La relance budgétaire considérable observée aux USA, via la hausse des dépenses (1% du PIB en 2018 et 2019) et la baisse de la fiscalité, doit être perçue comme un choc à l’échelle internationale. L’homogénéité des politiques économiques constatée dans les pays développés et à la source de la reprise de la croissance observée depuis 2017 est désormais un vieux souvenir.
La politique budgétaire menée aux USA va nécessairement provoquer un ajustement entre les blocs économiques et notamment entre les Etats-Unis et la zone Euro. Cela passera forcément par le taux de change. Jusqu’à présent, la monnaie américaine a tendance à se déprécier que l’on regarde le taux de change effectif (nominal ou réel) ou que l’on regarde la parité entre le billet vert et l’euro.
La question qui est posée est celle de l’orientation de la monnaie américaine au cours des prochains mois. Le billet vert va-t-il s’apprécier ou doit-il inexorablement se déprécier en raison des déséquilibres provoqués par la politique de la Maison Blanche et du Congrès.
Depuis 2007, il y a une cohérence d’évolution entre les anticipations des politiques monétaires américaine et de la zone Euro et la parité euro contre dollar. L’attente d’une politique monétaire plus restrictive aux USA s’est traduite tout au long de ces années par une appréciation du billet vert. C’est ce que montre le graphe. On voit cependant que depuis l’automne 2017 il y a une forte divergence entre les deux indicateurs. Le taux de change est à 1.24 alors que les anticipations des politiques monétaires le fixeraient davantage vers la parité.
C’est ce point qu’il convient de comprendre alors que les politiques économiques changent aux USA.
On pourrait ici se référer à la période du début des années 80 lorsque le billet vert s’était fortement apprécié sous l’effet de taux d’intérêt réels bien plus élevés aux Etats-Unis que dans le reste des pays développés. Cela avait traduit alors l’impact de la politique très restrictive de Paul Volcker à la tête de la Fed au tout début des années 80 puis par la suite aux effets de la politique budgétaire très expansionniste de Ronald Reagan dont la conséquence avait été de dégradée durablement le solde budgétaire et celui de la balance courante.
La rationalité était la suivante : la politique restrictive de la Fed avait poussé les taux d’intérêt nominaux à la hausse alors que l’inflation ralentissait. Cela avait donné un avantage de court terme important pour l’appréciation de la monnaie américaine. Ensuite, la hausse rapide et durable du déficit public s’était traduite par une vive progression des taux d’intérêt de long terme aux USA. En d’autres termes, l’écart entre les courbes de taux américaine et allemande s’était accru de façon significative à cette époque. On peut voir cela sur le graphe présentant l’écart de taux d’intérêt réel de long terme entre ces deux pays depuis 1961. Au début des années 80 l’écart évolue entre 200 et 400 points de base. Il n’est aujourd’hui que de presque 200 points mais la mesure de la dérive budgétaire est encore très mal prise en compte par les investisseurs.
Si l’on considère comme je l’écrivais la semaine dernière que la politique monétaire US devra s’ajuster plus rapidement qu’anticipé et en raison de la politique budgétaire particulière des USA on devrait avoir un écart de taux d’intérêt réels plus important ce qui sera un support fort pour le billet vert.
Néanmoins, on peut s’interroger sur la situation patrimoniale des Etats-Unis à travers la position extérieure nette. Le troisième graphe montre que celle-ci est négative et représente environ 40% du PIB américain. C’est un niveau qui n’avait jamais été atteint et qui montre la dépendance des USA aux financements extérieurs. On peut l’interpréter de deux façons : soit c’est une source de fragilité de l’économie américaine qui fera fuir tous les investisseurs, soit la nécessité de financer l’économie américaine est telle que chacun trouvera des opportunités à le faire. Dans le premier cas c’est très négatif pour le dollar, dans le second la conséquence est plutôt haussière pour le billet vert. En tout cas la relation entre la position extérieure nette et la valeur du billet vert n’apparaît pas forcément robuste. Cela doit être perçu comme un facteur secondaire plutôt que comme un élément majeur dans la détermination de la parité. C’est cependant ce facteur qui à court terme est le vecteur d’un dollar qui se replie.
Dès lors, il est probable qu’à moyen terme, en raison de la politique monétaire de la Fed et du déficit public persistant, il y ait une situation qui se traduise par une courbe des taux réels systématiquement plus élevée aux USA qu’en zone Euro et que cela se reflète par une appréciation durable de la monnaie américaine.
Le taux de chômage en France a reculé de façon rapide au cours du dernier trimestre de 2017. Pour l’ensemble de la France il est passé sous le seuil de 9% à 8.9% et pour la France métropolitaine il s’est inscrit à 8.6% soit en dessous de sa moyenne des 30 dernières années (8.9%).
Quelques remarques sur ces chiffres du marché du travail.
La première est que la baisse du chômage mesurée par l’INSEE est un peu supérieure à la hausse de l’emploi. L’emploi salarié privé a augmenté de 253 000 en 2017 selon la dernière estimation alors que le nombre de chômeurs a reculé de -298 000. Cette dynamique va se poursuivre en 2018 même si la dynamique de recul du chômage risque d’être perturbé par la réduction forte des emplois aidés en début d’année. On peut s’attendre à un taux de chômage plus bas au cours de l’année 2018, tendant vers 8% pour la France métropolitaine.
La deuxième remarque est que le marché du travail change en profondeur. Le taux d’emploi augmente mais principalement en raison de la hausse de ce taux pour les plus de 50 ans. Le taux d’emploi des 25-49 ans est actuellement plus réduit que celui observé avant la crise. Le cœur du marché du travail n’a pas encore récupéré du choc de la crise. Une part de l’explication de la baisse du taux de chômage est le recul du taux d’activité des 25-49 ans à la fin de l’année 2017. C’est peut être un élément aléatoire qui se corrigera par la suite.
La troisième remarque, dans le prolongement de la précédente, est que les mesures du chômage apparaissent moins cohérentes que par le passé. Le graphe montre l’évolution de différentes mesures du chômage soit via le ministère du travail (DARES), soit via l’INSEE. On constate que la cohérence qui semblait exister entre le nombre de chômeurs mesuré par l’INSEE et les chômeurs mesurés par la DARES n’ont plus tout à fait la même allure. Le mouvement baissier sur les personnes en catégorie A est aujourd’hui plus long à se dessiner par rapport à la mesure de l’INSEE. Mais surtout la différence est sur les catégories B et C. Alors que ces catégories apparaissaient comme un ajustement, c’est désormais une catégorie majeure. Ce sont des personnes qui sont inscrites à Pôle Emploi mais qui travaillent moins de 78 heures (cat.B) ou plus de 78 heures (cat.C). Cette partie du marché du travail est une sorte de variable d’ajustement que l’on retrouve dans la plupart des pays développés. Il y a désormais toujours un emploi précaire important qui facilite l’ajustement sur le marché du travail.
Ces éléments montrent le changement profond du marché du travail alors qu’en même temps le mode de l’activité change aussi en profondeur. La forme de la production évolue très vite et les relations entre celle-ci et le marché du travail doivent s’adapter. C’est l’enjeu majeur des prochaines années notamment en raison de l’apparition d’une économie faisant davantage de place à la digitalisation et aux robots.
Soyons attentifs aussi à l’évolution politique en Europe.
Les élections italiennes, le 4 mars, vont probablement se traduire par une victoire de la droite et de l’extrême droite avec dans cette dernière composante un certain nombre d’élus qui seront contre la monnaie unique. Il n’est pas certain qu’une majorité se dégage et une coalition est probable mais il faudra être très attentifs.
L’autre point politique est l’attente des résultats de la consultation au sein du SPD relative à l’acceptation de la coalition avec le CDU. Le résultat devrait être publié le 4 mars. Il est probable que la coalition existera car une solution autre, de nouvelles élections, serait dramatique pour le SPD puisque dans un sondage paru hier, l’AFD devance désormais le SPD. La situation devient critique en Allemagne.
Le 5 mars après les élections italiennes et le résultat de la consultation des membres du SPD en Allemagne, il pourrait y avoir du tangage en Europe.