La dynamique de la présidence Macron va enfin pouvoir commencer. Les discussions entre le gouvernement et les syndicats sur les orientations à prendre quant à l’évolution du code du travail français ont occupé une bonne partie de ces dernières semaines. Les ordonnances ont été dévoilées ce 31 août et seront validées en conseil des ministres le 21 septembre prochain. Le quinquennat pourra alors vraiment commencer.
L’objectif du gouvernement est de rendre le marché du travail plus réactif en modifiant certains aspects de ce code du travail.
A travers ces quelques lignes, voyons si le marché du travail va, comme espéré, réagir plus rapidement lorsque l’activité s’améliorera. La reprise de l’activité date en France du début de 2013. Mais l’emploi privé n’a repris que deux ans plus tard. L’objectif pour le gouvernement est de réduire ce délai pour rendre l’économie française plus réactive et finalement plus autonome.
Une vision critique suggère que ce n’est pas la flexibilité qui est en jeu dans la lente reprise du marché du travail. C’est plutôt la mise en place des politiques d’austérité à partir de 2011. La demande insuffisante a provoqué un ajustement brutal de l’emploi. L’économie française n’a pas retrouvé la même dynamique de croissance depuis la reprise de 2013. L’emploi tarde à retrouver une allure satisfaisante. La dynamique de l’emploi n’aurait rien à faire ou si peu avec le code du travail. Elle serait pourtant principalement dépendante de la demande. La flexibilité n’est pas dans ce cas un argument discriminant.
Les deux visions se complètent dans mon esprit. Les économies de la France et de la zone Euro ont été pénalisées durablement par la mise en place de ces politiques d’austérité. Cela a été une source de destruction d’emplois importante. Son impact persistant a limité la capacité des entreprises françaises a retrouver une dynamique rapide de l’emploi. On observe sur le graphique qui compare l’emploi dans la zone Euro et celui de la France qu’il y a plus d’inertie en France et une réactivité plus réduite. C’est sur cet aspect que le changement du code du travail peut avoir une incidence.
Les ordonnances pour modifier le code du travail ont été présentées en conférence de presse par Edouard Philippe, le Premier ministre, et Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, en conférence de presse.
Quatre remarques en découlent :
La première porte sur la décentralisation de la négociation. L’accent a été mis lors de la présentation sur les PME et les TPE. Je crois que la problématique posée est plus large. Du fait du changement technologique majeur dans lequel l’économie française évolue et parce que la concurrence internationale est beaucoup plus vive que par le passé. Les entreprises doivent pouvoir adapter leur organisation et leur mode de production de façon plus individualisée. De la start-up à la grande entreprise industrielle ou de services, les ressemblances sont réduites et parfois inexistantes. Il me semble pertinent de pouvoir modifier les règles en fonction de chacun des types d’entreprise. Cela permettra d’améliorer la réactivité des entreprises sur l’emploi. L’objet des décrets d’application sera de vérifier que la négociation n’est pas trop asymétrique. Elle sera néanmoins plus efficace qu’un accord trop global.
La deuxième remarque est la volonté de fixer des règles dans la durée. L’objectif ici est d’améliorer la prévisibilité et de réduire l’incertitude. De ce point de vue, les normes prud’homales qui ont été adoptées sont pertinentes en réduisant l’incertitude. Ce sera aussi le cas de l’ensemble des choix effectués si ceux-ci s’inscrivent dans la durée. Si les options prises par le gouvernement ne changent pas pendant la durée du quinquennat, cela réduira au moins l’incertitude dans laquelle les entreprises pourront fonctionner. Ce sera ainsi une source plutôt positive pour l’emploi. L’incertitude est l’ennemi de l’embauche.
Le troisième constat est que cette réforme du marché du travail est incomplète et asymétrique. En effet elle regarde principalement du côté de l’employeur alors que les droits des salariés ne sont pas franchement améliorés. C’est l’aspect asymétrique. Son caractère incomplet vient de la nécessité absolue de réformer la formation pour que la plus grande réactivité du marché du travail du côté des entreprises ne soit pas une source d’incertitude et d’inquiétude pour les salariés. Muriel Pénicaud a évoqué ce thème et Emmanuel Macron dans son interview au Point en parle aussi. Mais il faut faire cette réforme sinon tout ce qui vient d’être présenté sous forme d’ordonnance n’aura pas l’impact souhaité, loin de là.
Enfin, la quatrième remarque est l’impasse sur le contrat de travail. Les analyses portant sur le marché du travail français ont mis l’accent sur le développement rapide des Contrats à Durée Déterminée (CDD) avec des contrats de plus en plus courts. Cette partie du marché du travail reste précaire et sert de variable d’ajustement. Edouard Philippe a indiqué lors de la conférence de presse qu’il y avait une sorte d’arbitrage entre la réforme du code du travail et celle du contrat de travail. Aussi, le gouvernement avait fait le choix de la première option. Je ne crois pas qu’il y ait incompatibilité avec des propositions qui avaient été présentées sur le contrat de travail unique par plusieurs économistes français. Il me semble que le maintien du partage CDI/CDD permettra de maintenir cette frange de travail précaire que l’on observe dans tous les pays développés. Chaque pays a son mode de fonctionnement. Mais c’est un volant d’ajustement qui est désormais accepté dans l’idée de fluidifier le marché du travail.
Il est dommage que cette option sur le contrat de travail ait été prise car ces CDD concernent grandement les jeunes. Dans son interview au Point, le Président de la République prêchait pour une attention particulière envers les jeunes et les peu qualifiés. La formation permettra de résoudre une partie des difficultés que ces deux populations rencontrent. La stabilité et la précarité seraient à remettre plus tard. C’est dommage.
Version in extenso de ma contribution hebdomadaire à Forbes – A retrouver ici