La croissance est conditionnée à l’accumulation du capital et à son articulation avec le progrès technique. C’est un facteur essentiel pour comprendre les profils de croissance des pays développés. Mais ce n’est pas suffisant si les institutions ne sont pas intégrées tant sur le financement que sur le comportement du marché du travail. La démographie, aussi, a un pouvoir explicatif fort.
La diversité culturelle éclaire plus qu’on ne s’y attend l’émergence de la croissance.
Le mécanisme de la croissance de long terme passe par l’accumulation du capital qui conditionne la dynamique de la production, des revenus et donc de l’épargne qui permettra le financement de l’investissement nécessaire à l’accumulation du capital. Cela peut être décrit par le schéma présenté à droite.
Le stock de capital est l’élément clé de la croissance de long terme celui qui va conditionner la capacité de l’économie à croître. Pendant longtemps, avant la révolution industrielle, cette accumulation était trop lente pour permettre le décollage des revenus et du niveau de vie. Il y avait des innovations qui provoquaient des embellies dans la situation des personnes mais cela ne se traduisait pas pour autant par l’accumulation du capital telle qu’elle a été observée avec et après la révolution industrielle. Les périodes fastes ne se prolongeaient pas dans la durée.
Le progrès technique est intégré à l’accumulation du capital. Il peut porter sur le capital physique (les machines) et/ou le capital humain (d’où l’importance de la formation en continu). L’articulation entre ces trois éléments est essentielle pour comprendre la performance de chacune des économies des pays développés et les différences de trajectoires entre elles .
Durant la période de forte croissance de l’après guerre, le progrès intégré au capital et la nette amélioration de l’éducation ont permis le rattrapage de la croissance européenne vis à vis des USA. De façon plus récente, les nouvelles technologies de la communication, dans les années 1990, ont permis une hausse significative de la productivité et des revenus.
La capacité à engendrer et à intégrer ces différents progrès techniques va conditionner la façon dont une économie fonctionnera et comment elle se comparera aux autres. En outre ce progrès technique doit s’inscrire dans la durée et ne pas se transformer en rente car alors il ne participe plus à la croissance de la même façon. Sur ce point, les comportements différents des économies américaine et chinoise sont éclairés par ce point. L’investissement public très fort en Chine pousse à l’innovation alors que les entreprises technologiques américaines semblent davantage attirer par la rente que par la conquête.
Cependant, le progrès technique n’est pas le seul ingrédient qui permettra la croissance. C’est un facteur clé mais il en existe d’autres. Le financement de l’économie via la dynamique de l’épargne va être aussi un facteur différenciant. La façon dont l’épargne va s’accumuler dépend des institutions et de leurs interactions avec les agents économiques. Le mode d’accumulation du capital est lui aussi spécifique.
Ce cadre institutionnel peut être illustré par la capacité qu’ont certaines économies à accroître, via l’épargne, les fonds propres des entreprises. C’est aussi la forme juridique de qui détient le capital. Ainsi, en Allemagne, le capital est familial dans de nombreuses grosses PME (Mittelstand). Cette forme est une explication de la réussite du modèle allemand.
Une autre dimension du cadre institutionnel est le fonctionnement du marché du travail. Pour des raisons souvent culturelles, les marchés du travail ne fonctionnent pas de la même façon selon les pays. Cela peut être un avantage pour un pays donné sur une période.
La démographie est aussi un facteur clé pour comprendre le processus de croissance. Un pays, dont la population est jeune, a généralement une capacité à se mobiliser et à provoquer une dynamique économique très forte. C’est la situation des pays européens avec les baby boomers dans les années 1950/1960. En revanche, lorsque la population vieillit, l’équilibre change. Ceux qui ont le pouvoir sont aussi ceux qui ont été jeunes pendant la période de forte croissance. Ils ont tout intérêt à ne pas rééquilibrer la répartition intergénérationnelle des revenus au bénéfice des jeunes et à leur détriment. La grande difficulté est de maintenir des incitations à travailler suffisamment fortes pour ces jeunes afin qu’ils maintiennent la progression de l’activité et des revenus et payer les retraites.
Les différences sont aussi très importantes entre les pays développés et les pays émergents. Le cadre institutionnel est moins mature dans les pays émergents et la composante démographique y est souvent pénalisante. Si la progression de la population est trop rapide par rapport à la hausse de l’activité, le revenu par tête ne peut augmenter, maintenant ces pays dans un état de pauvreté. Cela a longtemps été le cas de l’Afrique. La transition démographique est donc au cœur du processus de développement en plus de tous les autres.
Dans un ouvrage récent, La Culture de la Croissance, Joël Mokyr montre de façon convaincante que la révolution industrielle a eu lieu en Europe parce que celle ci disposait d’une mosaïque de régimes politiques, d’institutions mais aussi d’une grande capacité à échanger. Ce cadre qui n’avait rien de monolithique a permis le décollage de l’Europe car il a été le berceau de progrès scientifiques très divers qui ont été complémentaires facilitant ainsi l’accumulation du capital. C’est cette diversité qui est essentielle dans la croissance car elle engendre des complémentarités qui profitent à tous.
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