La hausse de TVA au 1er avril a eu un impact fort et négatif sur l’économie japonaise. L’inflation s’est accélérée, le pouvoir d’achat des ménages a chuté et les dépenses du consommateurs se sont effondrées. Du côté de la production industrielle, le repli a été significatif. Ces facteurs vont avoir de la persistance. C’est ce qu’indique une comparaison avec la hausse de la TVA de 1997. Le choc négatif subi en avril ne va pas se résoudre instantanément. Il pèsera durablement sur le profil de l’activité japonaise.
Au delà de ces éléments conjoncturels, la question de la population active est une nouvelle fois posée avec les chiffres d’avril sur le marché du travail. Il y a plus de d’offre d’emplois que de demandeurs d’emplois. Cette problématique structurelle est la vraie question posée au Japon. Une population active insuffisante pour satisfaire à la demande en raison du vieillissement c’est cela la question majeure pour le Japon. Pour l’instant Shinzo Abe ne donne pas de solutions. Or il y a contradictions entre les souhait d’Abe de disposer d’une croissance forte et durable et le profil du marché du travail. On ne peut pas imaginer une population active vieillissante, moins nombreuse, moins productive et une hausse durable de l’activité.
Tant que cette équation ne sera pas résolue, le Japon pourra multiplier les politiques économiques (monétaire et budgétaire) expansionnistes, cela n’y changera rien. La production dépend du travail, du capital et du progrès technique. Le premier facteur est défaillant et enraye l’ensemble de la dynamique nippone.
L’enchainement des Abenomics était de relancer l’activité, de la remettre en route avec un taux d’inflation enfin positif tout en mettant en œuvre des réformes structurelles (ouverture du marché du travail pour accroitre la population active) afin de prolonger cette trajectoire.
Shinzo Abe devrait présenter des mesures structurelles en juin mais on ne peut exclure que cela soit trop tard car le choc négatif d’avril sera toujours perceptible.
En d’autres termes, l’économie japonaise subit un choc négatif probablement persistant. Cela affectera le profil de la production et de l’activité en réduisant les tensions. In fine cela se traduira par une trajectoire du PIB moins ambitieuse mais davantage compatible avec le profil de sa population active. Une politique monétaire encore plus accommodante n’y ferait rien de plus.
L’inflation en hausse à 3.4% en Avril
L’inflation en avril pour l’ensemble du Japon s’est accélérée à 3.4% (1.6% en mars), reflet de la hausse de la TVA. Le mouvement haussier n’est probablement pas achevé. Pour la seule ville de Tokyo, le taux d’inflation pour mai est disponible et il s’est accéléré. Le taux d’inflation est passé de 1.3% en mars à 2.8% en avril et à 3.1% en mai. La hausse du taux d’inflation pour l’ensemble de l’économie n’est pas achevée.
Pour l’ensemble de l’économie japonaise, un tel niveau d’inflation n’avait pas été observé depuis août 1991.
Le taux d’inflation sous-jacent s’est inscrit à 2.2% contre 0.6% en mars. Les prix des biens manufacturiers sont en hausse de 4.5% et ceux des services de 1.7%.
Evolution du Pouvoir d’achat
Le principal problème conjoncturel du Japon est la baisse rapide du pouvoir d’achat des ménages. La hausse de l’inflation mise en œuvre dans le cadre des Abenomics ne s’est pas répercutée sur le salaire du japonais. L’accélération brutale de l’inflation en avril avec la hausse de la TVA a accentué le mouvement de repli. C’est ce que montre très clairement le graphe.
Ventes de détail en repli de -4.4% sur un an
L’impact de la hausse de la TVA, que j’avais évoqué ici le week-end dernier pour les grands magasins,est nettement perceptible pour l’échantillon plus large des ventes de détail. La hausse de mars constituait un achat avancé pour ne pas subir la hausse de la TVA. L’ajustement à la baisse a été constaté en avril. C’est ce que montre le graphique ci-dessous.
La comparaison avec la hausse de la TVA de 1997 est intéressante car elle montre qu’à l’époque, le mouvement à la baisse sur la consommation avait eu de la persistance. Ce n’est donc pas simplement un choc ponctuel mais un choc persistant qui va pénaliser la demande interne japonaise au cours des prochains mois. Cela fragilisera la dynamique de l’activité.
Production Industrielle en repli de -2.5% en avril
Depuis le début de l’année la production industrielle suit une dynamique en repli. Dans un post récent (lire ici) j’évoquais la baisse des commandes dans l’enquête PMI/Markit en avril et mai et la baisse d’activité qui s’en suivrait. Nous sommes dans cette logique et il est peu probable que la production industrielle se retourne rapidement.
La comparaison avec 1997 n’est pas immédiate. La production avait reculé en avril 1997, rebondi pendant les mois d’été mais avait chuté tout au long des mois d’automne, finissant l’année 1997 à un niveau plus réduit qu’en avril.
Marché du travail en avril
La situation sur le marché du travail est déséquilibrée. Le nombre d’emplois à pourvoir est supérieur à celui des personnes disponibles pour eux.
Les mesures conjoncturelles prises depuis un peu plus d’un an ont tiré la croissance à la hausse provoquant des besoins de main d’œuvre plus importants. Or au regard du graphique, cela n’est pas possible spontanément. La population active et disponible pour prendre un nouvel emploi est insuffisante.
On relève ici les limites de la politique de Shinzo Abe tant que les règles sur la population active (femmes, étrangers) ne sont pas relâchées. Le risque est que les Abenomics achoppent par ce point. Il faut que la population active augmente rapidement pour que les Abenomics deviennent un succès dans la durée. Ce n’est pas encore le cas.
En d’autres termes, l’économie japonaise subit un choc négatif probablement persistant. Cela affectera le profil de la production et de l’activité en réduisant les tensions. In fine cela se traduira par une trajectoire du PIB moins ambitieuse mais davantage compatible avec le profil de sa population active.