L’Europe est dans une position inconfortable après l’échec dans la mise en place d’un gouvernement de coalition en Allemagne.
Jusqu’à présent, Angela Merkel menait la négociation pour un gouvernement regroupant les deux volets du parti conservateur (CDU et CSU), les libéraux (FDP) et les verts.
Cette négociation a échoué en raison de positions opposées sur l’écologie (ampleur de la réduction de CO2 et comment y parvenir), les flux migratoires (sur le plafond de 200 000 réfugiés par an et sur le regroupement familial), la fiscalité (impôt de solidarité pour continuer le financement de l’Allemagne de l’est et opposition du FDP à un budget européen proposé par Emmanuel Macron) et l’éducation.
Cet échec change la donne en Allemagne car Angela Merkel n’est plus maître du jeu. Elle l’était jusqu’à présent comme leader du principal parti politique pour former un gouvernement. L’incapacité de trouver un terrain d’entente la remet dans le rang et c’est désormais le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, qui est maître du jeu.
Il n’a pas voulu, pour l’instant, trancher pour de nouvelles élections. Deux autres solutions sont possibles, soit une coalition avec le parti social-démocrate (SDP) qui pour l’instant a refusé soit un gouvernement minoritaire qui est souvent gage d’instabilité.
La situation est donc confuse en Allemagne et c’est une mauvaise nouvelle pour l’Europe car les préoccupations vont désormais principalement se tourner sur des questions domestiques et pas sur les réformes européennes que Merkel avait laissé espérer.
L’optimisme européen de ces derniers mois reflète une dynamique plus robuste de l’activité et l’anticipation de réformes des institutions européennes visant à pérenniser sa construction. Ce changement espéré dans les règles repose sur la volonté commune du président français et de la chancelière allemande. Cette convergence perçue après les élections présidentielles françaises a été accentué par le discours de la Sorbonne du président Macron le 26 septembre, deux jours après les élections allemandes, et sa validation dans les grandes lignes par Angela Merkel.
Ce changement espéré et attendu dans la dynamique institutionnelle de l’Europe et de la zone Euro doit permettre de réduire, voire de gommer, l’incertitude politique qui gâche le plaisir d’être européen. En créant une plus grande visibilité à moyen-long terme cette évolution des règles crée les conditions d’une croissance qui s’inscrit encore davantage dans la durée sans le risque d’une remise en cause à chaque élection.
La dynamique de la zone Euro tient donc à ses deux composantes et à leurs interactions. L’échec d’Angela Merkel peut la remettre en question. C’est ce point qui est fâcheux car j’imagine mal que les futures négociations ou que le nouveau cycle électoral se positionnent sur l’Europe. Les questions domestiques seront au coeur des discussions et des prises de positions. L’immigration et les réfugiés continueront d’avoir un rôle fort. Ces questions étaient déjà là mais le leader du prochain gouvernement ne sera pas forcément engagé sur les questions européennes comme pouvait l’être Angela Merkel.
Le risque est une modification profonde dans l’appréciation de l’Europe à moyen et long terme puisque les réformes pour pérenniser les institutions européennes pourraient ne pas être mise en oeuvre. Cet assombrissement des perspectives affecterait la dynamique de l’activité et de l’emploi.
Le populisme est apparu moins virulent ces derniers mois car la croissance et l’emploi ont modifié les attentes. Si la croissance cale avant de s’être renforcé dans la durée, le risque populiste réapparaîtra rapidement créant alors une incertitude plus marquée sur la dynamique des institutions européennes déjà existantes.
L’enjeu de la situation allemande va donc bien au-delà de la stabilité politique outre-Rhin, et sa dimension européenne ne doit pas nous échapper au risque d’un retour du populisme.