La bataille mondiale se joue à deux et les États-Unis et la Chine sont les deux belligérants. L’Europe regarde d’un peu loin le spectacle qui se construit sans elle. Je ne fais, ici, que reprendre des éléments du rapport de Mario Draghi sur le positionnement de l’Europe face aux deux géants.
En 2025, cette divergence avec l’Europe va s’accentuer. Américains et Chinois ont bien compris que dans un monde dans lequel les règles changent, le pouvoir de négociation devenait essentiel. Il fallait s’assurer une base économique interne solide pour stabiliser l’ensemble dans la bataille globale. Chacun à sa façon va alimenter sa dynamique interne avec des politiques budgétaires volontaristes. L’Europe est, elle, sur le mode de la consolidation budgétaire qui fait s’interroger sur le risque d’une récession associée à une politique trop rigoureuse.
Avec une base arrière solide, Américains et Chinois vont pouvoir entrer dans une bataille homérique qui a déjà commencé avec les mesures de représailles récentes de la Chine.
Les Etats-Unis banquiers du monde et leader technologique
De longue date, l’économie américaine dispose d’un avantage technologique majeur et d’une puissance financière considérable. Les États-Unis sont le banquier du monde et le leader technologique. Comme banquier du monde, les actifs américains sont considérés comme sans risque. Comme leader technologique, ils disposent d’une puissance économique majeure, de la capacité d’investir dans le monde et d’en tirer des revenus significatifs.
La combinaison des deux se traduit par d’importants flux de capitaux pour acheter l’actif sans risque et des flux de revenus des investissements faits à l’extérieur. Ces flux considérables donnent des marges de manœuvre majeures dans la gestion de l’économie américaine. Contrairement aux autres pays, le dollar ne s’ajuste pas systématiquement aux déséquilibres de l’économie. Par ailleurs, les flux de capitaux facilitent le déficit commercial américain sans engendrer de crise, puisque l’économie est robuste et que son statut de banquier du monde n’est pas remis en cause.
La Chine a rattrapé une grande partie de son retard
La transformation de la Chine depuis une vingtaine d’années est une source de préoccupation pour les Américains. Durant cette période, les transferts de technologies, notamment américains, ont été considérables et aidés par des politiques volontaristes, la Chine a rattrapé une grande partie de son retard sur les USA. Dans certains domaines d’ailleurs, la Chine est désormais plus avancée, notamment dans les télécoms. Le président Xi ne renoncera pas à cette stratégie qui bouscule le reste du monde.
La Chine ne peut rivaliser avec les USA comme banquier du monde, cela veut dire qu’elle ne peut pas se financer en empruntant des capitaux au reste du monde. Cependant, elle dispose d’une épargne interne considérable, dont une mesure est le surplus de sa balance commerciale, qui permet le financement des innovations et des nouvelles technologies et une forme d’autonomie.
Cette nouvelle puissance de la Chine se traduit en dépendance vis-à-vis de l’Empire du milieu. Nos ordinateurs, nos téléphones portables ou encore les logiciels intégrés dans la construction des automobiles américaines au Mexique proviennent de Chine. Les États-Unis comme le reste du monde sont conditionnés par ce qui s’y passe. Cette puissance se mesure: 35 % de la production manufacturière mondiale est faite en Chine, contre 12 % aux USA et 13 % en zone Euro.
Le monde est donc conditionné par ce qui se passe en Chine et les Etats-Unis n’y échappe pas. . L’enjeu est la dépendance de court terme, mais c’est aussi la capacité que se donne la Chine d’être le pays qui définira le standard de la technologie et qui sera donc capable de capter la rente associée à celui-ci.
Pour les États-Unis, c’est le risque, à terme, de perdre cet avantage, fragilisant in fine la construction de l’ensemble de l’économie américaine.
C’est cet enjeu qui est au cœur des tensions entre les deux pays. Le leader dispose d’un avantage comparatif spectaculaire. Il n’est pas question pour les États-Unis de lâcher l’affaire et de s’accommoder de la puissance chinoise. Tous les coûts seront valables et ne doutons pas qu’ils seront portés.
Le monde a vraiment changé alors que la nouvelle administration américaine a désigné la Chine comme leur seul adversaire qui compte.