La dimension économique du nouveau président est importante car il veut renforcer la classe moyenne, celle qui a été fragilisée par la globalisation mais qui est selon Joe Biden la grande force de l’Amérique. Il veut aussi que les Etats-Unis puissent continuer à jouer un rôle important dans l’ordre mondial. S’il est très attentif aux relations avec la Chine, il souhaite un monde multilatéral, ce qui passe par le retour dans l’accord de Paris sur le climat et par la nécessité pour les américains d’être suffisamment puissants pour définir l’allure de ce nouvel équilibre. Mais le monde a changé depuis qu’il a quitté la Maison Blanche, la Chine est devenue plus puissante.
Joe Biden a gagné les élections présidentielles américaines. Au delà des réclamations que pourraient encore faire Donald Trump, les deux questions principales portent sur la possibilité d’une majorité pour le Président-élu au Congrès et sur les réponses que porte Joe Biden sur l’économie et notamment sur le positionnement de l’Amérique dans le monde.
L’équilibre Politique sera connu le 5 janvier
Sur le plan politique, l’élément clé est l’équilibre du Congrès avec la détermination des majorités au Sénat et à la Chambre des Représentants. Pour cette dernière, les Démocrates mènent très largement avec 215 sièges contre 196 aux Républicains et une majorité absolue à 218. Dans la dernière mandature, les Démocrates avaient 232 sièges contre 197 pour les Républicains. Il est probable que la majorité soit moins forte. Au Sénat, les Républicains détenaient la majorité de 53 sur 100 à la veille du renouvellement de 35 sièges (12 Démocrates et 23 Républicains). Pour l’instant les résultats partiels donnent 48 sièges pour chaque parti. Il reste 4 sièges à pourvoir. Ceux de Caroline du nord et d’Alaska penchent plutôt vers les Républicains selon les résultats encore provisoires. Pour la Géorgie, qui a 2 sièges à renouveler, la situation est particulière puisque pour être élu un candidat doit disposer de plus de 50% au premier tour. Si ce n’est pas le cas, et ce n’est pas le cas dans l’élection actuelle, un second tour est prévu le 5 janvier. L’équilibre du Sénat et du Congrès ne sera connu qu’à cette date.
Une politique économique pour les classes moyennes
Le programme économique de Joe Biden est à 3 dimensions.
La première est celle du retour de la Sécurité Sociale pour tous (Kamala Harris, la VP y veillera. C’est sur ce point, qu’elle avait attaquée Joe Biden dans le premier débat. Elle trouvait la proposition du désormais président insuffisante pour être satisfaisante).
Le deuxième point est celui du combat contre les inégalités. J’avais évoqué une partie de cette dimension dans le numéro d’Hier à Aujourd’hui du 6 novembre. J’évoquais notamment l’opposition entre Républicains, plutôt individualistes et Démocrates plutôt favorables aux choix collectifs. Cela passe notamment par une révision de la fiscalité pour éviter un taux marginal trop faible pour les plus riches américains (Saez et Zucman montrent que le taux marginal des revenus les plus élevés est à un plus bas historique et par rapport aux revenus plus réduits. Au-delà de ces éléments, Joe Biden veut faire un effort considérable sur l’éducation afin de tendre vers davantage d’égalité des chances. Cela fait partie de son programme de retour à la démocratie aux Etats-Unis.
La troisième dimension est celle de la place des Etats-Unis dans le monde. Dans un article publié en Mars/Avril 2020 dans la revue Foreign Affairs, celui qui n’était alors que candidat aux primaires Démocrates insistait sur 3 aspects.
Le premier est que pour que l’économie américaine retrouve la dimension qui était la sienne, de nombreux efforts doivent être faits. Le monde est compétitif et l’économie américaine doit l’être aussi. Il faut pour cela qu’elle soit plus forte et cela passe par de l’investissement public et de l’éducation. On perçoit en creux dans les propos de Joe Biden, l’analyse de Branko Milanovic qui indiquait dans une série d’articles et dans un livre que la classe moyenne des pays développés avait été pénalisée par la montée en puissance des pays émergents. Joe Biden met donc l’accent sur la nécessité de renforcer la classe moyenne qui a été et restera, selon lui, au cœur de la puissance américaine dans le long terme. Pour résister à la concurrence internationale, il faut que les USA soient eux-mêmes forts sur leur propre marché. Joe Biden conditionne d’ailleurs les négociations d’accords commerciaux à cette condition afin de pouvoir négocier dans les meilleures conditions. Le libre échange est la norme mais pas sous n’importe quelles conditions.
Une partie de l’article de Joe Biden est consacrée à la Chine. Le nouveau président américain est aussi méfiant que son prédécesseur sur la question des relations avec la Chine. Cela reflète toutes les dimensions déjà évoquées lorsque l’on discute des interactions entre les deux pays. Il y a une dimension économique, celle du leadership mondial, celle de la technologie où les américains sont parfois devancés et la dimension politique puisque la Chine sur ce plan est un défi pour les USA. En effet, le pays qui détient le leadership économique et politique détermine l’allure qui se dessine dans le monde. Sur ce point et contrairement à Donald Trump, Joe Biden est prêt à faire alliance avec les autres pays avancés pour contre l’Empire du milieu.
Joe Biden souhaite redonner une dimension multilatérale aux relations internationales américaines. Il veut, dès le premier jour de son mandat, réintégrer l’accord de Paris sur le climat avec l’objectif d’avoir aux USA des émissions nettes à 0. Il souhaite aussi redonner à l’OTAN la place qui était la sienne afin de rétablir un équilibre qui existait et qui a été fortement perturbé.
Le message de Joe Biden est que le monde ne peut être laissé à lui même mais doit être organisé. Les Etats-Unis ont un rôle majeur à jouer dans la définition du nouvel équilibre qui doit être multilatéral. Aux USA, d’être suffisamment forts en interne pour pouvoir déterminer l’allure du monde dans le futur. Le monde est multilatéral et le progrès passe par l’effort de chacun et non pas par la volonté d’affaiblir son concurrent.
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