Depuis 2 300 ans et la République de Platon, les philosophes savent comment les démagogues et les aspirants tyrans gagnent les élections démocratiques.
Dans une démocratie, tout le monde est libre de se présenter aux élections, y compris les personnes qui ne sont pas aptes à diriger ou à présider les institutions gouvernementales. L’un des signes révélateurs de cette inaptitude est la capacité à mentir sans retenue, notamment en se présentant comme le défenseur contre les ennemis perçus par le peuple, qu’ils soient extérieurs ou intérieurs. Platon considérait que les gens ordinaires étaient facilement contrôlés par leurs émotions et donc sensibles à ce type de messages.
Ce type de politique n’était pas nécessairement voué au succès. Comme l’a affirmé JJ Rousseau, la démocratie est la plus vulnérable lorsque l’inégalité dans une société s’est enracinée et qu’elle est devenue trop flagrante.
De profondes disparités sociales et économiques créent les conditions nécessaires pour que les démagogues exploitent le ressentiment de la population et que la démocratie finisse par s’effondrer de la manière décrite par Platon. Rousseau a donc conclu que la démocratie exigeait une égalité généralisée ; ce n’est qu’à cette condition que le ressentiment des citoyens ne peuvent pas être exploités aussi facilement.
Les personnes qui se sentent lésées (matériellement ou socialement) en viennent à accepter des pathologies – racisme, homophobie, misogynie, nationalisme ethnique et bigoterie religieuse – qu’elles rejetteraient dans des conditions de plus grande égalité.
Ce sont précisément ces conditions matérielles d’une démocratie saine et stable qui font défaut aux États-Unis aujourd’hui. Au contraire, l’Amérique se définit aujourd’hui par ses inégalités massives, un phénomène qui ne peut que saper la cohésion sociale et susciter le ressentiment.
Il existait un accord tacite entre les hommes politiques pour ne pas s’engager dans une forme de politique aussi clivante et violente.
Dans des conditions d’inégalité profonde, cette sorte de politique codée finit par devenir moins efficace que sa version plus explicite. Ce que Trump a fait depuis 2016, c’est jeter aux orties l’ancien accord tacite, en qualifiant les immigrés de vermine et ses opposants politiques « d’ennemis de l’intérieur ». Une telle politique explicite du « nous contre eux » peut être très efficace.
La philosophie politique démocratique, donc, propose une bonne analyse du phénomène Trump. Tragiquement, elle offre une prédiction claire de ce qui va suivre. Selon Platon, le genre de personne qui fait campagne de cette manière gouvernera comme un tyran.
D’après tout ce que Trump a dit et fait au cours de cette campagne et de son premier mandat, nous pouvons nous attendre à ce que Platon ait, une fois de plus, raison.
Source: Project Syndicate Jason Stanley Lien: https://bit.ly/4ffu317