Le climat est probablement la question la plus importante mais celle dont on parle le moins. Néanmoins, cet été, après les JO, et en raison de la multiplication des évènements climatiques, la sensibilité au climat s’est accrue.
Mais non! il n’y a pas de solution immédiate qui éloignerait la brutalité des ajustements nécessaires et pas franchement commencés. L’arbitrage complexe porte sur le risque social. Un litre d’essence très cher modifierait profondément les comportements mais au prix d’un risque social élevé. Cependant, à repousser les échéances, ces questions ne cesseront d’être posées.
L’autre dimension souvent évoquée porte sur la dimension politique. Là non plus il n’y a pas de recette commune car il faut réinventer le monde et cela c’est le rôle du politique.
Après l’enthousiasme des Jeux Olympiques, durant lesquels nous sommes tous devenus spécialistes de Léon Marchand, de Felix Lebrun ou encore d’Amandine Buchard, les discussions de l’été, avec des amis autour d’un verre de rosé, ont généralement porté sur les questions relatives au climat.
La multiplication des évènements climatiques au cours des dernières années a fait du climat une préoccupation désormais quotidienne. D’un climat modéré, la France est passée à un climat plutôt plus chaud. C’est ce type de basculement qui est important, et c’est cette forme d’accumulation qui compte dans la rupture climatique. En conséquence, la perception que le cadre a été bouleversé est plus présente. Aux vagues de froid de la période d’après-guerre ont succédé des vagues de chaleur. Celles-ci se succèdent tous les ans depuis 2003. Il est désormais perçu comme normal d’avoir des étés très chauds, comme il était perçu comme normal par nos parents et grands-parents d’avoir des hivers très rigoureux. Ce ne sont pas les seuls évènements climatiques, mais ces vagues de froid et de chaleur caractérisent bien le chamboulement constaté
Le basculement est la conséquence du changement climatique qui s’inscrit dorénavant au cœur des interrogations et des questionnements.
Quels ont été les points de bascule ?
Ce changement de perception sur la question du climat engendre deux types de réactions.
La première est d’imaginer que des solutions immédiates puissent être trouvées. La machine infernale doit pouvoir être inversée. Les crises du passé ont pu être amorties et bénéfiques, pourquoi celle-ci échapperait-elle à cette logique historique ?
La deuxième réaction est de considérer que la question du changement climatique est au-dessus des partis politiques, faisant ainsi de ce bouleversement une cause commune avec des solutions trans-partisanes.
Le changement climatique est générateur de complètes mutations dans l’évolution des sociétés et c’est pour cela que le choc est d’une nature différente.
Le premier choc pétrolier avait engendré une transformation du système productif, le rendant plus efficace dans sa dimension énergétique. Mais, la consommation d’énergies fossiles n’a pas été affectée dans la durée.
Pour contrer le changement climatique, la réduction de cette consommation est impérative. Il faudra consommer moins d’énergies fossiles en 2050 qu’en 2024, mais également qu’en 2000 ou encore en 1990.
Comme le montre le graphe, ce basculement n’a pas commencé, souvent par crainte de mouvements sociaux déstabilisants (gilets jaunes) mais ce n’est que repoussé l’échéance.
Deux, trois choses à savoir pour bien percevoir les enjeux.
1 – La révolution industrielle et l’ensemble des développements qui ont eu lieu depuis traduisent la nécessité et la capacité à utiliser les énergies fossiles. Celles-ci sont d’une efficacité redoutable et sont facilement transportables. Ainsi, l’essence est-elle aujourd’hui facile à transporter et le plein d’un réservoir d’automobile prend seulement quelques minutes. Ce n’est pas le cas pour l’instant avec les énergies renouvelables. La gestion des batteries et de leur recharge n’est pas résolue sur les véhicules électriques.
2 – C’est l’utilisation, toujours plus importante, de ces énergies fossiles qui a engendré l’accumulation de carbone dans l’atmosphère et le réchauffement climatique via l’effet de serre. La terre n’est plus capable de renvoyer autant de chaleur que par le passé en raison de la couche de carbone qui fait barrage. En conséquence, la terre se réchauffe.
L’Effet de Serre
3 – La stabilisation de la température globale passe par la neutralité carbone, état où la terre ne doit plus émettre de carbone en net. Tout ce qui est émis doit être absorbé. C’est un défi majeur. Pour l’Europe et les États-Unis, l’horizon pour atteindre la neutralité est fixé à 2050, soit dans 25 ans. La Chine vise la neutralité à 2060.
Il y a trois possibilités pour tendre vers la neutralité carbone
A – Collectivement, nous réduisons notre consommation d’énergies fossiles afin d’abaisser vivement les émissions de carbone. C’est un choix complexe. On peut à l’échelle régionale aller dans ce sens, c’est le cas, par exemple, au sein de l’Union Européenne. Cela est-il possible à l’échelle globale en raison des différences de développement ?
Sur ce point des différences de développement mais aussi des intérêts, le débat est interminable. Les pays industriels ont émis un stock de carbone considérable depuis la révolution industrielle et les questions climatiques leur sont liées.
Les pays émergents ont un stock de carbone très réduit et ils souhaitent accroître leur bien-être avec davantage de croissance, et donc plus d’émissions. Il faudrait pouvoir arbitrer, mais qui le souhaite vraiment ?
B – On peut compter sur les puits de carbone naturels. C’est le cas des océans qui absorbent 30 % environ des émissions chaque année. Mais, les océans s’acidifient, leur capacité à absorber du carbone en est affectée. Les sols sont une réserve de carbone considérable, cependant le réchauffement du permafrost interroge sur la capacité pour les sols à jouer le même rôle à l’avenir.
Les arbres sont souvent une solution avancée pour faire face au réchauffement climatique. Les forêts sont d’importants puits de carbone, c’est ce que l’on voit notamment avec l’Amazonie, fréquemment citée, même si elle n’est plus aussi vertueuse.
Il y a deux dimensions sur les arbres et la forêt.
C – Les chocs technologiques. Les innovations résoudraient la question climatique. Soit en absorbant le carbone émis, ce qui existe déjà, mais sur une échelle trop réduite et à un coût encore trop élevé. Soit en déroutant les rayons du soleil pour qu’ils n’atteignent pas la terre, ce qui est appelée la géo-ingénierie. Les innovations pour la capture du carbone doivent se multiplier pour contribuer significativement à la convergence vers la neutralité carbone, le GIEC en tient compte.
Mais, la géo-ingénierie ressemble à un pacte faustien, tout faire pour préserver notre situation actuelle au risque de tendre vers le pire après. Il y a beaucoup de recherches et de moyens, toutefois, c’est un choix très risqué, car il est conditionné par un choix collectif portant sur les mêmes types de moyens et d’objectifs.
Quoi qu’il en soit, ces innovations n’ont pas, loin de là, l’échelle nécessaire pour éviter une rupture dans les comportements. Le temps compte et c’est maintenant que les décisions doivent être prises.
Pourquoi maintenant ?
Parce que sur plusieurs facteurs majeurs régulant le climat, le Groenland, la banquise, les flux marins, la température, en hausse, franchit des points de rupture irréversibles. Le premier seuil de température est à 1,5 °C en médian, c’est proche. C’est pour cela qu’il faut rapidement intervenir.
Il ressort de ces éléments que la seule solution possible est d’altérer nos comportements et qu’aucune solution miracle n’existe. La question majeure est alors celle des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs. S’il faut réduire de 80 % la consommation d’énergies fossiles, comment le faire sans provoquer de mouvements sociaux. La taxe carbone telle qu’elle est actuellement évaluée est insuffisante. En France, on peut regretter encore le report du Plan National d’adaptation au changement climatique. (PNACC3). Prévue pour fin 2023, puis décalée à avril 2024, ensuite à mai, ensuite à juin, sa présentation a de nouveau été repoussée sine die.
S’il faut profondément changer nos habitudes, alors il faudra différemment réfléchir aux priorités collectives. On peut passer de la voiture thermique à la voiture électrique. Cependant, on n’économisera pas une discussion sur le rôle de l’automobile dans la croissance et dans le développement rural et urbain. Autrement dit, le changement d’énergie va remettre en cause le développement observé jusqu’ici et reposant principalement sur la disponibilité d’une énergie efficace et concentrée.
C’est parce qu’il faut penser autrement la reconstruction que l’écologie ne peut pas être une approche neutre au regard des partis politiques. Chaque parti de gauche, de droite ou du centre a son idée sur la façon dont la société et l’économie de demain doivent s’organiser tout en tenant compte des contraintes écologiques. Des plus conservateurs aux plus révolutionnaires, la hiérarchie des orientations, des politiques, des objectifs de bien-être et de la manière d’y arriver seront différentes. C’est un truisme que de le dire.
Forts de l’idée que la société et l’économie de demain seront nécessairement d’une forme différente, les Verts ont une longueur d’avance. Tous les autres ont pensé que les ajustements ne seraient pas très différents de ceux observés lors d’autres chocs. C’est en cela qu’ils se sont trompés et ont pris du retard dans l’analyse et dans la perception par leurs partisans des changements à mettre en œuvre et des ruptures à anticiper.