J’ai envie de partager avec vous l’optimisme que l’on peut avoir pour 2018. Le commerce mondial est reparti à la hausse, le prix du pétrole est encore raisonnable et partout dans le monde les chefs d’entreprise ont une perception positive de leur environnement. Le point de départ pour 2018 est solide.
La croissance, et l’emploi qui en résultera, permettra à chacun de mieux reprendre pied dans un monde complexe et difficile. Il incombera aux politiques économiques d’être attentives aux réformes à mettre en œuvre afin de créer les conditions d’une reprise plus riche en emplois et susceptible de réduire l’incertitude à l’échelle de chaque citoyen. C’est un des aspects attendus des réformes qui seront discutées en 2018 en France. Les orientations à prendre sur la formation et les compétences qui sont au cœur de la politique du gouvernement seront le complément nécessaire aux ordonnances sur la loi travail pour rendre le marché du travail plus efficace.
C’est cependant maintenant et parce que tout va bien que les difficultés vont commencer. L’économie globale passe dans sa phase d’après crise et sa croissance apparaît robuste pour la deuxième année consécutive. C’est parce qu’elle est plus forte qu’il faut mettre en place des réformes importantes. Le gouvernement français l’a bien compris. Ce nouvel environnement se traduira aussi par des pressions pour réduire l’emprise des politiques monétaires. Elles ont été spectaculairement accommodantes et à l’origine de l’amélioration observée ces dernières années. Mais cette politique volontariste va au-delà de l’entendement pour beaucoup et les pressions vont se multiplier pour en réduire l’effet incitatif.
Le risque est de vouloir aller trop vite dans un monde où la croissance, au sein des pays développés, est encore limitée (2% selon le FMI en 2018 contre 2.9% en moyenne de 1980 à 2007) et pour lesquels l’inflation est toujours trop réduite (1.7% en 2018 selon le FMI contre 2.9% en moyenne de 1980 à 2007). C’est pour ces raisons que je n’imagine pas la possibilité d’une rupture à la hausse des taux d’intérêt sauf à prendre un risque fort sur l’équilibre macroéconomique.
Quelles seront les capacités d’ajustement de l’économie globale ? La croissance est solide aussi parce que les taux d’intérêt sont bas depuis longtemps. Un ajustement trop rapide à la hausse serait préjudiciable pour l’activité.
Cette croissance robuste s’accompagne cependant d’un profil médiocre de la productivité. Imaginer une économie solide c’est faire l’hypothèse d’une reprise durable de la productivité. Les innovations doivent permettre cette rupture de la productivité mais ce n’est pas encore le cas et l’on ne sait pas à quel moment l’impact positif sur celle-ci aura lieu : dans 2 ans, dans 5 ans, dans 10 ans personne ne peut le dire.
Dans ces conditions, un changement trop rapide du réglage monétaire pourrait perturber le bel ordonnancement actuel. De ce point de vue, ce qui se passera aux USA avec le renouvellement du conseil de la Fed à Washington sera majeur. Le nouveau conseil sera-t-il tenu par les engagements précédents ? Et sa communication qui avait permis la normalisation progressive de la politique monétaire sans choc sur les marchés sera-t-elle maintenue ? De son côté la BCE ne veut pas précipiter les changements parce qu’elle considère que la normalisation du profil de la croissance sera beaucoup plus long que ce que tout le monde a envie de croire.
L’Europe devra faire face à un double changement dans son environnement global.
Sur le plan économique, elle ne va plus être en phase de rattrapage comme c’était le cas en 2016 et 2017. La dynamique de la croissance sera dès lors de nature différente et plus sensible à l’environnement global. En d’autres termes, il va falloir que la politique économique en Europe joue à nouveau un rôle et que les économies puissent s’adapter à un nouveau cadre tout en améliorant leur efficacité.
L’autre point est que dans cette phase d’après crise, l’équilibre économique global a changé radicalement en faveur de l’Asie. On peut observer ce changement radical qui accompagne la crise sur le graphe ci-contre. Le moteur de la croissance mondiale n’est plus dans les pays développés. L’ajustement aux chocs sera donc plus douloureux qu’auparavant puisque les pays développés ne sont plus moteurs et que la croissance moyenne est plus réduite.
L’équilibre politique change aussi de façon spectaculaire créant des opportunités pour l’Europe. La période d’après crise a une coloration moins coopérative et plus autocratique. L’Amérique ne joue plus franchement le jeu de la coopération politique même avec ses partenaires privilégiés. Le biais protectionniste compris dans le plan de baisse des impôts va favoriser les entreprises américaines au détriment du reste du monde et notamment du monde développé. Cela traduit une attitude plus belliqueuse que par le passé. Du côté chinois, Xi Jinping a renforcé son pouvoir et a encore davantage inscrit la Chine dans la globalisation. Ce biais vers moins de coopération s’observe aussi avec le processus de sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne. Les britanniques considèrent qu’ils seront mieux en dehors de tout processus a priori coopératif.
La recomposition politique globale doit être une opportunité pour l’Europe. Pour cela il faudra qu’un gouvernement allemand se mette enfin en place et qu’il marque sa volonté européenne. Ce sera une condition nécessaire pour que la coopération qui ne joue plus à l’échelle globale soit encore un ressort pour le vieux continent pour réduire les dérives populistes comme celle vue en Autriche et que l’on pourrait voir en Italie après les élections du 4 mars.
L’Europe et la France peuvent avoir un rôle majeur à jouer dans l’équilibre économique et politique global. Il faut profiter de la robustesse du cycle actuel pour mettre en place les mesures et les institutions qui permettront de conserver une approche coopérative. Cet enjeu coopératif est majeur car désormais de nombreuses questions ne sont plus pertinentes à l’échelle d’un pays : le climat, le terrorisme, la globalisation, la pollution ou encore la sécurité sont des points que l’on ne peut approcher qu’à l’échelle globale. La moindre coopération à l’échelle globale est sur ces aspects tout à fait préoccupant car aucun de tous ces éléments ne pourra être résolu.
L’optimisme économique doit donc, en 2018, être nuancé par la perception d’un monde dont les tendances ne sont plus systématiquement convergentes comme cela avait été imaginé par le passé. L’Europe doit être une force de propositions. Car les européens savent bien qu’un monde moins coopératif n’est pas souhaitable.