Les indicateurs d’activité sont très dégradés mais ceux de l’emploi sont encore plus préoccupant. Le coût de la crise sanitaire sera persistant et l’ajustement de l’emploi se fait à la baisse. Le taux de chômage va remonter rapidement et l’hétérogénéité du marché du travail va s’accentuer.
La dynamique du marché du travail est double lors de cette période de crise.
L’État prend en charge le chômage partiel, celui qui résulte du choc économique. Cette mesure est considérable car elle représente désormais 51 % de l’ensemble des salariés du secteur privé et 40% de l’ensemble du marché du travail.
La deuxième dynamique est celle du marché du travail stricto sensu. Les entreprises réduisent très vite leurs embauches alors que les flux continuent d’arriver sur le marché. En mars, le nombre d’embauches à plus d’un mois (CDD à plus d’un mois et CDI) a reculé, en mars, de plus de 21% par rapport à la moyenne du dernier trimestre 2019 (-24% pour les CDD de plus d’un mois) et 18% pour les CDI). Sur ce point, l’indice mensuel de l’emploi publié par l’Insee, pour le mois d’avril, est au plus bas. Il s’inscrit à 70.1 contre un plus bas de 70.8 en mai 2009 dans la période post Lehman.
C’est sur cette double dynamique qu’il convient de se pencher au regard de la trajectoire que pourrait suivre l’économie française. J’avais évoqué ce point dans un post récent (Le coût permanent de la crise sanitaire en France). Il y aura un coût permanent pour l’économie française. La dynamique de l’emploi s’en trouvera affectée. Dans les deux cas évoqués sur le graphe, le PIB ne retrouvera son niveau de 2019 qu’en 2023 ou 2026 selon le profil retenu. Pendant ce temps le marché du travail va s’ajuster. Imaginons qu’à la fin 2019, le niveau du PIB et de l’emploi étaient cohérents. La baisse durable du PIB par rapport à la fin 2019 va se traduire par un ajustement fort sur le marché du travail. L’emploi va baisser et les mesures gouvernementales de prise en charge du chômage partiel ne pourront pas s’appliquer dans la durée (pas au-delà des prochains mois).
Dès lors la question est triple. La première est sur le niveau du taux de chômage. La première hypothèse que l’on peut faire est un retour au-dessus de la moyenne de long terme au cours des prochains mois. Depuis 1987, le taux de chômage moyen en France métropolitaine est de 8.8%.
La deuxième question est celle du comportement du marché du travail. Depuis 2017/2018, le marché était devenu plus réactif à l’activité économique et le cycle de productivité était réduit. Le changement qui apparaît avec le bouleversement du marché du travail, la baisse des embauches et une trajectoire du PIB beaucoup plus faible qu’attendue se traduira par la réapparition d’une dynamique d’insiders/outsiders. Ceux qui ont un emploi feront tout pour le conserver au détriment de ceux qui arriveront sur le marché. Ce sera une situation dégradée pour les jeunes qui entreront sur le marché.
Le dernier point sur le marché du travail est la question de la polarisation. Les emplois les plus qualifiés ne sont pas les plus pénalisés dans la période actuelle selon une note récente de la Dares. Cela pose la question des personnes qui sont peu qualifiées, qui sont aujourd’hui au chômage partiel et qui seront pénalisés lors du déconfinement, lorsque la trajectoire de l’économie française sera dégradée.