Verbatim de ma chronique du jour
Les élections britanniques aujourd’hui ont des enjeux importants dans une économie qui depuis 2013 a une allure plus robuste. Néanmoins le PIB par tête n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant crise à la fin de l’année 2014. Il est encore 1% en dessous de ce niveau d’avant crise. Ce chiffre est comparable à celui de la France même si au dernier trimestre le Royaume Uni fait un peu mieux que la France pour la première fois depuis le début de la crise.
Ce profil du PIB par tête montre que le choc subi par le Royaume Uni a été très persistant puisqu’en dépit d’une reprise robuste, qui fait rêver de nombreux français, le PIB par tête n’arrive pas encore à revenir à son niveau d’avant crise. En d’autres termes, le revenu de l’anglais moyen reste pénalisé par la crise. Cette situation reflète en partie le mode de reprise constatée aux Royaume Uni qui s’est faite notamment sur des contrats de travail précaires et dont la conséquence est une baisse du pouvoir d’achat significatif depuis 2008. Les gains récents résultent d’ailleurs davantage de la baisse de l’inflation plutôt que d’une hausse marquée des salaires nominaux.
D’une manière générale, la productivité ne progresse pas au Royaume Uni où l’emploi depuis la reprise a augmenté plus vite que l’activité. Cela traduit une situation difficile à maintenir dans la durée car cela mine la profitabilité des entreprises.
Pour revenir au PIB par tête, ce chiffre moyen évoqué traduit des disparités régionales fortes. La dynamique que l’on a tendance à observer est celle de Londres. Sur ce point aucune ambigüité, la capitale britannique a progressé de façon très rapide, pareil pour son environnement régional proche. Mais l’économie britannique n’est pas homogène et l’écart entre Londres et le reste du Royaume Uni est bien supérieur à celui entre Paris et les autres régions françaises.
Cette divergence s’observe dans l’évolution des prix de l’immobilier comme l’illustre le graphique ci après
J’insiste sur ce point car un des enjeux, pour le nouveau gouvernement qui sortira des urnes, sera de faire de telle sorte que la dynamique de croissance soit mieux repartie au sein du territoire. Les distorsions de revenu se sont accrues durant la phase de reprise comme se sont accrus les écarts dans la distribution des revenus. Ces points ont été discutés durant la campagne notamment via la taxation des exilés londoniens qui pourraient être fiscalisés sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux et plus simplement sur ceux se référant aux gains sur le territoire britannique. Cela changerait profondément la situation à Londres et notamment sur son immobilier car les incitations à se localiser dans la capitale ne seraient plus les mêmes.
Un autre point sera l’intégrité de l’ensemble du territoire. Le référendum écossais a échoué en septembre dernier mais le SNP, le parti indépendantiste écossais, sera un arbitre important dans la dynamique politique à la fois dans la formation du nouveau gouvernement surtout si les travaillistes arrivent en tête mais aussi dans la durée. Nicola Sturgeon qui dirige ce parti compte bien faire entendre sa voix. Il est probable que la situation écossaise évolue et que l’Irlande du nord et le Pays de galles souhaitent aussi gagner en autonomie.
La revendication territoriale sera un élément clé des prochaines années, que ce soit sur la dynamique économique et l’équilibre des régions ou sur sa dimension plus politique.
Un point majeur de ces élections sera la possibilité d’un référendum sur l’appartenance du Royaume Uni à l’Union Européenne. Si David Cameron gagne sans conteste les élections il a promis un référendum en 2017. Les travaillistes de Ed Miliband ne se sont pas engagés dans un tel challenge.
Deux remarques sur ce point : s’il y a référendum cela risque de créer une incertitude forte sur l’économie britannique au cours des deux prochaines années. En effet, les entreprises ont bénéficié depuis de nombreuses années de l’avantage que donne l’Union Européenne dans les échanges intra-européens. La possibilité d’un référendum obligerait à discuter de cette dimension et plus seulement du pouvoir de Bruxelles par rapport à celui de Londres. L’emploi au Royaume Uni serait un enjeu. Par ailleurs, on doit imaginer qu’un certain nombre d’opérations financières qui se font aujourd’hui à la City, car dans l’Union, se délocaliseraient ailleurs dans l’Union Européenne.
L’autre remarque est qu’un référendum sera aussi dépendant de la coalition qui se mettra en place après les élections car aucun parti ne semble pouvoir disposer a priori d’une majorité suffisante pour gouverner seul. Il faudra composer et cela pourrait permettre de glisser sur cette idée de référendum.
D’autres questions plus politiques attisent les tensions entre différents partis, je pense notamment à l’immigration qui est une donnée complexe.
La situation au Royaume Uni est ainsi intéressante à plus d’un point : il lui faut trouver un modèle de croissance plus équitable, plus homogène sur son territoire tout en prenant en compte les volontés indépendantistes de certaines régions et en intégrant l’interrogation que le Royaume Uni a sur son appartenance à l’Union Européenne. La résolution de ces questions majeures sera une source d’enseignements forts pour l’Europe toute entière.