La croissance française est repartie à la hausse depuis le début de l’année 2013. En 2011 et 2012, elle avait fait du sur-place, reflet des politiques d’austérité tant sur le plan budgétaire que monétaire (2 hausses de taux d’intérêt en avril et juillet 2011 pour une inflation fantôme).
La France est dans une phase de rattrapage sur l’emploi et l’investissement. L’emploi privé ne reprend cependant qu’en 2015. L’investissement insuffisant par le passé pénalise la croissance actuelle.
La raison de cette reprise est la mise en place de politiques économiques accommodantes (neutre sur le plan fiscal et franchement accommodante sur le plan monétaire), d’un prix du pétrole divisé par 2 depuis l’été 2014 et d’un euro moins cher.
Ces éléments appliqués à la zone Euro ont créé un environnement favorable à l’économie française. Ce phénomène a été accentué depuis le début 2017 par une reprise du commerce mondial.
La croissance française est cependant en ralentissement tendanciel comme le montre le profil de la croissance potentielle de l’économie française. D’un peu plus de 2% dans les années 80 et 90, elle n’est plus que de 1.2% selon les estimations convergentes de nombreux instituts. (ce profil de la croissance potentiel n’est pas spécifique à la France. Les autres pays ont une allure similaire (voir le graphe en annexe))
La croissance récente s’est accélérée mais elle est déjà bien au-dessus du potentiel. Cela implique qu’à court terme la possibilité d’une accélération de l’expansion est réduite même si l’écart peut se maintenir. Une demande supplémentaire se traduirait par des tensions excessives sur l’appareil productif et des importations en plus. Il y a quelques trimestres, dépenser davantage du côté de l’Etat, avait du sens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
D’ailleurs, le taux d’utilisation des capacités de production dans le secteur manufacturier est déjà au-dessus de sa moyenne du cycle précédent. Relancer à tout prix est stupide à ce stade du cycle.
Il faut profiter de ce pic du cycle pour réformer.
La réforme du marché du travail va dans ce sens. Le marché du travail a changé depuis, qu’en 1993, Edouard Balladur a commencé à réduire les charges sur les salaires les plus bas. L’emploi est devenu plus réactif à la croissance. Pour un même niveau de croissance de l’activité, l’emploi augmente plus fortement. C’est ce que suggère le déplacement vers le haut et la rotation vers la gauche de la courbe de tendance sur le 2ème graphe. La courbe bleu sur la période 1970-1993 s’est transformée en courbe rouge sur 1994-2017. L’idée de la réforme lancée en septembre dernier par le gouvernement est de faire pivoter encore davantage cette tendance. Le but est d’être capable de créer des emplois très vite et de pouvoir le faire, sans trop de contrainte, dans les secteurs qui vont bien et qui seront porteurs de croissance (cela veut dire pouvoir sortir vite des secteurs qui ne vont pas bien). La France n’a pas été bonne par le passé dans cette réallocation des ressources. Cela ne lui donne pas une forte réactivité.
Conservons à l’esprit que le volet formation qui sera mis en œuvre en 2018 doit nécessairement compléter cette réforme de l’offre.
Le pic du cycle doit aussi être un fondement d’une politique d’austérité. Si on ne la mène pas à ce moment là alors elle ne sera jamais menée. La croissance plus rapide qui alimente une cagnotte n’est pas une bonne idée car elle ne permet pas d’assainir les fiances publiques.
Sur ce plan les choix ne sont pas clairs. Les arbitrages auraient pu être plus convaincants. Est il nécessaire de taxer les grandes entreprises pour corriger une loi inconstitutionnelle alors que le montant en jeu est celui de la réduction d’impôts qui résulte du passage de l’ISF à l’ISI.
L’agenda du gouvernement doit donc porter sur les réformes parce que la croissance française est proche de son pic et qu’il est plus facile de réformer lorsque cela va bien.
L’objectif de ces réformes doit être d’infléchir à la hausse la croissance potentielle. L’économie changeant rapidement il faut qu’elle soit plus réactive. C’est un aspect de la réforme sur le marché du travail. L’emploi dans les pays de la zone Euro a réagi plus rapidement qu’en France à la reprise de l’activité après 2013.
Le rôle de l’investissement public sera aussi essentiel. Le plan d’investissement public doit permettre d’inverser la tendance observé sur le second graphe de cette page et de créer aussi des incitations à l’investissement privé.
Depuis le début de la crise, l’ajustement à la baisse de l’investissement public a été spectaculaire. C’est plus facile à faire que de réduire les dépenses de fonctionnement. Cependant, cela pénalise l’économie à moyen terme car l’Etat est le seul acteur de l’économie capable de prendre des risques dans le long terme car il a la possibilité d’investir de façon non rentable à court terme.
Cette inflexion attendue à la hausse de la croissance potentielle est essentiel pour préserver le modèle social et éviter les ajustements trop brutaux.
L’économie change et s’accélère de façon impressionnante. Il faut être plus réactif pour capter ses tendances les plus immédiates mais aussi avoir les ressources nécessaires pour le faire. C’est pour cela que l’Etat doit rester actif, agile et investisseur. Mais il faut qu’il dégage des marges de manœuvre budgétaires et qu’il doit être aujourd’hui plus austère que dépensier tout en ré-allouant les ressources pour favoriser l’investissement dans le long terme.
Annexe
Le ralentissement de la croissance potentielle n’est pas qu’un phénomène français. Partout dans les pays développés elle s’est infléchie de façon significative. Cela traduit en grande partie le mouvement de ralentissement de la productivité. Les gains de productivité progressent moins vite ce qui ne permet pas de dégager un surplus suffisant pour financer le modèle social, des revenus supplémentaires ou des revenus transférés dans le temps (retraite)