L’architecture actuelle de l’économie mondiale doit beaucoup à l’action des banques centrales. Depuis le début des années 1980, avec la financiarisation progressive de l’économie mondiale, elles se sont appropriées les questions liées à la régulation financière et macroéconomique. La politique monétaire est ainsi devenue l’outil clé.
Le cadre mis en place a reposé sur des modes de fonctionnement et d’intervention assez cohérents d’une banque centrale à une autre. L’objectif des banques centrales a été partout calibré sur l’inflation avec une cible identique partout. La Fed a un double objectif explicite; pour les autres banques centrales, ce deuxième objectif sur l’activité est implicite.
Depuis l’accord du Plaza de septembre 1985, elles interviennent de façon coordonnée quand un choc négatif se produit. Le but est de fournir la liquidité suffisante pour que le choc ne se propage pas et ne se transforme en crise profonde et durable.
La question aujourd’hui est celle du piège de Kindleberger : si la Fed ne joue plus ou ne peut plus tenir le rôle du prêteur en dernier ressort, alors en cas de choc négatif, la dynamique globale serait bloquée au risque de voir le choc se transformer en crise durable.
Cette question ne se pose pas immédiatement, car Jay Powell à la tête de la Fed ne souhaite pas changer ce cadre international. On peut néanmoins penser qu’en cas de changement au sein du board de la Fed et dans le contexte politique particulier des USA, la Fed puisse être empêchée d’intervenir avec les marges et le leadership qui est le sien.
Ce changement serait radical puisque lors des chocs des 40 dernières années, la Fed a mis en œuvre des lignes de liquidités avec les autres banques centrales. Les montants ont pu être considérables : 600 milliards d’USD en 2008 et 450 en 2020.
Dans un travail récent publié par le CEPR, Robert N McCauley imagine que les 14 autres banques centrales, associées à ces lignes de liquidités, mettent en commun leurs réserves d’un montant de 1,9 trillion de dollars pour colmater les brèches en cas de choc négatif.
L’idée est que si la Fed ne veut pas/ ne peut pas intervenir directement, les autres banques centrales pourraient contourner ce point et permettre à l’économie d’amortir le choc. Il n’est pas besoin de créer de nouveaux dollars, mais d’échanger ceux qui sont en réserve afin de colmater les fragilités de l’ensemble du système.
La Fed interviendrait comme acteur passif, car les réserves détenues sont logées dans des actifs américains sur lesquels la Fed peut vouloir avoir un pouvoir de régulation (obligations d’État par exemple).
Ce serait un moyen, selon l’auteur, de contrecarrer le piège de Kindleberger si celui-ci apparaissait en raison du retrait des États-Unis.
La circulation des réserves permettrait de limiter les risques de contagion mais serait une solution de second rang moins efficace qu’une intervention directe de la Fed.
A suivre