Pourrions-nous imaginer, en Europe, qu’il soit plus facile d’envoyer un salarié travailler dans un autre pays de l’Union que de l’envoyer aux Etats-Unis ou à Taïwan ? Ce n’est pas le cas aujourd’hui mais c’est le défi posé à Stéphane Séjourné, le vice-président de la Commission Européenne. De multiples exemples de coûts cachés pénalisent l’UE. Une telle contrainte limite la capacité à s’aventurer sur de nouveaux marchés européens, bride les opportunités de marché, réduit le potentiel d’innovation, pénalise la concurrence et finalement limite la croissance.
Cette situation n’est pas efficace et c’est l’objectif du rapport récent « Stratégie pour le Marché Unique » publié par la Commission le 21 mai que de proposer des mesures pour y remédier. Le constat, sur les barrières entre les pays européens, n’est pas récent. Robert J Gordon évoquait les tensions politiques qui, au 19ème siècle, incitaient les productions à s’exporter dans le reste du monde plutôt que d’alimenter la croissance organique de l’Europe. Plus récemment, le FMI indiquait que les barrières non tarifaires agissaient comme des droits de douanes à hauteur de 45% dans le secteur manufacturier et à 110% dans les services.
Le constat sur ces coûts cachés est ancien mais le rapport Letta, en avril 2024, l’a remis en avant. L’Europe a besoin de trouver les moyens d’une plus grande autonomie dans un monde désormais plus hétérogène.
Jeudi 26 juin, les 27 dirigeants de l’UE se réuniront à Bruxelles pour valider une stratégie d’autonomie notamment l’accent mis sur l’approfondissement du marché intérieur.
L’Union Européenne a quatre briques pour faire face au changement de l’équilibre du monde.
La première est celle mentionnée ici sur la capacité à développer un marché européen plus intégré et comparable, en taille, à celui des Etats-Unis. Une telle situation permettrait des économies d’échelle considérables et donc une capacité à disposer de moyens pour investir et innover.
La deuxième brique est la nécessité d’innover pour disposer à nouveau d’une autonomie technologique rassurante pour atténuer la dépendance aux Etats-Unis et à la Chine. Le rapport Draghi évoque cette question et la nécessité d’investir massivement.
L’idée du rapport est aussi d’investir dans le renouvelable pour gagner en autonomie énergétique, point faible de l’Europe.
La troisième brique est la dimension militaire que doit prendre l’Union au cours des prochaines années. Pour gagner en autonomie, l’Europe doit aussi être capable de se défendre.
La quatrième brique est l’Union des Marchés de Capitaux dénommée désormais Saving and Investment Union. La plus grande homogénéité des marchés financiers européens portée par des actifs européens, et non plus nationaux, doit permettre de maintenir en Europe l’épargne excédentaire dont elle dispose.
Les quatre briques sont complémentaires et indispensables à la réussite de l’Europe. Commençons par l’intégration du marché intérieur.