Les citoyens européens sont désormais optimistes sur l’avenir de l’Europe et se sentent européens. Un sondage du Pew Research Center montre cela dans une étude du mois de juin. Partout en 2017 la perception positive de l’Europe s’est améliorée même au Royaume Uni. Le seul pays en retrait est la Grèce mais l’on comprend pourquoi au regard des contraintes qui sont imposées aux citoyens par le lourd processus d’ajustement bruxellois. On pourrait aussi interpréter le vote présidentiel français comme un référendum gagné largement sur l’Europe.
Le vieux contient retrouve ainsi une plus grande robustesse politique au moment où sa croissance accélère. L’alignement des planètes joue enfin favorablement. Son cadre politique est plus stable et le risque de populisme s’est estompé.
Dans un monde complexe, difficile et volatil, l’Europe est désormais un pôle de stabilité. Et cette Europe apparaît plus volontariste notamment sous l’impulsion de l’Allemagne.
Angela Merkel n’a-t-elle pas indiqué que l’Europe devait se définir par elle-même car les alliés d’hier apparaissent moins fiables et les ennemis d’hier le sont toujours. N’a-t-elle pas évoquée aussi la nécessité de réformer l’Europe quitte à installer un ministre de l’économie et à mutualiser des outils budgétaires?
La situation change car l’Allemagne perçoit la lassitude des européens vis-à-vis de son hégémonie des dix dernières années, il faut que l’Allemagne s’inscrive davantage dans cette dynamique européenne. La situation change aussi parce que la France pourrait enfin avoir une attitude positive vis-à-vis de l’Europe. Les présidents français depuis Mitterrand n’ont jamais eu l’Europe comme objectif. C’est probablement en train de changer avec Macron et sa volonté de modifier les institutions européennes voire de créer enfin une Europe de la défense.
L’Europe veut et doit saisir sa chance.
L’année dernière, à ce dîner, j’avais évoqué la possibilité de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et l’éventualité d’un Brexit. J’avais indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une bonne nouvelle pour l’économie mondiale. On constate aujourd’hui que les Etats-Unis et la Grande Bretagne sont des sources d’inquiétude alors que le sentiment global est plus optimiste.
Aux Etats-Unis, le cycle économique devient moribond et la politique économique qui se profile profitera davantage aux 1% les plus riches qu’aux 50% des américains au-dessous du revenu médian. Ce sera la conséquence majeure due la politique de baisse d’impôts mise en place sur les économies permises par l’abrogation probable de l’Obamacare. Cette politique favorisera 800 000 américains même si c’est au détriment des 20 000 000 qui perdront leur couverture sociale. Cela en aucun cas ne dynamisera le cycle économique, cela ne fera que pousser le taux d’épargne à la hausse.
Mais je crois que ce qui se passe aux USA est ailleurs. La décision de la Californie de mettre en place un système de sécurité sociale indépendamment des mesures fédérales, le choix de la Californie et d’autres Etats de mettre en musique l’accord de Paris contre la volonté de Washington ou encore le souhait de la Maison Blanche de réduire l’impact de l’article 10 de la Constitution qui permet à chaque Etat de mener une politique qui ne serait pas assumée par le gouvernement fédéral sont autant d’exemples sur une défiance qui apparaît entre les Etats et l’Etat fédéral. Cette partie-là de l’Amérique est fascinante. Cette dissociation entre l’Etat fédéral et les Etats locaux peut limiter la cohérence du modèle américain.
Par ailleurs, les mouvements de population d’un Etat à l’autre en fonction généralement de la conjoncture était une source de dynamique et d’ajustement global majeur à l’échelle macroéconomique. C’était d’ailleurs l’argument de nombreux économistes américains contre la zone Euro qui ne bénéficiaient pas de ces mouvements de population pour faciliter et accélérer ses ajustements. Cette dynamique est désormais au plus bas aux USA. On a donc une image préoccupante de ce qui se passe outre-Atlantique, l’émergence d’une plus grande hétérogénéité
Sur le Brexit, deux remarques.
La première porte sur le comportement de l’économie britannique. Quel avantage comparatif s’est donné le Royaume Uni en votant le Brexit? Pour l’instant il est inexistant alors que les supporters du Brexit donnaient le sentiment que le référendum était le passage des ténèbres à la lumière.
L’autre remarque est le flou sur la stratégie de sortie de l’UE de la part des britanniques. Ils ne savent plus très bien ce qu’ils souhaitent et donnent le sentiment qu’ils attendent une proposition conciliante de l’Union Européenne pour sortir de cette situation impossible.
L’avantage de ces deux épisodes anglo-saxons a été le caractère repoussoir qu’ils ont eu sur le reste de l’Europe. La crainte qu’il y avait, en début d’année, de voir les mouvements populistes devenir forts s’est estompée. Les populistes ont été battus en Autriche, aux Pays-Bas, en France et la situation en Allemagne n’est pas favorable à l’AFD qui est désormais installé bien en dessous de 10% dans les sondages pour les élections du 24 septembre prochain. En fait, ceux qui voyaient un déterminisme fort applicable à l’Europe dans la victoire de Trump et dans le Brexit et qui s’en réjouissaient ont été battus de façon spectaculaire. Et même en France, la victoire d’Emmanuel Macron peut être interprétée en partie comme un référendum sur l’Europe.
Finalement la stabilité politique observée aujourd’hui en Europe est en partie liée à ce qui est observé outre-Atlantique et outre-Manche.
Il y a par ailleurs un renouveau de la croissance en Europe et sur ce point personne ne souhaite intervenir afin de ne pas prendre le risque d’interrompre le processus. C’est pourquoi la BCE ne va pas se hâter de modifier sa stratégie monétaire car la banque centrale a à l’esprit le caractère asymétrique de la politique monétaire. Il est préférable d’attendre plutôt que de prendre un risque sur l’activité quand il n’y a pas d’inflation. Cela a été la stratégie de la Fed ce sera aussi celle de la BCE. Dans le même temps, la Commission Européenne ne crée pas de pressions particulières pour contraindre les Etats à réduire leur déficit.
Cette situation de croissance va se prolonger et c’est un point important. Cependant, le changement majeur est politique. Et c’est celui-là qu’il faut confirmer avec des réformes dans la construction institutionnelle de l’Europe. Car comme l’évoquait Draghi le 26 juillet 2012, l’Europe est avant tout une construction politique et cela dépend de nous tous. Chacun de nous, citoyen de l’Europe, est responsable de cette dynamique politique. C’est cela qui permettra de bien vivre en Europe tous ensemble.
Je vous remercie
*Speech lors d’un diner avec la presse le 22 juin 2017