Ecrit avec Aline Goupil Raguénès
Lors de la réunion de la Fed dont le résultat sera connu ce soir à 2000, il est fort probable que la Banque Centrale américaine annonce le lancement de son opération de réduction de la taille de son bilan.
Celui ci avait gonflé de façon spectaculaire à partir de la fin de l’année 2008. La banque centrale jouait d’abord un nouveau rôle dans la gestion des liquidités du système monétaire et bancaire américain. Par la suite les opérations d’achats d’achat d’actifs ont contribué à pérenniser le gonflement de ce bilan. Pour donner quelques chiffres, il est passé de 830 milliards en moyenne en 2007 à près de 4 500 Mds aujourd’hui. En pourcentage du PIB le chiffre moyen de 2007 était de 5.7%, il est aujourd’hui de 23%.
Si la Fed veut réduire la taille de son bilan plusieurs questions se posent. C’est à ces questions que nous souhaitons répondre dans ce post et dans le document attaché qui est plus technique mais aussi plus précis sur le déroulé des opérations.
1 –Pourquoi normaliser le bilan de la Fed ?
La forte hausse du bilan de la Fed résulte des mesures exceptionnelles prises durant la crise économique et financière de 2008 afin de rendre la politique monétaire très accommodante et créer les conditions d’une reprise. La banque centrale a rapidement baissé ses taux directeurs en décembre 2008 pour ramener le taux des Fed funds entre [0 ; 0.25%] et, comme cela ne suffisait pas, elle a acheté massivement des bons du Trésor et des titres adossés à des créances immobilières (MBS). Cela s’est traduit par une multiplication par 5 de son bilan.
Aujourd’hui, après huit années de reprise, la Fed considère qu’elle est sur le point d’avoir atteint ses deux objectifs : celui d’un emploi maximal et de convergence du taux d’inflation vers la cible de 2% à moyen terme. Dans ce contexte, la politique monétaire ne doit pas rester aussi accommodante et doit être progressivement normalisée.
La banque centrale a commencé le processus de normalisation en relevant progressivement le taux des Fed funds : 4 hausses de taux depuis décembre 2015 pour le ramener à [1 ; 1.25%] en juin 2017.
Elle va dorénavant s’attaquer à son bilan. Sa réduction lui permettra par ailleurs de disposer de marges de manœuvre supplémentaires en cas de choc sur l’activité. Elle profite ainsi de conditions économiques favorables pour le réduire progressivement et être plus à même d’acheter de nouveau des actifs financiers si nécessaire. D’autant plus que la probabilité que cela se produise est plus élevée qu’avant la crise compte tenu du bas niveau du taux des Fed funds. Enfin, le fait de commencer la normalisation du bilan maintenant avec un processus prédéterminé permet de lier les mains du futur président de la Réserve fédérale et de limiter l’incertitude sur les marchés.
2- Quand ?
En juin, Janet Yellen, la présidente de la Fed, a indiqué que cela pourrait débuter dans peu de temps si l’économie évoluait comme attendu. Cela a été répété depuis. La Fed devrait fort probablement annoncer la réduction de son bilan lors de sa réunion du 19 et 20 septembre et commencer le processus en octobre.
3- Comment ?
Jusqu’à présent les revenus issus du portefeuille constitué par la Fed étaient réinvestis intégralement dans des titres équivalents.
Depuis septembre 2014, la Réserve fédérale indique que la réduction des titres détenus se fera de manière graduelle et prévisible et principalement en cessant de réinvestir les remboursements des titres arrivant à échéance. Elle ne prévoit pas de vendre d’actifs à ce stade. Une fois enclenchée, la réduction s’opèrera de manière automatique et en arrière-plan de l’ajustement du principal instrument de la banque centrale : le taux des Fed funds. En opérant avec prudence, la banque centrale vise à limiter les risques de tensions sur le marché obligataire que pourrait générer la réduction des titres obligataires détenus à son actif. Cela constitue en effet une forme de resserrement monétaire avec laquelle elle n’a pas beaucoup d’expérience. C’est pour cela qu’elle va opérer une réduction passive du bilan afin de limiter l’impact sur les marchés. Le taux des fonds fédéraux sera l’instrument principal utilisé dans la conduite de sa politique monétaire. En juin, elle a publié le détail de son mode opératoire : les réinvestissements ne pourront s’opérer qu’au-delà d’un seuil prédéterminé. Ce dernier va progressivement augmenter sur une période d’un an pour atteindre sa taille maximale et s’y maintenir jusqu’à ce que le bilan soit normalisé. Pour les bons du Trésor, le seuil initial sera de 6 milliards et sera augmenté du même montant tous les trois mois. Au bout d’un an, le montant mensuel non réinvesti sera de 30 milliards. Pour les titres d’agence et les RMBS les chiffres seront de 4 milliards et de 20 milliards au bout d’un an.
La Fed se dit toutefois prête à augmenter de nouveau ses réinvestissements en cas de nette dégradation des perspectives économiques nécessitant une baisse importante du taux des Fed funds.
4- Jusqu’à quel niveau ? Jusqu’à quand ?
La banque centrale ne l’a pas encore déterminé. Il y a de fortes raisons de penser que sa taille restera bien supérieure au niveau qui prévalait début 2008 et ceci pour deux raisons qui se situent au passif de son bilan. La demande de monnaie est plus importante et le niveau des réserves devrait être beaucoup plus élevé qu’avant la crise (demande plus forte d’actifs sûrs de la part des institutions financières et mode opératoire qui sera adopté par la Fed pour piloter le taux des Fed funds). La banque centrale a indiqué que le montant des réserves serait sensiblement en-dessous du niveau vu ces dernières années mais plus important que celui d’avant crise. Selon les dernières estimations de la Réserve fédérale de New York, le bilan pourrait être normalisé entre 2020 et 2023 et le montant des titres détenus serait alors réduit de 1 à 2 trillions de dollars, en fonction des hypothèses retenues sur le montant des réserves. Ces chiffres sont à comparer à une hausse de 3.7 trillions de $ de titres détenus par la Fed entre fin 2008 et fin 2014. Le bilan resterait ainsi à un niveau élevé (entre 10 à 16% du PIB) et recommencerait à augmenter en raison de la progression de la demande de monnaie et de réserves.
5- Les conséquences ?
La Réserve fédérale se montre confiante dans sa capacité à réduire la taille de son bilan sans générer de fortes tensions sur les marchés obligataires. Les estimations réalisées par ses équipes montrent un impact limité sur les taux. La raison réside dans le fait qu’elle ait communiqué clairement ses intentions et son mode opératoire bien avant le début de la réduction de son bilan. Le but a été de bien préparer les investisseurs à ce changement et ne pas les prendre par surprise. Elle veut éviter à tout prix les turbulences qui ont secoué les marchés obligataires en 2013 (22 mai) lorsque Ben Bernanke, le président de la Fed, avait évoqué la normalisation de la politique monétaire et une réduction prochaine des achats d’actifs.
Mais au regard de la taille colossale du bilan et de l’absence d’expérience en la matière, on ne peut exclure une réaction plus forte que celle anticipée. Dans ce cas, la Fed l’intégrera dans ses décisions de politique monétaire. Elle pourrait ainsi être amenée à réaliser moins de hausse que prévu du taux des Fed funds, voire le baisser en cas de trop fortes tensions. C’est notamment la raison pour laquelle elle a attendu que la hausse des taux soit bien engagée avant de normaliser son bilan, pour pouvoir les baisser en cas d’un durcissement des conditions financières. Les marges de manœuvre sont toutefois réduites et c’est pour cela que la Réserve fédérale se dit prête à augmenter les réinvestissements de titres en cas de détérioration des perspectives économiques nécessitant une nette baisse du taux des Fed funds. Elle est également prête à modifier la taille et la composition de son bilan si les conditions économiques nécessitent une politique monétaire encore plus accommodante que celle permise par la baisse du taux des Fed funds.