La conférence de presse de Vladimir Putin a déplacé l’incertitude. Il n’y aura pas d’invasion de la Crimée ni de la partie orientale de l’Ukraine mais le gouvernement actuel n’est pas reconnu par la Russie et celui qui sera issu des urnes le 25 mai prochain pourrait ne pas l’être non plus.
Par ailleurs, ce changement de ton reflète-t-il l’aboutissement d’un test sur la mobilisation des occidentaux? Dans ce cas, ne plus mettre l’accent sur la géopolitique, permet d’échapper aux éventuelles sanctions des occidentaux mais ne permet il pas de faire pression directement sur l’Ukraine, via des contraintes financières ? (Gazprom a indiqué que le discount dont bénéficiait l’Ukraine serait annulé).
On ne peut pas l’exclure. Dès lors le conflit change de dimension et retrouve la tension qui existe de longue date entre la Russie et l’Ukraine. Que doivent faire les occidentaux dans ce cas? Doivent ils, comme il y a quelques années, protester si la Russie coupe le gaz à l’Ukraine où faut il aller plus loin et sanctionner? A la lecture du compte rendu de la conférence de presse, je n’ai pas le sentiment que Putin considère que la deuxième possibilité avec une forte probabilité.
Interview à SicavOnline
Retrouver l’interview ici http://bit.ly/1i3QmUs
Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis AM, revient sur les répercussions économiques de la crise en Ukraine.
Néanmoins, les choses se compliquent tout d’abord parce que l’Ukraine est un enjeu stratégique, un passage clé entre la Russie et l’Europe notamment pour le transport d’énergie de la Russie vers l’Europe. L’importance de l’Ukraine pour les Européens tient en ce point principalement. Si, pour faire pression, la Russie en venait à fermer le robinet du gaz passant par l’Ukraine, cela pourrait devenir préoccupant pour l’Europe et avoir une incidence sur l’approvisionnement.
L’autre incidence de la crise que l’on pourrait redouter se situerait sur le marché des céréales où, comme on l’a dit, l’Ukraine est un acteur de premier plan. Un autre acteur pourrait peut-être devenir plus actif. La Chine a passé des accords avec l’Ukraine sur des approvisionnements alimentaires. Elle ne s’est pas manifestée pour l’instant.
Mais aujourd’hui, il est bien trop tôt pour imaginer le scénario du pire. La crise est récente et rien ne nous dit que les protagonistes n’y mettront pas un terme rapidement.
Tout dépendra en fait de l’agenda de Vladimir Poutine : soit le président russe décide d’engager le bras de fer pour conserver toute l’Ukraine dans sa zone d’influence et joue de l’arme gazière, soit il se résigne à ne conserver que la Crimée dans son giron et ne coupe pas l’approvisionnement énergétique ; dans ce cas, les dommages pour l’Europe seraient minimes. Encore faut-il que la situation entre Ukrainiens et Russes ne dégénère pas.
La crise russo-ukrainienne peut-elle affecter profondément l’économie russe, comme le laisserait à penser la chute d’une douzaine de pour cent enregistrée par la bourse russe lundi 3 mars ?Je ne crois pas qu’en l’état actuel des choses l’économie russe puisse s’en trouver perturbée durablement.
Mais, répétons-le, les pronostics en la matière sont tributaires de l’agenda politique de Vladimir Poutine. Nous en saurons sans doute plus dans les jours qui viennent. On peut ajouter cependant que les pays occidentaux peuvent aussi faire pressions sur la Russie. L’économie globalisée peut avoir une incidence rapide, cela s’est vu lundi matin par la chute rapide du rouble et la nécessaire intervention de la Banque centrale de Russie. Le système n’est pas dépendant que des orientations prises par Poutine.
Pour l’heure, le pays le plus en difficulté dans cette histoire demeure l’Ukraine. Et ses problèmes sont antérieurs à l’intervention russe en Crimée. L’Ukraine a besoin de 30 à 35 milliards de dollars pour faire face à ses échéances, alors que ses réserves de changes ont diminué rapidement, que sa balance courante est très largement déficitaire et qu’elle a une dette externe à rembourser.
L’autre difficulté immédiate est politique car les trois principaux partis plus le nouveau parti de centre droit issu des révoltes récentes n’ont clairement pas les mêmes options politiques. L’objectif premier était commun, il est accompli avec la chute de Ianoukovitch, en sera-t-il de même maintenant? La période jusqu’aux nouvelles élections présidentielles du 25 mai va être instructive sur ce point.
Le FMI qui pourrait aider le pays a déjà été échaudé : en 2011, il avait dû suspendre son plan d’aide, Kiev ne remplissant pas sa part du contrat en procédant aux réformes demandées. Toute nouvelle aide apportée par lui requerra des garanties.
L’enjeu est là pour l’Ukraine tant vis-à-vis du FMI que de l’Union Européenne: elle ne sera crédible que si elle réussit à convaincre qu’elle est capable de se réformer.
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