Les manifestations observées à Hong Kong (HK) opposent les habitants de ce territoire rattaché à la Chine le 1er juillet 1997 et le gouvernement chinois. Elles sont massives. Le 18 août, 1.7 millions de personnes manifestaient soit 25% de la population.
L’enjeu est l’évolution politique du territoire de Hong Kong après l’adoption d’un amendement de la loi d’extradition par le gouvernement de Hong Kong. Ce qui est mis en cause est la perception, par les Hongkongais, de l’emprise que pourrait avoir sur le système juridique de HK au risque de réduire son indépendance vis à vis de Pékin. La particularité de HK pourrait ainsi être en partie gommée (1 pays, 2 systèmes depuis les accords de 1997) avec associé à cela un risque sur la sécurité personnelle pour chaque habitant de HK.
Carrie Lam, la cheffe du gouvernement de HK, a déclaré, le 8 juillet, que l’amendement était mort (The bill is dead) mais cela n’a pas calmé les manifestants qui souhaitent sa démission. C’est elle qui a lancé l’amendement et n’est pas élue démocratiquement puisque la chambre qui l’a ninvestie est de 1200 personnes principalement nommées par Pékin. Cette nomination aurait dû résulter d’un vote au suffrage universel. Mais, depuis 2014 et le mouvement des parapluies, Pékin a changé vis à vis de HK. Le gouvernement chinois ne semble plus vouloir accepter les accords initiaux sur la démocratie.
Cette critique de l’évolution politique de HK tient aussi au fait que le gouvernement chinois intervient dans les élections législatives, invalidant un candidat ou un autre.
La Chine s’oppose très fermement à cette agitation sociale. Les troupes chinoises sont aux frontières de HK et manœuvrent sans pour autant intervenir.
Pour comprendre ce qui se passe et la réaction forte du gouvernement de Pékin il faut revenir en arrière.
En 1997 lors de la rétrocession de HK à la Chine par les britanniques, il était écrit qu’il y aurait un pays mais deux systèmes. HK resterait soumise aux lois du marché et la Chine resterait socialiste. La Chine s’occuperait de la défense et des affaires étrangères mais HK aurait sa propre constitution marquée par un haut degré d’autonomie par rapport à la Chine avec notamment le maintien des libertés de la presse, de manifester, d’association….
L’accord du 1er juillet 1997 est signé pour 50 ans c’est à dire jusqu’en 2047. A partir de cette date, le système un pays deux systèmes peut se fondre en un pays, un système.
C’est sur ce point que les inquiétudes naissent à HK. L’idée au départ était la convergence des deux systèmes avec l’hypothèse que, la Chine s’enrichissant, son système politique allait faire davantage de chemin vers HK que le contraire. C’est le point défendu notamment par Samuel Pisar, selon lequel un plus grand confort économique se traduirait par l’adoption progressive d’un système politique plus libéral et démocratique.
Les hongkongais constatent, au regard des agissements de Pékin, que ce sont eux qui convergent vers le système politique chinois. Ils craignent d’être progressivement assimilés et de n’être plus qu’une province chinoise comme une autre. La conséquence serait un accès à l’information plus réduite et une capacité à être entendue beaucoup plus limitée qu’actuellement. Ils ont donc beaucoup à perdre.
Le gouvernement de Pékin ne veut pas prendre le risque d’accepter un désordre social et le gouvernement n’hésite pas à réprimer les manifestations qui ont lieu dans les régions. Pour éviter ce type de situation, les autorités chinoises font acte d’un grand activisme dans la politique économique mise en oeuvre. Il ne faut en aucun cas qu’une possible instabilité sociale ne se développe. C’est une des raisons du développement à grande échelle de la surveillance électronique des chinois. La reconnaissance faciale ou l’idée du crédit social sont des moyens de limiter les risques. C’est une forme de dictature digitale pour éviter l’agitation sociale.
Cette nécessité est d’autant plus grande que la croissance ralentit et que la capacité de l’économie chinoise à créer tous les emplois souhaités est discutée.
En d’autres termes, les autorités de Pékin ne souhaitent pas de diffusion des manifestations de HK vers le reste de la Chine qui est affaibli par une croissance plus lente. Cette situation est périlleuse car les populations de Shenzhen ou de Canton suivent l’évolution des rapports entre HK et Pékin. De nombreuses habitants de Shenzhen travaillent à HK, en conséquence il n’y a plus d’étanchéité entre HK et le reste de la Chine.
De nombreuses questions sont posées par ce rapport de force.
Une intervention militaire chinoise à HK fait partie des options possibles. Un tel choix politique se heurterait au risque de créer un lien avec ce qui s’était passé à Tien’anmen au printemps 1989.
Cela nuirait à la Chine dont le développement international a été décuplé par rapport à 1989. Les initiatives chinoises visant à étendre l’influence de la Chine telles que “les nouvelles routes de la soie” (Belt and Road Intitiative) seraient mise à mal par une intervention militaire. En tout cas ce serait un risque élevé à prendre au moment où la Chine tient tête aux USA et propose des capacités technologiques susceptibles de faire basculer l’équilibre du monde vers la Chine (l’affaire Huawei est symbolique de cela puisque cette entreprise a les capacités de renouveler les réseaux de téléphonie mobile et de faire basculer rapidement les pays européens vers la 5G chinoise).
Ce serait donc un risque majeur alors que la Chine veut rivaliser sur le plan économique et politique avec les USA.
En outre, le rabaissement du statut de HK, au rang de région chinoise (ce qui serait le cas s’il y avait intervention), accentuerait la défiance de toutes les capitales du monde vis à vis de Pékin.
Une telle défiance pourrait cependant n’être que de court terme. Les chinois peuvent, en effet, faire l’hypothèse que leur puissance économique et technologique leur assurera le leadership des prochaines années. Dans ce cas, une intervention n’aurait qu’un impact limité dans le temps. Tien’anmen n’a pas empêché la croissance et l’emprise de la Chine sur le monde au cours des trente dernières années.
Le rôle de la Chine dans le monde est en train de se jouer. Elle fait face aux USA dans un rapport de force économique et politique global. L’enjeu est celui du leadership technologique, économique et politique. Washington n’arrive pas à conclure son bras de fer avec Pékin. Les représailles chinoises ont fait reculer D.Trump, la semaine dernière, lorsque celui ci a repoussé au 15 décembre la taxation de produits électroniques grand public.
La Chine est aussi dans la construction de son équilibre interne. Le maintien de HK dans son statut actuel c’est la possibilité d’accéder au reste du monde et à celui-ci d’accéder à la Chine. Ce lien est essentiel même si HK ne représente plus que 3% du PIB chinois contre 20% en 1997.
La Chine redevient peut être la puissance économique qu’elle était avant la révolution industrielle de l’Europe. La façon dont sera réglée les manifestations de HK en dira long sur la façon dont, dans un monde globalisé, ce leadership pourrait s’exercer.