant orienté à la hausse, l’emploi s’est replié rapidement provoquant une inflexion de la demande.
3. Post récession, le rebond de l’économie s’est fait attendre en raison de la lenteur des ajustements. Comme les pays partenaires économiques de la France étaient dans une situation comparable à l’Hexagone, il n’y a pas eu d’impulsion provenant de l’extérieur.
4. La France et les pays de la zone euro ont tous subi les chocs de la crise de la dette souveraine et des politiques d’austérité. Autant d’éléments qui n’ont pas permis au profil de l’économie française de se redresser avec, en conséquence, un recul de l’investissement et un taux de marge sans amélioration notable.
Les nouveaux défis
Le profil dégradé du PIB par tête constaté désormais pour l’économie française engendre un certain nombre de questions :
– Le retour vers un profil similaire à celui observé avant crise peut-il être simplement le fait de politiques conjoncturelles ? Ou faut-il mettre en œuvre des changements plus structurels afin de faire face à une économie globale qui s’est transformée, et à des partenaires qui se sont adaptés plus rapidement aux nouvelles conditions de croissance ?
– Si l’on regarde le profil du PIB par tête on constate que l’assiette de l’impôt n’a pas progressé. Dès lors, la hausse des déficits intervenue lors de la phase de rupture de l’activité de 2008/2009 ne peut pas être spontanément résorbée par l’augmentation des recettes fiscales : une différence majeure par rapport aux récessions passées. Et la multiplication des sources de recettes par la création de nouveaux impôts ne règle pas la question puisque l’assiette varie peu.
Spontanément l’économie française ne semble donc pas en mesure de retrouver une allure de croissance et d’emploi plus rapide. Des stratégies guidées par moins d’austérité sont nécessaires certes, mais pas suffisantes.
Une réponse doit être apportée au niveau européen avec une réduction des déséquilibres extérieurs, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas, afin de créer des impulsions plus durables au sein de la zone euro. Il faudra aussi probablement des mesures internes fortes. Au début des années 80, les réformes Delors avaient permis d’inverser le profil du taux de marge des entreprises. C’est certainement une condition nécessaire aujourd’hui mais il faut garder à l’esprit qu’à l’époque, l’économie était repartie par les effets de la relance Reagan et du contre-choc pétrolier. Aujourd’hui, une telle impulsion ne peut intervenir qu’à l’échelle de l’Europe : c’est tout l’enjeu d’une dynamique européenne plus coopérative et dont toute la zone pourra, in fine, bénéficier.
Rédigé le 18/11/2013