Verbatim de ma chronique du jour
La réunion tant attendue de la BCE c’est aujourd’hui. La banque centrale doit présenter un programme d’apport de liquidités qui se matérialisera par l’achat de dette souveraine.
La BCE met en place un tel programme car elle fait le constat que l’économie de la zone euro n’arrive pas à retrouver une allure de croissance satisfaisante. Le détail de l’activité montre que la demande interne privée reste peu dynamique. La consommation et l’investissement ne donnent pas de signaux forts sur leur capacité à retrouver spontanément une trajectoire robuste susceptible de porter la croissance.
La BCE fort de ce constat considère que le meilleur moyen de redonner du souffle à cette économie est de modifier en profondeur son environnement.
Elle a procédé en deux étapes depuis le printemps dernier : elle a d’abord réduit les taux d’intérêt à 0%, c’est le cas depuis septembre avec un taux de refi à 0.05%. Cela a fait chuter l’euro qui est désormais sur une parité voisine de 1.15 contre dollar.
La deuxième étape est de s’assurer que cette parité pourra encore se réduire et surtout qu’elle restera faible dans la durée. Les annonces de cet après midi s’inscrivent dans cette deuxième étape.
D’autres opérations sur la liquidité ont déjà été menées depuis septembre comme les TLTRO et les achats d’obligations sécurisés et d’ABS. Ces opérations permettent de transférer le risque des banques vers la BCE et donc de réduire à terme la fragmentation financière. L’achat de dette souveraine accentuera le caractère massif de la stratégie de la BCE qui veut accroitre la taille de son bilan de 1000 milliards à l’horizon de juin 2016.
Une conséquence de ce programme est l’aplatissement de l’ensemble de la courbe des taux d’intérêt en zone Euro. C’est déjà grandement le cas sur les taux allemands et français mais il y a encore à faire pour les pays tels que l’Espagne ou l’Italie. L’objectif est de disposer de taux d’intérêt très bas très longtemps sur l’ensemble de la courbe des taux de rendement afin d’inciter à dépenser et à investir maintenant plutôt que dans le futur.
L’objectif global de cette stratégie monétaire est de modifier en profondeur et dans la durée les conditions externes, la parité, et internes, les taux d’intérêt, de la zone euro afin que celle ci puisse retrouver un profil plus robuste.
La baisse durable de l’euro devrait provoquer une impulsion sur les exportations et la production incitant les acteurs de l’économie de la zone euro à modifier leurs comportements. Associé à la baisse du prix du pétrole qui est un invité inattendu dans le scénario de la BCE la dynamique de la zone euro devrait se reprendre. Cela sera favorable à l’investissement et à l’emploi et devrait remettre l’économie de la zone sur une dynamique plus vertueuse.
Une telle intervention est nécessaire car aujourd’hui la croissance en tendance est nulle depuis le premier trimestre 2011 et l’inflation est légèrement négative. La BCE ne peut pas se satisfaire d’une telle configuration. Il faut qu’elle agisse. Si la demande ne reprend pas alors que l’euro est bas, que le prix du pétrole est réduit et que la politique monétaire est très accommodante alors il y a de vraies questions à se poser sur la capacité de l’économie de la zone à retrouver un jour une capacité à croitre.
Les modalités d’intervention ne sont pas connues mais les achats de dette souveraine devront être proportionnelles au poids de chaque pays dans le capital de la BCE. La philosophie derrière cette opération d’apport de liquidité doit être comprise comme un premier pas vers une mutualisation de la dette qui doit déboucher sur des eurobonds. Cependant, il est évoqué la possibilité d’associer à chaque banque centrale la responsabilité de la dette publique de son pays. Ce serait le contraire de la mutualisation et un très mauvais coup à l’union monétaire. Il est souhaitable de ne pas aller dans cette direction.
Les annonces qui seront faites aujourd’hui par la BCE seront essentielles pour ancrer les anticipations de l’ensemble des acteurs de l’économie tant en zone Euro que dans le reste du monde. Il faut que Mario Draghi réussisse à convaincre tous ces acteurs que l’économie de la zone Euro peut à nouveau retrouver une croissance durable et être un acteur majeur de l’économie de demain.