Après les élections britanniques, la confusion, qui en résulte, suggère que la probabilité d’un Brexit modéré a augmenté puisque Theresa May, ne disposant pas d’une majorité, sera obligée de composer. Pourtant ce n’est pas et cela ne peut pas être aussi simple car cela reflète un reniement du référendum sur le Brexit.
Une source de confusion vient de ce que l’image de l’Europe a profondément changé chez les britanniques en un an. L’image positive de l’Europe est majoritaire (54%) chez les britanniques selon une enquête menée par PEW Research Center au printemps 2017. C’est 10 points de plus que l’an dernier au moment du référendum.
L’émergence de l’idée d’un Brexit modéré vient de la perte des élections générales par Theresa May. Elle avait convoqué ces élections en s’appuyant sur l’idée qu’elle allait disposer d’une majorité forte soutenant la rupture brutale avec l’Union Européenne. Car n’oublions pas que le discours de May portait sur une séparation complète avec l’UE. Ce n’était pas forcément l’option la plus efficace sur le plan économique et financier mais c’était l’option compatible avec le choix des britanniques sur l’immigration et sur les relations avec Bruxelles.
L’accès au marché unique est conditionné par le respect des quatre libertés qui fondent l’Union: liberté des mouvements de personnes, des mouvements de biens, de services et de capitaux. Le refus d’accepter la liberté des mouvements de personnes condamne les britanniques à ne plus faire partie de l’UE et du marché unique. Michel Barnier qui négocie pour l’UE ne va pas tergiverser sur ce point.
Un Brexit modéré suppose que les britanniques fassent machine arrière sur la question des flux migratoires mais aussi qu’ils acceptent des décisions de Bruxelles sur le marché unique sans pouvoir les discuter. (L’accès au marché unique dans ce cadre permet de bénéficier de cette ouverture vers les autres pays européens sans pouvoir discuter et participer aux changements qui peuvent être mis en oeuvre sur ce marché unique)
Ces conditions sont en contradiction avec ce qui était défendu par les Brexiters et par Theresa May. Eux souhaitaient mettre le holà sur la question migratoire, ils souhaitaient aussi que les directives en provenance de Bruxelles ne viennent plus contraindre les façons d’être des citoyens et des entreprises britanniques. En d’autres termes, les britanniques souhaitaient regagner toute la souveraineté qu’ils pensaient avoir perdu avec l’appartenance à l’UE. Sont-ils déjà prêts à faire machine arrière? Quel est le véritable équilibre des britanniques sur cette question. On ne sait pas très bien et c’est là où le mode même d’un référendum sur une majorité simple n’était pas une bonne idée sur une question aussi importante.
La confusion vient aussi de l’incapacité que semble avoir Theresa May de former un nouveau gouvernement. Elle a du mal à trouver une majorité et d’anciens membres de son cabinet fuient déjà le navire. Peut-être que le problème est Theresa May et qu’elle ne représente plus ce que les britanniques souhaitent pour leur premier ministre? Sa campagne a été médiocre et son avance, très forte au moment des élections générales, a fondu avec le temps. Peut-elle encore être celle qui représentera le Royaume Uni lors des négociations de rupture?
La confusion vient aussi de ce que ces négociations doivent démarrer le 19 juin et que la délégation britannique semble démunie en raison de l’absence de gouvernement, de ligne claire à défendre et de moyens pour négocier, les négociateurs de grande qualité semblent être en nombre insuffisant.
La confusion résulte également du préalable budgétaire à toute discussion. L’Union Européenne a établi une note relative aux engagements britanniques vis-à-vis de l’Europe. Celle-ci se situe entre 20 et 100 milliards d’euro selon les calculs qui peuvent être faits soit par Bruxelles, soit par Londres. Le règlement de cette question permettra l’ouverture des discussions sur l’ensemble des composantes (hommes, commerce, City) qui permettront au Royaume Uni de sortir de l’UE. Les négociations sur un accord commercial nouveau ne pourra se faire qu’à l’issue de cette phase. C’est pour cela que le processus sera long et pénalisant pour le Royaume Uni.
La négociation entre le Royaume Uni et l’Union Européenne se déroule au plus mauvais moment pour les britanniques. Ils sont confus dans leurs intentions politiques comme le montre le résultat des élections générales, ils n’ont pas forcément envie de suivre Theresa May jusqu’à l’enfer du Brexit dur. Il y a ainsi une absence de doctrine qui devient pénalisante et qui laisse la place à la possibilité d’un Brexit modéré même si cela passe par les reniements sur l’immigration et sur le maintien d’un rôle majeur pour Bruxelles dans les affaires d’outre-Manche.
Elle se déroule aussi au moment où la situation économique est meilleure dans tous les pays de la zone Euro. Dès lors, l’exemple britannique d’une croissance forte n’est plus aussi convaincant et les britanniques ne sont peut-être plus aussi indispensables que dans un passé récent.
Enfin, l’option d’un Brexit modéré pose la question de la représentativité d’un référendum si le résultat de celui ci peut être bafoué un an après même si les britanniques semblent à nouveau porter l’Europe dans leur coeur.
Ceci est la version in extenso de ma contribution hebdomadaire à Forbes. Retrouvez la version originale ici