Washington. Le 18 octobre, les sanctions de l’OMC contre l’Europe vont être mises en œuvre par les États-Unis. Elles concernent un conflit ancien entre Airbus et Boeing. Chacun des deux constructeurs a bénéficié de subventions publiques. Après les mesures prises à l’encontre de l’Europe, l’OMC devra se prononcer sur la situation de Boeing. Il est probable qu’il y aura des sanctions et la situation globale s’équilibrera. Les Européens avaient proposé une négociation qui aurait évité les effets collatéraux qui résulteront de la façon avec laquelle les Américains appliqueront les sanctions. L’amende aux Européens ne concernera qu’en partie Airbus. La taxation supplémentaire sur les avions européens ne sera que de 10 %, permettant ainsi de ne pas pénaliser les compagnies aériennes américaines. Les effets collatéraux vont concerner du vin français, du fromage, des outils allemands ou encore des vêtements britanniques. On peut s’interroger effectivement sur l’utilité de ces taxations au taux de 25 %. Le refus des Américains de transiger va produire le même type d’effets de la part des Européens sous forme de représailles lorsque la sanction sur Boeing sera connue.
Ce jeu pervers est finalement perdant pour tous. Il correspond à la croyance de Donald Trump que l’économie est un jeu à somme nulle. Ce qui est pris aux Européens en augmentant les prix, via la taxation, profitera aux travailleurs américains. Cela ne fonctionne pas comme cela. La hausse des taxes, en 2018, sur l’importation d’acier aux États-Unis, n’empêche pas la dégradation des entreprises américaines du secteur.
Ces sanctions n’entrent pas dans la même logique que celles relatives aux tensions sino-américaines. Le jeu entre Airbus et Boeing concerne deux avionneurs qui disposent chacun de parts de marché considérables. C’est une problématique microéconomique. Les tensions sino-américaines sont avant tout politiques et l’économie et la technologie sont les médias utilisés pour affirmer la position de chacun des belligérants.
Depuis très longtemps, les Américains sont attentifs aux évolutions en Chine, essayant de contraindre systématiquement l’Empire du Milieu. Dans la première décennie des années 2000, l’administration américaine faisait pression pour que la monnaie chinoise soit réévaluée. Cette technique qui avait bien fonctionné avec le Japon n’a pas eu la même efficacité auprès des autorités chinoises. Celles-ci ont considéré que la fragilité du Japon dans les années 1990 n’était qu’une conséquence de la docilité monétaire japonaise vis-à-vis de la Maison Blanche. C’est pour cela que Pékin a été réticente à accepter les pressions américaines.
L’arrivée de Xi Jinping à la tête de l’État chinois a donné une dimension plus politique aux orientations chinoises. Mais celui-ci a aussi défini des objectifs plus ambitieux sur le plan économique et accru la volonté de la Chine de devenir leader sur de nombreux segments du secteur manufacturier. Cela a bien fonctionné. La Chine est devenue leader mondial, remettant en cause la situation privilégiée des américains.
C’est ce rapport de force qui est au cœur des relations actuelles entre Américains et Chinois. C’est pour cela qu’un accord commercial apparaît peu probable entre les deux pays.
Les sanctions sur l’Europe ne sont pas de cet ordre-là. Cependant, la Maison Blanche est prête à provoquer des dommages collatéraux pour montrer sa puissance. Cela a deux conséquences. La première est que les États-Unis sont prêts à jouer un jeu non coopératif avec l’Europe. Ces éléments viennent en complément de ce que l’on connaît des réticences de Washington à protéger militairement les Européens comme cela s’est fait depuis la Seconde Guerre mondiale. La seconde remarque est que les Européens ont tout intérêt à s’unir dans ce cadre global en donnant une dimension plus politique à la construction européenne.
Les relations entre la Chine et les États-Unis vont évoluer dans la durée et on doit imaginer que des règles seront définies sur un certain nombre de sujets afin de ne pas bloquer les affaires. Dans cette situation, qui témoignera toujours d’un rapport de force, l’Europe ne devra pas être absente. Sa voix ne portera que si l’Europe est unie et capable d’équilibrer le rapport de force. C’est l’enjeu de la nouvelle Commission.
Publié sur le site du Groupe d’Etudes Géopolitiques: LeGrandContinent.eu