Le nouveau traité sur le libre échange se fait entre l’Asie et la Chine, le précédent aurait dû se faire entre l’Asie, hors Chine, et les USA. Donald Trump en avait décidé autrement dès son arrivée à la Maison Blanche le 23 janvier 2017, réduisant l’influence américaine en Asie.
Le futur ex-président a fait aussi basculer l’équilibre technologique entre les Américains et les Chinois.
C’est dans ce nouveau monde que devra s’inscrire la politique internationale de Joe Biden.
L’équilibre du monde a basculé pendant la présidence de Donald Trump aux Etats-Unis.
Lorsqu’il arrive à la Maison Blanche, un de ses premiers gestes de politique étrangère a été de sortir les USA de la négociation sur le TPP (Trans-Pacific Partnership). Il signe le décret de sortie le 23 janvier 2017 alors qu’il s’est installé dans le bureau ovale le 20.
Joe Biden ne s’est pas encore assis dans le bureau ovale que la Chine signe un accord de libre échange (le RCEP pour Regional Comprehensive Economic Partnership) avec 14 pays asiatiques et océaniques. Nombre d’entre eux sont déjà dans le TPP rebaptisé CPTPP ( Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership) comme le montre le graphe. L’accord de libre échange se fait entre l’Asie et la Chine, pas entre l’Asie et les USA.
Les négociations menées par Barack Obama sur le TPP avaient pour objectif de renforcer la présence américaine en Asie. En effet, depuis l’arrivée de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, l’équilibre des pays asiatiques avait été bouleversé. La répartition des exportations coréennes vers les USA et la Chine en témoigne. (Le schéma est similaire pour les autres pays d’Asie).
Barack Obama souhaitait ainsi trouver les moyens de contrer la Chine sur le plan économique. Le plan était plus large car il aurait permis de maintenir une influence politique forte dans la région.
La volonté de Donald Trump était principalement de rapatrier les emplois industriels que les entreprises américaines avaient dans la région. L’objectif était de faire revenir aux USA la production qui était partie vers l’Asie dans la phase de globalisation. Cette stratégie avait aussi pour dessein de réduire la dépendance des Etats-Unis vis à vis de la Chine et de l’Asie. Cette stratégie a échoué puisque le rapatriement d’emplois a été limité et que finalement l’influence américaine s’est érodée.
La dynamique technologique
La mise en place du traité de libre échange (RCEP) a pour objectif de faciliter les échanges entre les pays de la zone et d’accentuer la dynamique économique propre à l’ensemble des pays concernés. Une conséquence que l’on observera dans la durée est une plus grande interdépendance des chaines de valeur. Les dynamiques de production vont s’entrecroiser, renforçant la croissance de la région.
Cette dynamique de libre-échange se met en place alors que les tensions entre les Etats-Unis et la Chine restent très fortes sur la question des technologies. La défiance de la Maison Blanche vis à vis des entreprises chinoises se traduit par une rupture qui pénalise les deux côtés. Les américains fournissaient des pièces essentielles au développement des entreprises chinoises alors que celles-ci disposaient d’un avantage technologique indéniable notamment sur le 5G et l’Intelligence Artificielle.
Le président chinois qui a fait du développement technologique le cœur de sa stratégie industrielle va maintenir un investissement public important afin que la réaction américaine ne soit dans la durée perçue que comme une contrariété et non comme un coup d’arrêt au développement de l’Empire du milieu.
Si c’est le cas, comme je l’imagine, cela veut dire que la dynamique technologique conjointe entre les USA et la Chine n’existe plus. Chaque pays va prendre un chemin différent avec des trajectoires technologiques qui ne seront plus forcément aussi cohérentes dans la durée. La définition du standard technologique va donc devenir une source de tensions entre les deux pays. Cette divergence sera d’autant plus importante que les chaines de valeur vont davantage s’intégrer entre les pays de la nouvelle zone de libre échange. Cela se fera au détriment d’une intégration plus forte entre entreprises américaines et chinoises.
La nouvelle zone de libre échange est très vaste et c’est aussi une région en très forte croissance, plus forte qu’aux Etats-Unis et en Europe. L’équilibre du monde change.
L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche se fait dans un cadre plus précaire pour les américains. La Chine prend un avantage comparatif sur l’ensemble de la région asiatique par rapport aux américains. Il est probable qu’ils prendront aussi un avantage sur la définition du standard technologique. La tâche du nouveau président américain sera de grande ampleur. Elle le sera d’autant plus que le retrait des troupes américaines dans le monde s’est opéré rapidement. La présence politique des américains est moins marquée.
Dans son article du printemps dernier dans Foreign Affairs, Joe Biden indiquait la volonté des américains de revenir au centre des négociations internationales. Désormais, l’apparition du président américain n’est plus une condition suffisante pour infléchir les positions, les orientations et les décisions. C’est le nouvel équilibre.
______________________________________
Le texte est disponible en pdf
Et sous forme d’infographie