Les chocs technologiques sont souvent perçus comme provoquant des situations à risque sur le marché du travail.
Cette question est ancienne, elle avait été bien décrite par Alfred Sauvy dans « La machine et le chômage »(1980).
L’arrivée de nouvelles technologies provoquait une grande fébrilité des travailleurs quant à leur emploi. Cela se traduisait généralement par une période d’instabilité sociale avant que les créations de nouveaux emplois compensent ceux qui avaient été perdus tout en assurant des revenus plus élevés.
Ce côté rassurant de l’histoire passée ne l’est pourtant pas complètement sur les dernières décennies. L’introduction des micro-ordinateurs a délocalisé et amélioré les conditions de travail pour ceux qui en avait l’usage.
Cela a été une forte source d’inégalités sur le marché du travail entre ceux bénéficiant des gains de productivité résultant de leur utilisation et les autres. L’inégalité était sur les revenus et l’intérêt de l’emploi alors que les créations d’emplois sont restées importantes.
L’irruption de l’Intelligence Artificielle remet le dossier de l’impact de la technologie sur l’emploi tout en haut de la pile pour les économistes. L’IA sera-t-elle génératrice d’inégalités supplémentaires ? Et sera-t-elle une source de rupture de l’emploi ?
La réponse est comme toujours plus complexe qu’on le souhaiterait. D’autant que l’expérience avec l’IA ne fait que débuter.
Il y a quatre types de réflexions pour l’instant
- L’IA n’a pas engendré une inversion dans la dynamique du marché du travail. Le profil de l’emploi reste très cohérent avec celui du cycle de l’activité.
- Certaines prédictions sur des emplois bien précis ont été contredites. Certains emplois, radiologue par exemple, étaient attendus comme devant se réduire rapidement du fait de l’IA. Cela ne semble pas être le cas.
- L’IA réhabilite la classe moyenne sur le marché du travail et réduit les inégalités avec les personnes plus qualifiées. C’est un peu l’inverse de ce qui avait été constaté avec l’introduction du micro-ordinateur. L’IA est ainsi un générateur de productivité pour les personnes les moins diplômés permettant à terme une revalorisation des revenus.
- Cependant si l’on met en concurrence entre eux un groupe d’entrepreneurs ou un groupe de chercheurs, on s’aperçoit que l’IA peut être une source d’inégalités en liaison avec la pertinence des requêtes et la façon de poser les problèmes. Dans ce cas, l’intelligence des individus est complémentaire à l’utilisation de l’IA. Le résultat et plus inégalitaire.
Ces quelques éléments traduisent des résultats sur des expériences qu’il faudra renouveler pour leur donner davantage de pertinence. Mais il semblerait que l’IA ait un impact différent de ce qui était généralement observé par le passé. Cela en fait un champ d’étude fascinant qui n’a probablement pas fini de nous étonner.
Source CapRadio Gregory Rosalsky Lien https://bit.ly/40mbmUp