La mondialisation définit-elle encore le mieux la dynamique de l’économie mondiale ? Ce terme forgé dans les années 1990 traduit la multiplication des échanges, un rôle puissant des marchés mais aussi la perception de l’effacement des frontières avec la perception d’un monde qui se rétrécit.
Cette phase de l’économie mondiale observée notamment depuis le début des années 1980, n’est pas une première. Fernand Braudel évoquait les économies-monde qui pouvaient coexister sans pour autant interagir. Suzanne Berger parlait de la première mondialisation prenant fin avec la première guerre mondiale. Sur ce point, Keynes évoquait en termes plaisants la capacité d’un britannique à commander au reste du monde en fonction de ses besoins.
Depuis la pandémie, les perspectives ont changé et le terme de démondialisation est apparu.
Pour fixer les idées, la période de mondialisation des années 1980 jusqu’à la pandémie peut être caractérisée par 5 critères
1 – La place du marché qui s’est affirmée au détriment de la régulation étatique. Cela s’est vu notamment sur la sphère financière mais aussi sur les biens et les services. La régulation via les marchés a été opérée par les banques centrales.
2 – L’apparition sur une échelle significative d’une offre et d’une demande globalisée, traduisant à la fois la capacité des pays occidentaux à satisfaire leur demande et aux pays émergents à accroître leur capacité d’offre. Cela s’est traduit par une densification des échanges, une baisse des coûts et des biens mondiaux fabriqués ici, là et ailleurs.
3 – L’apparition d’une forme de culture commune notamment en raison du softpower américain. La classe moyenne américaine a fait rêver de Romorantin à Jakarta.
4 – Des relations plus intenses, une forme de compression de l’espace-temps puisque les relations, d’un lieu à un autre, sont devenues instantanées et très bon marché. Cela peut notamment refléter des dynamiques entre donneurs d’ordre ici et exécution à des milliers de kilomètres.
5 – L’apparition de biens communs mondiaux comme le climat, la biodiversité mais aussi une forme de coopération, de réseau social global au-delà de l’économie.
Des 5 caractéristiques, 3 sont fragilisées depuis la pandémie. Les Etats reprennent du pouvoir sur les marchés, on le voit avec les politiques industrielles que les gouvernements souhaitent voir façonner l’espace économique. La question des biens communs, notamment le climat, n’est plus aussi partagée même s’il y a des exceptions. Enfin, le softpower américain est moins une source de rêve et d’objectif parce que notamment la réussite chinoise fait envie.
Les échanges sont toujours très intenses entre les diverses régions du monde même si l’on note ici ou là des inflexions notamment de la Chine vers les USA et vers l’Allemagne.
La mondialisation reste un objet vivant qui évolue rapidement, il est encore trop tôt pour parler de démondialisation.