L’accord financier entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni est une très bonne nouvelle. Cela permettra de solder les engagements pris par la Grande-Bretagne vis-à-vis du reste de l’Europe. Les négociations sur le commerce vont ainsi pouvoir commencer. Elles ne se feront pas sur un mode tendre. Michel Barnier, fort du soutien des 27 pays de l’UE, l’a expliqué récemment. Il n’y aura pas d’exception à la règle. Il ne pourra pas y avoir d’accord à la carte pour les Britanniques. Tous les secteurs seront traités de la même façon, il n’y aura pas d’exception.
C’est une stratégie pertinente de la part de l’Union Européenne car l’économie britannique dépend très fortement de l’Union Européenne pour ses échanges extérieurs. Il faut le répéter encore une fois : un pays commerce principalement avec ses voisins. Il y a une relation cohérente et vraie un peu partout entre l’intensité des échanges entre deux pays et la distance entre eux. Ainsi l’Australie peut-elle faire partie du Commonwealth et bénéficier d’un lien privilégié avec le Royaume-Uni, l’intensité de ses échanges est réduite en raison de la distance entre eux et le Royaume de sa Majesté. Il est donc peu probable que des liens commerciaux puissent se développer durablement entre des pays éloignés des îles britanniques et celles-ci. C’était un argument des supporters du Brexit mais il ne tient pas le crible de l’analyse.
Cela veut dire que les Européens resteront les partenaires privilégiés des Anglais.
Dans le même temps, le Royaume-Uni est un partenaire important pour de nombreux pays européens. C’est un pays dont l’activité est diversifiée et proche géographiquement de ses partenaires européens. Il est donc logique, suivant le schéma développé ci-dessus, que les Européens aient intérêt à ne pas créer une situation sans retour avec les Britanniques. En outre, en l’absence d’accord, des activités en liaison avec le Royaume-Uni ne pourraient plus continuer. Comment faire atterrir des avions des compagnies européennes à Heathrow sans accord commercial ? Ce ne serait pas possible. Il y a pour ce secteur et d’autres la nécessité de trouver un accord pour que l’activité d’entreprises de l’UE ne soit pas pénalisée.
L’intérêt commun est d’aller dans le même sens. En raison de la volonté de sortir de l’UE, mais parce que l’UE restera le principal marché extérieur des Britanniques, ils devront avoir accès au marché unique. Cependant, en raison de l’application des règles de l’Union Européenne, cela veut dire que les Britanniques devront accepter les règles décidées à Bruxelles sans pouvoir les discuter.
Si ces règles n’étaient pas acceptées, les échanges extérieurs du Royaume–Uni seraient régis par le cadre défini par l’Organisation Mondiale du Commerce et celui-ci serait nettement moins favorable à l’activité britannique.
Je pense qu’il y a une nécessité d’accepter l’accès au marché unique et les règles de Bruxelles. C’est la seule issue possible pour les Britanniques.
Cependant, je ne pense pas que les Britanniques pourront se satisfaire de cette situation. La Norvège, qui a accès au marché unique, suit ces mêmes règles édictées par Bruxelles. Cependant, ce pays bénéficie d’une production pétrolière très abondante qui engendre des revenus élevés. Le reste de l’économie est peu diversifié. Respecter les règles de Bruxelles n’est donc une contrainte ni forte ni rédhibitoire.
Le Royaume-Uni ne pourra pas calquer sa situation sur celle de la Norvège. Il ne bénéficie plus de revenus pétroliers importants et son économie est très diversifiée. Celle-ci ne pourra se développer, en phase avec ses principaux partenaires, qu’en suivant des règles qui ne seront pas décidées par Londres ou sur lesquelles Londres pourrait avoir une influence (jusqu’à présent les Britanniques sont les plus actifs à Bruxelles dans la détermination des règles du marché unique).
La situation ne sera pas soutenable dans la durée tellement le corset qui s’appliquera à l’économie britannique sera serré. L’économie outre Manche sera pénalisée dans la durée en terme de croissance et elle n’attirera plus autant les talents que dans un passé récent. La seule solution sera alors de réintégrer l’Union Européenne. C’est mon pari. Dans 10 ans, si le scénario est celui évoqué ici, le Royaume-Uni ré-intègrera l’Union Européenne car ce sera son intérêt de le faire.
A court terme, le risque serait le départ de Theresa May. A ce moment-là, son remplacement par un “dur” du Brexit ne permettrait pas l’accord sur l’accès au marché unique et le Brexit deviendrait alors une situation périlleuse pour l’économie britannique.
Ce texte reprend ma chronique hebdomadaire pour Forbes. Elle peut être lue ici