J’ai déjà commenté ici le changement d’orientation de la politique de la BCE décidé lors de la réunion du comité de politique monétaire du 14 juin. On peut y trouver les raisons économiques et les raisons techniques à cette inflexion. Pour moi cependant, le véritable objectif de la BCE est de pouvoir disposer d’une demande interne privée suffisamment robuste pour être un vrai support à la croissance européenne.
Le graphe ci dessous représente cette demande interne hors dépenses du gouvernement et hors stocks. On constate une progression quasi linéaire avant la crise au rythme de 1.9% puis une longue période de décroissance sous la pression des politiques budgétaires d’austérité et d’une politique monétaire pour le moins maladroite. Puis enfin à partir de 2013 et un policy mix plus favorable une reprise de la croissance de cette demande privée au rythme tendanciel de 2.1%.
La période critique a été celle entre le pic de l’indicateur au premier semestre 2008 et le point bas du premier trimestre 2013. Durant cette période la consommation des ménages et l’investissement privé (entreprises +ménages) ont baissé. La légère reprise de 2010 a été balayé par les politiques budgétaire et monétaire trop rigoristes.
Lorsque Draghi arrive à la tête de la BCE il fait de telle sorte que l’allure du taux de la BCE suive le cycle. Le recul de la demande pousse ainsi les taux à la baisse et limite l’incitation à transférer sa richesse dans le temps. En conséquence, l’argent sur les comptes bancaires n’est pas transféré sur des comptes d’épargne provoquant ainsi des opportunités de dépenses.
La mise en place de l’opération de QE, début 2015, étend la pression à la baisse des taux à l’ensemble des maturités, limitant encore davantage l’incitation à transférer sa richesse dans le temps mais accentuant la possibilité de dépenses. Cela a bien fonctionné puisque la demande privée est repartie nettement à la hausse. Entre temps, la politique budgétaire est devenue plus neutre.
La demande privée solide, désormais revenue au-dessus de son pic de 2008 (depuis seulement le premier trimestre 2017), et la confiance manifestée par la BCE dans la robustesse du cycle donnent la possibilité aux autorités monétaires européennes de commencer la normalisation de sa stratégie monétaire. Mais en aucun cas, la BCE ne veut prendre le risque d’une stratégie susceptible de brouiller fortement les anticipations. C’est pourquoi le processus sera lent afin de consolider encore davantage cette allure de la demande privée qui donne davantage de robustesse et d’autonomie à la croissance de la zone Euro.