Verbatim de ma chronique du jour
Depuis 2008, le profil de la croissance mondiale a changé. Les économies tardent à retrouver une allure qui serait proche de celle constatée avant la crise. Cela s’observe dans les pays développés mais aussi dans les pays émergents.
En France, par exemple, la croissance a suivi une trajectoire très particulière notamment depuis 2011. Du premier trimestre 2011 au quatrième trimestre 2014 l’activité a progressé au rythme de 0.4% par an sans avoir la capacité d’accélérer spontanément contrairement à ce qui était observé par le passé. Cela n’est pas spécifique à la France au sein des pays développés. Sur un autre plan, l’économie chinoise ralentit. Sa croissance qui était à 10% en moyenne converge vers 7% et ira probablement un peu plus lentement encore.
Les économies ne semblent pas capable de retourner vers le profil qui était le leur avant la crise de 2008. Le retour à la normale ne semble plus être la trajectoire naturelle des économies qu’elles soient développées ou émergentes.
Cette quête de la normalité avait été mise en avant en novembre 2013 par Larry Summers . L’ancien secrétaire d’Etat au Trésor de Bill Clinton évoquait la possibilité d’une croissance lente dans la durée, beaucoup plus lente que ce qui était observé jusqu’alors. Il remettait au gout du jour l’hypothèse de stagnation séculaire. Plus récemment, Alice Rivlin de la Brookings Institution s’interrogeait sur l’hypothèse d’une inflation nulle dans la durée, ce que cela reflétait de l’économie et les conséquences d’un tel environnement sur la politique économique.
Avant la crise il y avait de la croissance et un taux d’inflation réduit compatible avec la notion de stabilité des prix. Aujourd’hui les questions sont ouvertes, la croissance est faible et l’inflation inexistante.
Dans son rapport d’avril 2015, le FMI se pose aussi la question du retour à la normale. Il s’interroge sur la possibilité de converger vers la trajectoire de croissance d’avant crise. Sa réponse est clairement négative.
La croissance potentielle, celle qui ne crée pas de tensions inflationnistes, sera durablement plus réduite que celle constatée avant la crise. Le décrochage par rapport à la tendance passée ne sera pas rattrapé il y aura donc une perte permanente d’activité. De plus, la croissance du PIB potentiel sera plus faible qu’auparavant. On ne retournera pas vers la tendance passée mais pire on s’en éloignera de plus en plus. (voir l’illustration au bas de ce post)
Ce qui change par rapport aux périodes passées est que généralement les économies, après une perturbation, revenaient en partie sur leur trajectoire antérieure avec un taux de croissance du PIB potentiel proche de celui d’avant la perturbation.
Le FMI nous dit que ce ne sera pas le cas dans le présent épisode.
Cela résulte dans les pays développés au vieillissement de la population et donc à une population active qui augmente moins vite. Cette croissance plus lente est liée également à un investissement qui a été réduit depuis le début de la crise, pénalisant ainsi le profil de la productivité. Les populations vieillissent et la longueur de la crise fait que du retard a été pris sur l’investissement et sur la productivité. Cela ne se rattrape pas spontanément.
Pour les pays émergents, le vieillissement de la population est aussi un facteur important mais le FMI insiste aussi sur l’investissement qui n’a plus la même priorité. La classe moyenne qui s’est développée dans les pays émergents souhaite davantage consommer. Cela change l’équilibre et la trajectoire de ces économies. En outre, l’effet de rattrapage de productivité vis à vis des pays développés est moins marqué.
Ce que nous dit le FMI est que le profil des économies ne sera plus celui d’avant crise, qu’il n’y aura pas de retour vers cette dynamique et qu’il faut que l’on ajuste nos comportements à cette nouvelle donne. La croissance sera plus lente, le FMI attend une hausse de l’activité dans les pays développés de 1.6% entre 2015 et 2020 contre 2.25% avant la crise et de 5.2% dans les pays émergents contre 6.5%.
Les marges de manœuvre seront plus réduites aussi bien sur le plan budgétaire que sur le plan monétaire. Le monde a changé avec la crise de 2008 et son impact sera durable. Attention cependant, car même si le FMI constate une réduction de la productivité, on constate un nombre impressionnant d’innovations qui vont encore changer le cadre dans lequel nous évoluons. Cela ne se voit cependant pas encore dans les statistiques.
Ce que nous dit le FMI est que dans les conditions actuelles, on ne peut pas rêver à une croissance folle qui d’un seul coup résoudrait les questions posées. Il faudra trouver d’autres solutions dans la gestion du quotidien et ne pas imaginer qu’à la fin la croissance résorbera les déséquilibres.
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Le graphe ci dessous est à titre d’illustration de l’écart entre l’activité effectivement observée et la tendance.