Un conflit aux portes de l’Europe est un choc d’incertitude pour les européensju. Cela provoque un comportement plus attentiste que ce soit pour les entreprises ou pour les consommateurs.
En 1991, du Koweït par l’Irak cela modifie en profondeur les anticipations des américains provoquant ainsi une récession (résultat d’une étude sérieuse de Blanchard)
On peut imaginer une situation de ce type en Europe.
La Russie et l’Ukraine ayant de nombreuses matières premières énergétiques ou non, le conflit devrait se traduire par des prix tendus. La Russie va jouer à fond la cartellisation du marché des matières premières lui donnant ainsi un poids considérable dans les rapports de force à l’échelle mondiale. Les prix seront la variable d’ajustement et ils seront orientés plutôt à la hausse. Ce sera un choc inflationniste. En d’autres termes, l’inflation va être élevée plus longtemps que ce que l’on attendait jusqu’alors. Du fait du conflit, le point haut de l’inflation pourrait être au-delà du premier semestre 2022.
Cela a deux conséquences liées : la première est l’impact négatif sur le pouvoir d’achat et la consommation, le second est la demande d’indexation des salaires qui ne manquera pas de se manifester.
Le choc est donc potentiellement stagflationniste. Il pénalise la croissance et dope l’inflation. Une configuration qui sera d’autant plus pénalisante que le conflit durera.
Les banquiers centraux sont face à une situation inédite et la BCE ne devrait pas annoncer de mesures significatives le 10 mars lors de sa prochaine réunion. Les incertitudes ne font pas bon ménage avec un risque sur la liquidité.
L’impact sera aussi sur les prix alimentaires, notamment celui du blé. La Russie, le Kazakhstan et l’Ukraine fournissent 40% des exportations mondiales de blé. L’Europe qui est un exportateur important (37 millions de tonnes sur les 200 millions qui sont échangées) va dans sa stratégie Farm to Fork réduire sa production de blé de 10 à 20% à l’horizon 2050 au risque de ne plus exporter. Les pays du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient pourraient ne plus être alimentés en blé européen. Avec le conflit en Ukraine, le risque est de renforcer le caractère stratégique du blé surtout si l’Europe maintient sa stratégie de réduction de sa production. L’impact de la Russie irait alors bien au delà de l’Europe et son action pourrait être déstabilisante dans de nombreuses régions du monde s’il y a rationnement du blé.
La durée du conflit est l’enjeu et dépendra du scénario. Pour moi il y a 4 possibilités
Le plus rapide est de la considérer très vite que Poutine installe un gouvernement à Kiev et que les gouvernements occidentaux pour éviter un choc trop brutal sur le prix des matières premières valident implicitement cette situation . Après la mise en place de sanctions, la Russie s’est installée en Ukraine. Le conflit peut être terminé fin mars. Les occidentaux face au fait accompli justifient leur acceptation en faisant appel à l’histoire et au fait que russes et ukrainiens sont proches. Ce scénario est cynique et contraire aux choix démocratiques des sociétés occidentales. Il ne peut être privilégié mais …
Le deuxième scénario est celui d’une guérilla. Les occidentaux arment les ukrainiens et aident à la logistique mais sans être présent à l’exception d’experts. Le pouvoir russe est contesté dans la durée, “no pasaran”. Un tel scénario entretient l’incertitude et est un facteur pénalisant pour l’Europe.
Le troisième scénario implique une intervention militaire des occidentaux taux pour rééquilibrer le rapport de force avec Poutine. L’Ukraine risque alors de devenir le Vietnam contemporain. Les tensions est-Ouest sont finalement contenues en Ukraine sans franchement déborder. Cela fait l’hypothèse que l’on soit mobilisable dans les pays occidentaux, que l’on soit prêt à avoir de nombreux soldats là-bas. C’est une hypothèse forte.
Le 4eme scénario est nucléaire …..
Dans le cinquième scénario, le peuple russe se rebiffe et conteste l’action du gouvernement puisque les sanctions vont affaiblir l’économie russe et créer une récession. En 2014 cela n’avait pas suffi à renverser le gouvernement mais si la mobilisation est suffisamment forte on pourrait imaginer un scénario qui ressemble à celui de la chute du mur de Berlin. Le peuple dans la rue devient majoritaire à contester les options gouvernementales. Dans ce cas, Poutine devrait d’abord mettre de l’ordre en Russie et il abandonnerait l’Ukraine.
Difficile pour l’instant de probabiliser ces scénarios
A court terme, compte tenu de l’incertitude, les évolutions sont plutôt favorables aux actifs sans risque.