Il n’y aura finalement pas d’accord sur les retraites. Le conclave réuni par François Bayrou pour améliorer la réforme mise en place par le gouvernement Borne a échoué. Les syndicats du patronat et des salariés n’ont pas trouvé d’accord satisfaisant.
La première remarque est l’échec du paritarisme à la française. Le modèle social a été forgé, de longue date, par des marathons de négociations qui aboutissaient à un accord au bout de la nuit. Cette période est passée parce que les conditions de la croissance sont fortement dégradées en France.
On peut négocier et trouver un accord au bout d’une nuit emplie de tensions quand les efforts à faire sont réduits. Cela traduisait par le passé des conditions de croissance et de productivité qui pouvaient amortir un schéma contraignant. Aujourd’hui les marges de manœuvre sont réduites partout. La croissance depuis la pandémie ne repart pas. Les attentes sont de 0.6% cette année ce qui est médiocre.
Quand les ressources à se partager ne progressent pas, la négociation est un jeu à somme nulle. Il y en a un qui gagne et un qui perd. Au conclave, aucun des partenaires autour de la table ne voulait se retrouver avec le mistigri et perdre le jeu.
On rentre donc désormais dans une forme de rapport de force et une rupture dans la forme des négociations sociales. La croissance introuvable à fait chuter le modèle historique.
Tant que l’économie française ne retrouvera pas les marges issues d’une croissance plus forte dans la durée son modèle social sera enrayé.
Ceci illustre la difficulté d’une économie sans croissance. Les parts du gâteau se repartiront au gré de l’évolution des rapports de force au sein de l’économie.
Une vraie question relative au jeu social apparaît. Qui sera encore prêt maintenant à respecter les règles en cours ?
La société ne fonctionne de façon cohérente que lorsque chacun respecte les mêmes règles du jeu. C’est ce qui était fait jusqu’à présent par le biais du paritarisme. Les règles risquent de changer si on entre dans un jeu à somme nulle.
Dès lors, les acteurs joueront-ils toujours selon des règles cohérentes.
La question est d’autant plus importante que la démographie bouleverse aussi les rapports sociaux. Pour illustrer ce phénomène, prenons les projections démographiques de l’Insee. Avant 2030, le nombre de personnes de plus de 65 ans dépassera le nombre de personne de moins de 20 ans. Ces derniers auront-ils intérêt à jouer le jeu social encore en cours? Pas sûr du tout. Le système centralisé risque d’être débordé par sa jeunesse qui ne voudra pas travailler pour rien. Ce sera un autre rapport de force qui va tendre, lui aussi, les relations sociales.
Le modèle social français a été construit sur l’idée d’une croissance solide dans la durée. L’absence de progression du revenu global est, d’un seul coup, porteuse de la nécessité de réinventer les relations sociales et institutionnelles.
La France entre dans une période trouble.