Donald Trump a gagné et dispose désormais d’un pouvoir considérable puisqu’il a été plébiscité par les Américains, il est à la Maison-Blanche, il détient le Sénat, est majoritaire à la Cour Suprême et il disposera probablement aussi de la majorité à la Chambre des Représentants. Sa capacité à gouverner sans contrepartie est considérable.
En outre, il dispose d’un avantage supplémentaire par rapport à 2016 puisque ses collaborateurs actuels lui sont tous redevables, alors qu’à l’époque beaucoup venaient de la présidence de G. Bush Junior.
Cependant, au milieu des années 1980, on notait que Gorbatchev disposait de tous les pouvoirs, mais cela n’a pas permis de sauver l’URSS. Autrement dit, le pouvoir sans contrepartie n’est pas un gage de réussite.
Qu’est ce que cela change ?
Après la Seconde Guerre mondiale, les institutions mises en place ont eu pour objet de ne pas refaire les erreurs de la première partie du 20ᵉ siècle. Elles doivent permettre de définir des règles communes qui profiteront à l’intérêt collectif. L’intégration de la Chine et la dynamique de la globalisation se sont inscrites dans cet intérêt commun. La multiplication des échanges a dépassé la conflictualité politique.
Des divergences ont commencé d’apparaitre un peu avant la pandémie avec l’irruption de déséquilibres engendrés par cette globalisation. Cela a reflété principalement la maturité économique et politique de la Chine, sa capacité d’innovation et la remise en cause de la puissance américaine.
L’exemple chinois a montré que le chemin sur une autre route était possible. Poutine, Orban ou encore Erdogan s’y sont engouffrés, mettant en avant les rapports de force plutôt que le respect des règles. Dès lors, la dynamique collective est affaiblie.
Les Etats-Unis apparaissaient, avec les Européens, comme les garants des règles initiales en considérant que le modèle démocratique et de marché qu’ils portaient, était la référence vers laquelle il fallait tendre.
L’arrivée de Trump rebat les cartes. Les alliances comme l’OTAN sont fragilisées et la remise en cause de l’intégrité territoriale sont des sources d’inquiétude. Le rapport de force gagne les Etats-Unis dans ses rapports avec le reste du monde. La politique américaine pourrait devenir imprédictible.
Pour le nouveau président américain, les règles qui prévaudront seront celles portées par l’Amérique. Cela est explicite dans la remise en cause des mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique et dans le souhait de forer encore et toujours plus d’énergies fossiles, en contradiction avec la convergence vers la neutralité carbone.
Autrement dit, en l’espace d’une dizaine d’années, les règles communes et le choix de l’intérêt collectif, qui avaient permis la longue période de croissance, sont franchement écartées. Trump fait basculer l’équilibre vers l’imprédictible.
Pour l’Europe ?
Le chacun pour soi dessiné par le programme de Donald Trump aura au moins deux conséquences majeures pour les Européens.
La première est l’impact de la hausse des tarifs douaniers que Trump a promis lors de son arrivée à la Maison-Blanche : 10 à 20 % pour tous et 60 % pour les produits chinois. Cela risque d’infléchir durablement la dynamique du commerce mondial. L’Europe sera directement pénalisée. Ce risque sur l’activité ne sera pas compensé par la mise en place de politiques budgétaires expansionnistes en Europe.
L’autre point porte sur l’attitude des Etats-Unis sur l’OTAN, et donc sur la sécurité du monde et de l’Europe en particulier. Surtout si, comme le promet Trump, la guerre en Ukraine est arrêtée en 24 h.
La remise en cause de l’intérêt collectif se constate aussi dans l’accord de Paris que les USA pourraient de nouveau quitter. Par ailleurs, il était souligné que Chinois et Américains ne s’entendaient sur rien, sauf sur le climat, où la coopération était bonne. Ce ne sera surement plus le cas. Les objectifs des deux pays risquent de diverger.
Pour conclure
La remise en cause des règles ne signifie pas une dynamique stabilisée. Il serait faux de croire que l’économie laissée à elle-même convergerait vers le sentier de croissance le plus efficace. L’économie a besoin de règles et d’institutions pour fonctionner de façon efficace. Les prix Nobel d’économie, cette année, en témoignent.
Dans un tweet en réaction aux résultats, Olivier Blanchard soulignait : “Je m’en remettrai aux historiens et aux cliomètres. Mais, lorsque le monde est en grande partie gouverné par des autocrates ou des aspirants autocrates, je soupçonne que l’écart type de ce qui peut se produire augmente considérablement.”