Lors d’une conférence cette semaine, j’étais interrogé sur l’absence de réaction des marchés financiers aux nouvelles politiques et à l’incertitude qui s’y attache. En d’autres termes mon interlocuteur suggère que l’incertitude politique ne se traduirait pas par des changements particuliers dans l’allure des marchés financiers. On pense forcément ici aux annonces faites par Trump sur le commerce mondial, la Russie ou l’Iran ou encore à la situation italienne qui laisse perplexe les analystes politiques.
Je pense qu’il y a ici beaucoup de confusions. On observe des mouvements francs lorsque la nouvelle, un événement certain, engendre des arbitrages sur les marchés. C’est un changement d’attitude d’une banque centrale ou l’annonce par la banque centrale d’un changement fort de ses prévisions, ce qui modifiera son comportement. L’incertitude est finalement assez réduite et les investisseurs peuvent ajuster leurs portefeuilles rapidement avec parfois d’importants mouvements sur le prix des actifs. En d’autres termes, d’un seul coup une large majorité des intervenants sur le marché se retrouve du même côté provoquant effectivement l’ajustement avant que le positionnement des investisseurs ne se rééquilibre.
Généralement, une situation politique ne provoque pas un ajustement immédiat. D’abord parce que les avis des investisseurs sont partagés et de fait il est difficile d’imaginer une rupture. Il faut du temps et des éléments nouveaux pour provoquer un impact sur les marchés. Les investisseurs ont besoin d’informations pour nourrir leurs connaissances et modifier éventuellement leur perception de la situation. L’illustration récente sur l’Italie est intéressante via l’écart de taux d’intérêt à 10 ans entre l’Italie et l’Allemagne. Les investisseurs intègrent progressivement le risque et ajustent au fur et à mesure leurs protefeuilles.
Sur le graphe, face à l’absence de possibilité de coalition réelle entre le mouvement 5 étoiles et la Ligue les investisseurs imaginent un gouvernement technique ce qui est perçu comme rassurant. Cela correspond à la période de réduction du spread. Le rendez vous, annoncé le 26 avril, du 5 étoiles avec le parti démocrate puis son annulation provoque un ultime rapprochement avec la Ligue. La probabilité d’un gouvernement de coalition 5 étoiles/Ligue se précise et le 14 sort dans la presse italienne le brouillon d’un projet de coalition. Celui ci est assez radicale puisqu’il suggère une dynamique budgétaire insoutenable. Cela provoque une hausse du spread très marquée.
La situation change et les investisseurs modifient leurs anticipations ce qui se traduit par des arbitrages et des variations parfois importantes sur l’indicateur de marché. Il faut que l’ensemble d’information change, c’est cela l’élément clé. Pour autant, notamment sur les taux dans les pays développés, le mouvement d’ajustement, en Italie dans l’exemple ici,s’il fait frissonner les investisseurs laissera de marbre les observateurs extérieurs. La rupture manque d’ampleur pour faire la Une du 20 heure d’où le sentiment que les investisseurs ne réagissent pas. Il y a un autre aspect aussi à avoir à l’esprit qui est que ces investisseurs ne connaissent pas l’état final de la question politique. Il n’y a pas un moment où tous ne retrouvent pas du même côté du marché limitant de ce fait l’ampleur de l’ajustement.