L’approche de la COP26, qui se tiendra à Glasgow du 1er au 12 novembre, a remis en première ligne les discussions sur le changement climatique. Déjà, l’été dernier, le rapport du GIEC, publié le 9 août, avait fait l’effet d’une bombe. Il indiquait que sans aucun doute désormais, la hausse des températures provenait de l’activité humaine développée notamment depuis le début de la révolution industrielle. Il soulignait aussi le caractère irréversible de ce changement. Il ne pourrait y avoir de retour en arrière. C’est donc à la communauté humaine de changer de comportement pour que la vie reste soutenable sur terre.
Le rapport indique que la tendance à la hausse de la température moyenne va s’amplifier au risque de provoquer une situation inextricable avec des zones qui ne seront plus habitables, une forte montée des eaux avec des terres qui seraient engloutie, une acidification des océans et une accélération des évènements climatiques.
Le rapport montre également que le changement climatique va continuer encore pendant plusieurs années même si les comportements changent radicalement. Cela reflète les effets persistants et qui s’inscrivent dans la durée des Gaz à Effet de Serre. Il ne suffit pas de changer de comportement pour que la dégradation s’arrête spontanément et s’inverse.
Glasgow arrive aussi au moment où la reprise de la croissance internationale se traduit par un regain marqué de la demande d’énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), des prix qui augmentent vite et des gouvernements aux aboies face à une telle situation qui grève le pouvoir d’achat des ménages. Cette reprise de l’activité va provoquer aussi une hausse exceptionnelle des émissions de Gaz à Effet de Serre.
La reprise prend à revers toutes les recommandations issues de l’Accord de Paris. Cela doit alimenter la réflexion entre la croissance et le dérèglement climatique. Tout l’enjeu des négociations et des actions relatives au changement climatique porte sur cet arbitrage. On peut être techno-optimiste en pensant que les innovations à venir permettront finalement de ne pas infléchir durablement la croissance. On peut aussi être décroissant pessimiste en jugeant que les excès accumulés doivent se traduire par un changement radical dans la façon de construire l’économie. Pour les premiers, la croissance est possible avec une réduction de grande ampleur des émissions et de l’utilisation des énergies fossiles. Pour les seconds, cela ne pourra pas fonctionner ainsi.
L’utilisation des énergies fossiles a été au cœur de l’activité depuis le début de la révolution industrielle. Elle reste encore largement au centre du modèle de croissance puisque ces énergies représentent encore plus de 80% de la consommation d’énergie. Dans le rapport du GIEC, il faudrait réduire cette part à 30% environ à l’horizon 2050. L’inversion de la logique qui prévalait jusqu’alors est le message majeur associé aux mesures à prendre pour lutter contre le changement climatique. C’est aussi une explication de l’inaction des gouvernements. Le coût associé pourrait être élevé et personne ne souhaite être celui qui a fait basculer l’économie.
L’économie doit changer et ce ne peut être une simple inflexion des comportements et des allures. La taxe carbone doit être appliquée partout et pour tout le monde pour éviter de reporter ailleurs la source d’émission. On ne peut délocaliser les productions polluantes pour s’acheter un tableau satisfaisant en matière d’émissions.
Si l’on souhaite converger vers 1.5°C, des ruptures sont à venir. A nous de les rendre collectivement compatibles avec le bien-être macroéconomique et l’emploi.
Collectivement, la prise de conscience s’accroit. Elle est nourrie par l’accumulation rapide d’évènements climatiques majeurs observés dans le monde entier. Les dômes de chaleur persistants, les feux gigantesques ou encore les pluies torrentielles accompagnées d’inondations exceptionnelles ont jalonné ces derniers mois et ont montré la réalité du changement climatique. Même si ce sont des évènements désagréables c’est aussi un moyen de convaincre de la réalité de la question du climat.
Cette prise de conscience est nécessaire alors que la température moyenne du globe n’est pas encore à la cible de ce qui est considéré comme tolérable. L’objectif pour la température du globe est de 1.5°C, elle est actuellement entre 1.1 et 1.3°C. LE virage a prendre est redoutable.
Les gouvernements sont certainement coupables de cette situation de plus en plus contraignantes. Les engagements pris lors de l’Accord de Paris n’ont pas été respectés. Tous, la main sur le cœur, étaient alors prêts à faire les efforts nécessaires pour que les objectifs soient remplis. Mais il est plus facile de faire une photo que de satisfaire aux engagements pris.
Cette situation est grave car le non-respect des Nationally Determined Contributions (NDCs) et les engagements insuffisants qui ont été pris pour les années qui viennent font que les émissions de GES n’ont pas du tout l’allure souhaitée.
Un récent rapport de l’ONU sur les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) qui sont sur une trajectoire de +16% entre 2010 et 2030 contre un repli de -45% nécessaire pour converger vers la cible de 1.5°C à l’horizon 2050. La trajectoire actuelle mène sur une température qui se rapproche de 3°C en 2100.
Dans les engagements nouveaux qui ont été déjà déposés pour les cinq prochaines années, les pays développés apparaissent un peu plus volontariste que les pays en développement.
L’Union Européenne a défini un objectif de baisse des émissions de GES de -55% en 2030 par rapport à 1990 et les USA de -50% par rapport à 2005 au même horizon de temps. La Chine a défini un objectif de neutralité carbone pour 2060 avec un pic d’émission autour de 2030. Cependant, la Russie, l’Indonésie, le Mexique et le Brésil n’ont pas d’ambitions ambitieuses pour les années à venir et l’Inde reste bien silencieuse sur les engagements qu’elle pourrait prendre. (Ces 5 pays représentent 18% des émissions de GES en 2019)
Pour l’instant, au regard des données disponibles, la probabilité d’une température durablement inscrite à 1.5°C au dessus de la moyenne préindustrielle est actuellement de 5%. La probabilité d’être au-dessus de 2% est supérieure à 50%.
Glasgow va devoir prendre en compte tous ces éléments plus la dimension financière puisque dans l’Accord de Paris, l’aide nécessaire des pays développés aux pays en développement était réaffirmée. Les engagements ne sont tenus qu’à hauteur de 80% (80 Mds par an sur un engagement de 100) sachant que ces montant sont bien insuffisants au regard de la bataille à venir dans les pays en développement.
C’est pour cette raison que la réunion de Glasgow est essentielle; soit il est admis qu’il n’y a pas de volonté commune pour infléchir et le réchauffement continuera, soit il est décidé d’infléchir la trajectoire globale pour limiter ce réchauffement climatique et les effets délétères qu’il pourrait avoir. L’enjeu est celui du coût à mettre en œuvre pour converger vers un environnement soutenable. Celui-ci augmente très rapidement avec le temps qui passe. Il est déjà beaucoup plus important qu’il aurait été si les investissements avaient été faits à la suite du rapport Stern en octobre 2006.
La discussion à Glasgow sera importante à plusieurs titres outre ceux qui ont déjà été évoqués et qui sont majeurs.
- Le premier point portera sur la nécessité de faire baisser la consommation des énergies fossiles. Elles représentent encore plus de 80 % de la consommation et doivent tomber entre 20 et 30 selon les études au moment de la neutralité carbone.
- Le second point sera la réduction de la consommation d’énergie. Dans le rapport publié par RTE sur les trajectoires possibles pour converger vers la neutralité carbone, il est indiqué que, pour la France, la consommation d’énergie devrait être réduite de 40% à l’horizon 2050. Cette situation ne concernera pas que la France. Qui paiera ce repli de la consommation ?
- La question du méthane devra aussi être abordée puisque son impact sur le réchauffement climatique est plus important que le carbone mais avec une durée de vie dans l’atmosphère qui est plus réduite.
- Le dernier point qui avait été plutôt bien géré en 2015 est l’opposition potentielle entre pays développés dont la croissance depuis plus de 200 ans a alimenté l’atmosphère en carbone et les pays en développement qui souhaitent pouvoir se développer même si cela se traduit par un cout élevé en terme de carbone. Les pays développés ne sont plus les plus gros contributeurs de GES (23% pour l’UE et les US) mais le stock existant est la résultante de leur croissance.
L’optimisme qui prévalait après l’Accord de Paris n’est plus de mise. Des efforts importants vont devoir être faits pour contraindre les effets puissants du changement climatique. C’est pour cela que c’est avant tout un choix politique parce qu’individuellement chacun est incapable de faire face au défi.
Il y a quatre questions politiques majeures
- La première est celle de prendre des mesures contraignantes maintenant pour une situation qui ne prendra réellement forme que dans le futur. C’est une décision impossible à l’échelle de l’individu. Ce choix est encore plus complexe lorsque les personnes affectées dans le futur n’appartiennent pas à la même nation.
- Le deuxième choix politique est de ne pas faire le calcul cynique qui oppose la contrainte qu’un pays aurait à émettre moins et le coût qui retombera sur le pays en question du fait de l’impact des émissions. Le choix politique égoïste est de considérer qu’un pays peut émettre tant que le coût supporter est plus faible que le coût associé à une réduction des émissions.
- Le troisième choix politique reflété dans le rapport de RTE est celui de savoir qui paiera la note associée à la baisse de la consommation d’énergie nécessaire à la convergence vers la neutralité carbone. Est ce que la facture sera équitablement répartie ou pas ?
- Le dernier choix politique est celui d’inscrire l’investissement public dans la recherche comme prioritaire pour permettre de trouver les innovations qui permettront de rendre plus efficientes les énergies alternatives et celles qui capteront et séquestreront le CO2.
Chaque citoyen du monde est concerné par le changement climatique même si les décisions politiques seront majeures. Chacun peut trier ses déchets et éviter de partir en vacances en avion à l’autre bout du monde (éclusant ainsi en un seul vol son budget carbone cohérent avec la transition énergétique d’au moins une année). C’est essentiel mais il faut aller plus loin et prendre les décisions politiques qui sont compatibles avec cette transition pour que collectivement le basculement soit effectué.
La mise en place à grande échelle des mesures pour lutter contre le changement climatique est probablement le bouleversement le plus important que le monde ait connu.
La révolution industrielle ne concernait qu’un petit nombre de pays, en Europe essentiellement. Elle s’est ensuite diffusée dans la durée.
Le changement climatique impose à tous et à tous les pays de changer de régime de croissance et de mode de fonctionnement dans une durée très courte.
C’est le plus beau des défis, le plus formidable mais aussi le plus risqué que l’Homme ait eu à prendre. C’est maintenant qu’il faut agir pour qu’il ne soit pas trop tard.
* * *
Dans la suite du document, je reprends plusieurs thèmes qui permettent d’éclairer les questions relatives au changement climatique. Cela vient en complément des documents que j’avais déjà publié récemment sur ce thème du climat, notamment sur la neutralité carbone et la cible de 1.5°C.
L’effet de serre et l’analogie de la baignoire
L’atmosphère terrestre est une protection qui permet de maintenir une certaine température sur le globe. Les rayons du soleil est la principale source de chauffage de la planète Terre. La Terre émet un rayon électromagnétique. A l’équilibre, ce rayonnement doit restituer une énergie égale à celle du rayonnement solaire absorbé. De cet équilibre résulte la température du globe autour de 15°C. Les échanges entre la Terre et l’univers passent par le filtre de l’atmosphère. Celui ci est une enveloppe d’une vingtaine de kilomètres autour de la Terre. L’atmosphère a un comportement asymétrique en laissant plus facilement passer les rayons et la chaleur du soleil qu’elle ne laisse s’échapper la chaleur de la Terre. C’est l’effet de serre qui s’il n’existait pas ferait de la Terre une planète à la température de -18°C et non de +15°C.
Par rapport à cet état de nature, les émissions de GES associées au développement industriel accentuent l’accumulation et la concentration de carbone dans l’atmosphère réduisant la perméabilité de l’atmosphère. De la sorte, l’équilibre entre le système terre et le reste de l’univers est altéré. La moindre perméabilité se traduit par une capacité à absorber les rayons du soleil et la chaleur associée mais de ne redonner une partie de cette chaleur. La chaleur du soleil est absorbée mais n’est pas rendue dans les mêmes proportion. L’effet de serre s’accentue, provoquant une hausse de la température moyenne du globe. C’est l’écart de cette température moyenne par rapport à la période 1850-1900 qui est retenue comme mesure du réchauffement climatique. Le seuil de 1.5°C est calculé de cette façon là. Cela peut paraître réduit mais toutes les parties du globe ne se réchauffe pas de la même façon. Les terres se réchauffent beaucoup plus rapidement que les océans qui représentent 70% du globe et permettent de réduire la température moyenne. Une inquiétude d’ailleurs est que la température moyenne des océans s’accroit et n’ont plus la capacité de refroidissement qu’ils avaient encore il y a peu (sur la question de l’effet de serre voir Le Treut et Jancovici Edition Champs Flamarion).
La question du changement climatique est donc posée de façon simple et c’est là que l’analogie de la baignoire est pertinente.
Depuis au moins le début de la révolution industrielle, les GES se sont accumulés, c’est comme l’eau d’une baignoire qui s’accumule. L’équilibre de l’eau dans la baignoire dépendra du flux d’eau se déversant dedans et du flux d’eau qui sortira par la bonde.
Actuellement et depuis le début de la révolution industrielle, le robinet d’eau déverse un flux d’eau bien supérieur au flux de sortie par la bonde. Les sources de réduction de GES sont essentiellement les forêts et les océans. La concentration en carbone est désormais voisine de 420ppm contre une moyenne de 250/270 ppm au cours des 800 000 dernières années et sans fluctuations allant jusqu’au chiffre actuellement constaté.
On voit immédiatement que si l’objectif est de réduire le volume d’eau dans la baignoire, il faut réduire le flux d’eau entrant, pas simplement le stabiliser et accroitre la taille de la bonde. Il faut agir des deux côtés: réduire les émissions de GES et augmenter les moyens de réduction des GES dans l’atmosphère. Si planter des arbres est nécessaire ce n’est pas suffisant compte tenu du carbone accumulé dans l’atmosphère.
Il faut innover pour capturer et séquestrer le carbone. Sur la réduction des GES, la mise en place d’énergies renouvelables est une question majeure. La réduction des prix et des coûts de ces énergies est un atout majeure pour celles ci surtout lorsque les prix du pétrole et du gaz augmentent. Néanmoins, il faut innover pour créer ces usines capables de capter et de séquestrer le carbone. Cette dimension est encore à inventer même s’il existe des réalisations comme en Islande récemment. Dans ce projet islandais, la dimension est insuffisante puisque l’usine capte l’équivalent du CO2 de 1000 voitures par an. Il faut donc disposer de la technologie pour que le processus soit efficace mais aussi lui donner la capacité de le faire sur une grande échelle. C’est pour cela que l’investissement public est une caractéristique majeure de la nouvelle économie, celle qui prend véritablement en compte le changement climatique.
L’analogie de la baignoire permet de comprendre de façon simple mais utile les phénomènes d’accumulation mais aussi la problématique de l’évacuation du contenu. Il ne suffit pas de réduire les flux entrants, il faut aussi accélérer les flux sortants. Pour être cohérent avec l’objectif de 1.5°C, il faudrait, chaque année retirer par ces processus la moitié du carbone émis. C’est absolument considérable et hors de portée à court terme.
La durée de vie du carbone
Le carbone qui s’accumule dans l’atmosphère peut être absorbé par la forêt et par les océans. C’est le mode de régulation naturel et la source de l’équilibre du globe historiquement.
L’accumulation de carbone, en raison de l’activité humaine depuis au moins la révolution industrielle, pose le problème de l’excès de carbone dans l’atmosphère. C’est notre problème de baignoire évoqué dans le paragraphe précédent. Dès lors, l’importance est de savoir si ce carbone peut disparaitre spontanément et à quel horizon. S’il peut “s’évaporer” rapidement alors il suffit de prendre des mesures temporaires, même si le temporaire est long, avant de revenir à un équilibre moins contraignant pour la vie sur terre.
Les discussions autour de cette question suggèrent que la durée de vie du carbone est très longue. Espérer, en patientant, un retour à la “normal” apparaît totalement illusoire.
Dans un livre récent, “The Long Thaw”, l’océanographe de l’Université de Chicago, David Archer, indiquait “La durée de vie du CO2 des combustibles fossiles dans l’atmosphère est de quelques siècles plus 25% qui dure essentiellement pour toujours. La prochaine fois que vous remplirez le réservoir de votre voiture, pensez y“. L’auteur souligne aussi qu’avec le temps il est probable que la molécule de CO2 évolue et que les conséquences d’un tel changement ne soit pas neutre sur l’évolution du climat.
Dans l’article “Carbon is forever” de Mason Inham, dans la revue Nature en décembre 2008, il est clair que l’on ne peut pas faire l’hypothèse que le carbone disparaitra naturellement et qu’en conséquence il est essentiel d’innover à grande échelle sur la captation et la séquestration du carbone. Dans le rapport du GIEC du 9 août dernier, les émissions nettes de carbone sont négatives pour converger vers 1.5°C. Cela ne pourra se faire qu’en raison d’unités capables de le faire disparaitre.
S’il y a un lieu ou l’investissement public doit être actif c’est dans celui là. La recherche doit donc s’orienter sur ces processus. Si nous n’arrivons pas à capter le carbone dans l’atmosphère, l’objectif de 1.5°C ne pourra plus être considéré comme pertinent.
L’irréversibilité
L’accumulation de carbone est pour l’instant un phénomène contre lequel on est incapable de lutter sauf à réduire brutalement les émissions de CO2. Mais le carbone existant ne disparaitra pas, même si on plante encore de nombreux arbres. D’abord parce que les terres disponibles ne sont pas suffisantes pour mettre tous les arbres qu’il faudrait pour absorber le carbone en excès. Et puis aussi parce que les océans deviennent plus acides et n’ont plus forcément la même capacité à absorber le carbone.
Cela veut dire que le processus dans lequel on est embarqué ne pourra pas s’inverser. Il faut trouver les méthodes et les innovations qui permettront de compenser cette irréversibilité. C’est l’enjeu de la captation et la séquestration du carbone.
La résolution est globale
Il existe de nombreux exemples de gestion microéconomique autour de la question du carbone et des questions climatiques.
La première réflexion est que de nombreuses pollutions même atmosphériques sont locales. C’est le fameux brouillard londonien mais aussi celui constaté dans certaines villes chinoises. La problématique est locale et les effets se dissipent lorsque les conditions météorologiques changent.
De nombreuses entreprises communiquent sur l’objectif de neutralité carbone à un horizon donné. Cette attitude est louable et contribuera, si cette volonté est effective, à résoudre une partie du problème du climat.
Il y a aussi des questions climatiques qui ont pu être résolues par un accord international et l’acceptation de celui ci par la principale entreprise associée au problème du trou dans la couche d’ozone.
Le climat est plus complexe car le carbone émis en un point du globe reste dans l’atmosphère et peut se déplacer dans tous les autres endroits du globe.
On a beaucoup associé cette question à la problématique dites des communs. Puisque le carbone est partagé par tous, un pays n’a-t-il pas intérêt à émettre le carbone qu’il souhaite sans se soucier du niveau global de carbone dans l’atmosphère? Parce que finalement le coût que ce pays paiera sera moindre que le bénéfice qu’il pense pouvoir en tirer en émettant du carbone.
L’accord de Paris est un pas important dans la résolution de cette situation. La solution passe par la mise en commun des coûts associés à l’exploitation d’une situation, ici le carbone.
Le processus est néanmoins complexe car on s’aperçoit à la veille de la COP26 à Glasgow que les engagements pris en 2015 à Paris n’ont pas été franchement tenus. Comme il n’y a pas de régulation intégrée à l’échelle mondiale, il y a une dimension morale rassurante mais effrayante.
L’issue incertaine
Si l’analyse du passé commence à être bien comprise, l’irréversibilité du changement climatique fait que la distribution pour l’avenir du champs des possibles a un biais haussier très marqué. Le graphe indique la distribution de probabilité des températures en cas de doublement du CO2 dans l’atmosphère.
On perçoit le caractère asymétrique de la réponse de la température au choc du carbone. Si l’on se trompe c’est probablement en minorant les effets du carbone sur la température. C’est aussi pour cela que les fourchettes d’évolution des températures sont revues à la hausse.
En d’autres termes, si on se trompe dans les projections, c’est plutôt en minimisant la hausse à venir des températures. Les mesures à prendre seraient alors encore plus drastiques que celles qui devront être prises pour à converger vers 1.5°C.
Que faire ?
Il y a au moins quatre dimensions dans ce qu’il faut faire au regard de l’accumulation des GES et du dérèglement climatique.
Le premier point est politique. C’est un point que j’ai déjà évoqué mais qui est d’une importance capitale. A Glasgow, Xi Jinping ne sera pas présent. Dès lors, l’accord politique global, s’il a lieu, ne pourra avoir la portée souhaitée.
La dimension politique est à deux niveaux.
A l’échelle locale où il faut convaincre de l’utilité des mesures pour lutter contre le dérèglement climatique. Ce n’est pas une évidence et cela se constate dans la campagne présidentielle française lorsque la baisse des taxes est mise en avant. Le courage politique sera aussi de mettre en œuvre une taxe carbone.
A l’échelle internationale, il faut trouver un accord qui va au-delà des divergences politiques et économiques de court terme. C’est l’esprit de l’Accord de Paris qui doit s’inscrire dans la durée.
Le deuxième point est la taxe carbone. Son objectif est de compenser l’externalité négative qu’est l’émission de carbone. Jusqu’à présent, lorsque la production d’un bien provoquait une émission de CO2, celle-ci n’était pas prise en compte pour le producteur. Selon le principe pollueur payer, la taxe carbone doit faire payer celui qui émet du carbone pour compenser l’effet négatif sur l’environnement et le climat. Il y a deux formes de taxe. Soit elle reflète l’émission de CO2 lors de la production, soit il existe des droits à polluer qui, au départ sont distribués gratuitement, et peuvent s’échanger sur un marché et surtout être utilisés pour payer le CO2 émis. Les droits diminuent dans le temps et contraignent les émetteurs de carbone. Le premier modèle est plus direct.
L’idée de la taxe carbone est qu’en pénalisant l’émetteur elle crée une incitation à arbitrer en faveur d’énergies moins émettrices de CO2.
Cette méthode pose plusieurs questions
- La première est celle de la répercussion du coût de cette taxe sur le consommateur en augmentant significativement le prix du produit. Il est généralement évoqué un mécanisme de redistribution pour ne pas pénaliser les revenus les plus faibles.
- La seconde est celle de la taxe carbone aux frontières pour que les entreprises locales ne soient pas pénalisées s’il n’existe pas une taxe équivalente ailleurs. Ce point est complexe et c’est pour cela que la mise en œuvre d’un marché du carbone européen est une mesure pertinente afin de faire masse et d’éviter d’éventuelles représailles pour les pays trop petits.
- Le troisième point porte sur la capacité de cette taxe à provoquer la rupture nécessaire pour se caler sur la bonne trajectoire. La taxe carbone ne porte que le mécanisme des prix, il n’est pas certain que cela soit suffisant et d’autres mesures de grande ampleur pourraient être nécessaires pour tendre vers la cible de 1.5°C.
Le troisième point est l’innovation capable de créer les systèmes qui permettront de capter et séquestrer le carbone. L’investissement public est nécessaire à la fois pour mettre en route des processus de recherche avec un acteur qui peut prendre des risques mais aussi pour créer les incitations, pour le secteur privé, à prolonger et accentuer les recherches mises en oeuvre. Ce volet est majeur car on ne connait pas encore les technologies qui permettront de converger vers la neutralité carbone. En d’autres termes, il y a urgence pour que sur la période 2030/2050, on puisse disposer de processus suffisamment puissants.
Le quatrième point est l’acceptation du bouleversement de l’économie. Le changement d’énergie va changer radicalement la façon dont les économies vont fonctionner. Cela peut être porteur d’une certaine instabilité. Elle peut être temporaire et elle peut aussi être porteuse d’inflation. Cela boucle la dimension politique.
* * *
Historique court sur le changement climatique
Au milieu du 18ème siècle – Démarrage de la révolution industrielle – Elle est associée à une demande accrue de charbon tant pour les machines à vapeur que pour la lumière et la chaleur.
1824 – Joseph Fourier, mathématicien et physicien français, propose une théorie de l’effet de serre. Il est le premier à indiquer que l’atmosphère terrestre a une influence sur la température du globe. Il suggère que l’atmosphère puisse isoler la planète et créer ainsi un effet de chaleur
1844 – Alexander van Humboldt, un géographe prussien, fait l’hypothèse que l’activité de l’homme puisse affecter le climat par trois effets : par la destruction des forêts, par la distribution d’eau et par la production à grande échelle de vapeur et de gaz dans les centres industriels
1856 – Eunice Foote, une scientifique américaine, montre de façon expérimentale un effet de chaleur par la vapeur d’eau et le CO2. Elle en infère que la concentration de ces gaz dans l’atmosphère puisse avoir un effet sur la température du globe *
1859 – Premier puit de pétrole par Edwin Drake à Titusville en Pennsylvanie. En 100 ans il dépassera le charbon comme principale source d’énergie
1861 – John Tyndall , un physicien irlandais, conclut que le réchauffement atmosphérique est lié aux émissions issues de l’utilisation des énergies fossiles.
1890 – le chimiste suédois Svante Arrhenius estime que le doublement de la concentration en CO2, en raison de l’industrialisation, pourrait se traduire par une hausse de la température allant jusqu’à 6° C
1930 – L’ingénieur serbe, Milutin Milankovitch, développe une théorie des périodes glaciaires selon laquelle, les variations de l’axe de la terre et de la forme de son orbite solaire provoqueraient des changements climatiques majeurs.
1938 – L’ingénieur et météorologue amateur anglais Guy Callendar lie la tendance observe du réchauffement global au niveau de CO2. Il indique que 10% de hausse du CO2 est associé à une hausse de 0.25 degré
1955 – Roger Revelle montre que si l’émission de CO2 continuait de s’accroître, l’océan ne pourrait pas l’absorber provoquant un réchauffement du globe.
1958 – Charles Keeling, un chimiste américain, commence à mesurer la concentration du carbone à Hawaii. Ses observations forment la célèbre courbe de Keeling. C’est la première mesure de la concentration en carbone.
1965 – Première conférence de l’académie des sciences US indiquant que les scientifiques américains réalisent que l’atmosphère n’est pas de capacités illimitées.
22 avril 1970 – Première journée de la Terre
1979 – Un document de 1979 du National Research Council, coordonné par Jule Charney montre que si les l’émission de CO2 doublait un réchauffement de 3°C +/- 1.5°C en découlerait.
1988 – Création du GIEC outil de médiation entre les sciences et le reste du monde.
Son premier rapport a fait du climat un enjeu majeur du sommet de la terre à Rio en 1992.
C’est dans ce contexte que les COP dont la convention cadre a été signée en 1994 pour 195 pays.
1988 – Le climatologue de la NASA, James Hansen, indique au Congrès US qu’il est certain à 99% que la hausse des températures résulte de l’activité humaine via l’impact des gaz à effet de serre
1992 – Sommet de la Terre à Rio de Janeiro – Jacques Chirac: “Notre maison brûle et nous regardons ailleurs” et George H.W Bush: “Les Etats-Unis continueront de mener le monde en prenant des mesures économiquement raisonnables pour réduire la menace du changement climatique”.
11 décembre 1997 – Signature du protocole de Kyoto – Des objectifs obligatoires sont définis sur la réduction des émissions de GES pour les principaux pays développés. La cible est au moins 5% en-dessous des niveaux de 1990 en 2012. Le protocole validé par Bill Clinton n’est pas ratifié par le congrès américain.
12 décembre 2015 – Signature de l’accord sur le Climat à Paris lors de la COP21.
Son objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel.
Pour concrétiser cet objectif de température à long terme, les pays visent à atteindre le plus rapidement possible le pic mondial des émissions de gaz à effet de serre afin de parvenir à un monde climatiquement neutre d’ici le milieu du siècle.
L’Accord de Paris est un jalon dans le processus multilatéral de lutte contre le changement climatique car, pour la première fois, un accord contraignant réunit toutes les nations autour d’une cause commune afin d’entreprendre des efforts ambitieux pour lutter contre le changement climatique et s’adapter à ses effets.
1er Juin 2017 – Les Etats-Unis sortent de l’accord de Paris au prétexte que cet engagement pénaliserait l’économie américaine.
23 Novembre 2018 – Publication du rapport du GIEC sur une cible à 1.5°C car l’objectif de 2°C est trop élevé et son respect aurait de forts impacts négatifs sur la Terre. Les conséquences ne sont pas linéaires et en de fait, beaucoup plus marquées à 2° qu’à 1.5°C.
9 aout 2021 – Publication du premier volume du 6ème rapport du GIEC
1er novembre 2021 – Ouverture de la COP 26 à Glasgow
Les énergies
Les objectifs ambitieux sur l’évolution des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) de l’Accord de Paris doivent avoir une traduction sur la structure des énergies utilisées dans la consommation et la production de biens et de services.
Les énergies fossiles, pétrole, gaz et charbon, ont, encore en 2020, un rôle considérable dans le mixte énergétique. En 2020, la part de ces énergies était supérieure à 80%. Elle n’a diminué que d’un peu plus de 10% depuis 1965. L’objectif est de réduire drastiquement le poids des énergies fossiles dans la consommation d’énergie. Cela passe par le basculement des sources de l’électricité.
Dans l’analyse du GIEC, la convergence vers une température de 1.5°C supérieure à la moyenne préindustrielle impose que cette part des énergies fossiles converge vers un tiers de la consommation. Pour l’Agence Internationale de l’Energie, l’objectif est de 20%. La convergence vers la température souhaitée doit s’opérer dans les 30 prochaines années.
L’IAE indique aussi que 90% de l’électricité devra provenir des énergies renouvelables principalement.
Depuis le début de la révolution industrielle, la découverte et l’utilisation du charbon puis du pétrole ont conditionné la capacité du monde à croître. Compte tenu du rôle de ces énergies fossiles dans les émissions de GES, c’est ce modèle qu’il faut bouleverser. L’enjeu majeur des réponses à apporter au dérèglement climatique tient en la réponse qui sera faite.
Quelle structure a la consommation d’énergie ?
En reprenant les statistiques publiées par British Petroleum on dispose d’un bilan sur longue période sur la production et l’utilisation des énergies, dans le monde et par pays.
Dans un premier temps, la répartition est entre grands postes et on retrouve le poids considérable des énergies fossiles. Les autres énergies ne représentent que moins de 20% de la consommation totale. L’objectif est d’inverser la répartition à l’horizon 2050.
Au sein des énergies fossiles, les poids sont relativement équilibrés à la fin de la deuxième décennie des années 2000. Le gaz, le pétrole et le charbon ont chacun un poids proche de 30% dans le total de la consommation énergétique.
Le poids du charbon ne baisse pas dans la durée en raison d’un coût d’exploitation réduit. L’arbitrage, au sein des énergies fossiles, est davantage entre pétrole et gaz.
La répartition n’est pas la même si l’on distingue entre pays développés et pays émergents. Pour les pays de l’OCDE, la part des énergies fossile est de 78% en 2020 contre 86% pour les non-OCDE.
Le tableau présente la structure de la consommation d’énergie par pays à trois dates, 1973 c’est avant le premier choc pétrolier, 2007 c’est avant la crise financière et après l’annonce en octobre 2006 du rapport Stern. 2020 est la dernière date disponible.
On notera le poids toujours considérable du charbon en Chine et en Allemagne. La baisse du nucléaire allemand a été compensé par le gaz et les énergies renouvelables mais le charbon reste l’énergie de secours comme on l’a vu en septembre lorsque le vent a été faible obligeant à trouver de quoi produire de l’électricité. C’est le charbon qui a été utilisé.
En France, le poids du nucléaire est tel que la répartition des énergies est très différente de celle des autres pays. La tentation d’accentuer cette énergie est forte, comme l’a suggéré le président Macron, avec les petits réacteurs, lors de la présentation du plan de relance France 2030.