Cette description de l’économie française pose néanmoins pas mal de questions.
1 – La prévision de croissance de 2019 écrite dans la loi de finance à 1.7% doit être révisée. Si l’on maintient sur l’ensemble de l’année 2019 le rythme du premier semestre (0.35%) alors la croissance annuelle moyenne serait de 1.3%. Pour atteindre le chiffre de 1.7% il faudrait 0.9% par trimestre sur la deuxième partie de l’année. Cela parait excessif au regard du contexte international.
Cela veut dire aussi que le chiffrage du déficit public sera bien au-delà du 2.8% initialement prévu et indépendamment des mesures adoptées récemment après les propos du président de la République. Le chiffre de 3.5% peut paraître raisonnable.
2 – Le contexte international est médiocre tant en Europe que dans le reste du monde. La croissance ralentit et le climat politique ou commercial est délétère. C’est une hypothèse qui ne permet pas d’imaginer une forte impulsion du reste du monde. Elle se traduit par une contribution négative du commerce extérieur à la croissance.
3 – La consommation des ménages repart nettement à la hausse en raison des effets de pouvoir d’achat du premier semestre. Selon le calcul de l’INSEE le pouvoir d’achat du revenu disponible progresserait fortement et aurait un acquis de 2% à la fin des 6 premiers mois de l’année. Ce chiffre est à comparer à celui observé de 1.4% sur 2017 et sur 2018. Ce coût d’accélérateur faciliterait le rattrapage de consommation des ménages.
Cette dynamique est très vertueuse et fait l’hypothèse qu’il n’y a pas d’effet de persistance des mouvements sociaux sur les premières semaines de 2019. Elle suppose aussi que les ménages réagissent principalement à l’évolution de leur pouvoir d’achat. Dans le compte développé par l’INSEE, les ménages ont tellement de pouvoir d’achat en plus qu’ils consomment davantage mais épargnent aussi davantage.
Le point troublant néanmoins est que le moral des ménages mesuré par l’enquête mensuelle de l’INSEE suggère que ceux ci deviennent progressivement plus pessimistes. C’est pour cela que le rebond des dépenses n’est pas spectaculaire mais peut être un peu fort quand même.
4 – La reprise modeste est accompagnée aussi d’un profil très modéré de l’emploi. La dynamique de l’emploi en 2019 resterait dans l’allure de 2018 mais plus du tout dans la trajectoire de rattrapage de 2017. A l’époque, 341 000 emplois avaient été créés. Il n’y en aurait que 107 000 en 2018 et autant en 2019. Il ne faut pas dans ces conditions s’attendre à un repli du taux de chômage.
5 – Les entreprises encaissent le choc du dernier trimestre avec un investissement stable. Cependant, dès le premier trimestre 2019 l’investissement reprend au rythme de 0.6% par trimestre. C’est un peu moins rapide que ce qui avait observé en 2017 et 2018 (avant le dernier trimestre) mais cela parait solide eu égard à l’environnement international dégradé. Les entreprises maintiennent le cap indépendamment du contexte global moins porteur. Il y aurait donc un effet rattrapage vertueux des entreprises françaises. C’est à saluer.
Cela peut paraître un peu excessif car cela suppose finalement assez peu de persistance dans le comportement des entreprises. Pourtant, celles ci sont inquiètes si l’on suit les enquêtes de conjoncture mais aussi l’évolution des commandes de biens d’équipement qui est un indicateur bien corrélé à l’investissement. Le graphique ci-dessous suggère que le freinage de l’investissement au dernier trimestre pourrait être plus fort que ce que prévoit l’INSEE. J’attends avec impatience, l’indicateur du mois de décembre qui sera publié le 21. J’espère qu’il corrigera ce repli rapide et fort de novembre.
Le point supplémentaire à retenir est que les marges des sociétés non financières retrouveraient en 2019 les points hauts connus sur la période 1985-2007. La profitabilité des entreprises serait en forte progression en raison de la baisse des cotisations employeurs. Du point de vue des entreprises, l’ajustement qui avait été sévère après la crise de 2008/2009 s’est achevé si l’on suit cet indicateur de marge. En d’autres termes, le partage de la valeur ajoutée qui avait été relativement stable de 1985 à 2007, s’était fortement déformé pendant la crise au profit des salariés et au détriment des entreprises. Il reviendrait en 2019 sur les allures d’avant crise et proche des plus hauts historiques (33.5% contre des plus haut à 34%). L’effet des stabilisateurs automatiques qui avait tenu les ménages dans des conditions favorables est désormais derrière nous (voir ici )