La culture est la clé de compréhension du processus qui a mené à la révolution industrielle. C’est le thème du livre de Joel Mokyr intitulé « La culture de la croissance ». Son message est que la révolution industrielle s’est passée en Europe. Depuis les Lumières, le continent avait été une vaste zone d’échanges d’idées, de percées scientifiques et de propos suffisamment iconoclastes pour aider d’autres philosophes, scientifiques et économistes à penser différemment. L’ouverture intellectuelle était le maître-mot, même si les États européens, entre eux, connaissaient des tensions fortes.
Lorsque les conditions ont été réunies, tous ces éléments ont interagi, créant les conditions pour que la révolution industrielle puisse éclore. Bien sûr, des conditions géographiques et techniques qui ont influencé ce mouvement spectaculaire comme la disponibilité du charbon au Royaume-Uni.
Au moment de la révolution industrielle européenne, l’Empire du Milieu avait un niveau de développement comparable à celui du Royaume-Uni. Il aurait pu connaitre un parcours similaire. Pourtant, la Chine ne connaitra la révolution industrielle que beaucoup plus tard. Pour Mokyr, la différence majeure entre la Chine et l’Europe est la diversité culturelle. La Chine était caractérisée par une moindre tolérance à la diversité et aux ruptures. Le ferment de la révolution industrielle n’a pas pu s’y développer.
Cette dynamique culturelle de l’Europe et la diversité des institutions ont été au cœur de la longue période de croissance dans laquelle nous nous inscrivons encore.
Sur les marchés financiers, la diversité est essentielle. Le prix d’un actif financier est le reflet des anticipations qui s’expriment. Pour nourrir ces anticipations forcément hétérogènes, il faut une information la plus complète possible.
Il faut que les différents acteurs puissent s’appuyer sur des données fiables, sur un socle commun, une histoire commune qui donnent de la cohérence à l’ensemble du système économique et financier.
C’est cette histoire commune, ces influences les plus diverses du passé qui vont permettre de se projeter dans l’avenir et de comprendre le monde de demain. Le processus est analogue à celui de la révolution industrielle. Il faut mettre en commun nos réflexions pour créer les conditions d’une dynamique commune.
Le monde bascule. Les biens communs, le changement climatique et le processus de développement de l’économie mondiale, sont en jeu.
Pour pouvoir nous projeter, nous avons collectivement besoin d’une information riche et fiable dans la durée. Nous devons aussi pouvoir émettre des avis controversés pour penser différemment lorsque cela est nécessaire.
Ce qui se passe à la Smithsonian Institution, au Bureau of Labor Statistics, mais aussi dans une grande banque d’affaires américaine ne nous rassure pas. L’Histoire et les statistiques ne s’approprient pas, sauf à prendre le risque du chaos.