Le changement climatique est partout sauf dans les chiffres de la macroéconomie.
C’est en parodiant Robert M. Solow ce que l’on pourrait dire lorsque sont mis côte à côte le réchauffement climatique et son impact macroéconomique.
Il y a d’un côté les constats de plus en plus nombreux sur la hausse des températures et sur la multiplication des évènements climatiques en phase avec les travaux du GIEC. Il y a un consensus pour dire que les inondations, les sécheresses, les incendies, les dômes de chaleur et d’autres éléments marquants sont la conséquence du réchauffement climatique. Cela se traduit par des alertes toujours plus fréquentes. Cependant, les économistes travaillant sur cette question ont eu tendance à ne jamais transformer l’impact du changement climatique en une rupture. L’ordre de grandeur d’une hausse de 1 °C de la température est mesuré de 1 à 3 % de perte de PIB. C’est un choc fort, mais pas à la hauteur des évènements climatiques mentionnés.
Dans les travaux, l’impact macroéconomique est toujours à venir mais pas franchement contemporain. Dès lors, pourquoi changer dès maintenant, puisqu’il sera toujours temps d’adopter les politiques idoines dans le futur. C’est par négligence ce que l’on a tendance à ne pas mettre en œuvre les politiques nécessaires. Et, collectivement, on accepte d’autant plus facilement ce report que le choc sur le PIB est de faible ampleur.
C’est l’idée assez classique chez les économistes qu’il faudra ajuster quelques paramètres pour se situer sur la bonne trajectoire. L’ajustement évoquée est souvent celle de la taxe carbone qui doit engendrer des arbitrages et permettre à l’économie globale de ne pas connaitre de rupture.
Cette idée de continuité et de report dans le futur des mesures drastiques à prendre justifie l’exploration de nouveaux puits d’énergies fossiles puisque l’activité engendre une demande supplémentaire qu’il faut satisfaire tant que le choc n’est pas d’ampleur suffisante.
Un renouveau de cette problématique
Deux auteurs américains, Adrien Bilal et Diego R. Kânzig, (voir « The macroeconomic impact of climate change: global vs. local temperature » WP NBER #32450) se sont posé la question d’une prise en compte de l’ensemble des conséquences des évènements climatiques.
Ceux-ci ont de multiples impacts qui s’inscrivent dans la durée. Un dôme de chaleur ici ou un feu gigantesque là auront des répercussions là où ils se produisent, mais également dans le reste du monde. Ainsi, le réchauffement des océans ou la pollution sont des effets qui ne sont pas locaux, mais qui, dans les analyses, n’étaient pas complètement ou mal estimé.
Les auteurs construisent une représentation qui tente d’estimer toutes les interactions et font, in fine, une mesure globale des conséquences des évènements climatiques et non une mesure locale.
Les répercussions d’un tel changement d’échelle sont radicales. Pour les auteurs, 1 °C de température en plus à l’échelle globale, c’est 12 % d’activité en moins. Sans les effets du réchauffement climatique, de 1960 à 2019, le PIB par tête mondial serait 37 % plus élevé.
Les auteurs calculent également le montant d’une taxe carbone à l’échelle mondiale. Elle serait de l’ordre de 1000 euros la tonne de carbone évitée. C’est 5 à 7 fois plus cher que ce qui est payé actuellement.
L’intérêt de ces travaux ?
On dispose désormais d’une mesure de l’impact du changement climatique sur le PIB qui parait plus en adéquation avec l’ampleur et la multiplication des évènements climatiques et la hausse des températures associés.
On entre avec ces travaux dans des dynamiques de ruptures. Le changement climatique a probablement un effet beaucoup plus fort et durable que ce que l’on mesurait jusqu’à présent. L’effort à mettre en place pour y faire face doit être encore plus important et plus rapide.
Les problèmes provoqués par le réchauffement climatique ne se règleront pas d’eux-mêmes. Les solutions technologiques, souvent mises en avant pour permettre de ne pas prendre en compte le changement du climat, apparaissent, d’un seul coup, bien insuffisantes et trop longues à mettre en œuvre ! La température va continuer d’augmenter et l’urgence à s’accentuer.
Ces travaux valident ce que l’on savait déjà. Le monde n’est pas toujours dans un continuum d’états. Il peut y avoir des ruptures, des changements d’état, des sauts qui créent un monde différent. C’est peut-être cela le monde de demain.