Les investisseurs ont peu goûté la publication du programme budgétaire italien qui prévoit un déficit du budget de 2.4% du PIB en 2019, 2020 et 2021. Les incertitudes reviennent sur l’Italie. Le taux à 10 ans a progressé fortement comme le montre le graphe arrêté ce matin à 1015.
Quelles sont les inquiétudes des investisseurs ?
1 – Il faut revenir sur un point. Le gouvernement de coalition issu des élections du 4 mars dernier est un gouvernement de rupture. Imaginer qu’il puisse se glisser dans la peau du gouvernement précédent était illusoire.
La nomination de Giovanni Tria au ministère de l’économie permettait de limiter le risque, pour le gouvernement italien, d’être perçu comme sans contrôle.
Le gouvernement précédent avait réduit le déficit à 1.7% en 2018 selon les prévisions de la commission européenne. Il paraissait peu probable compte tenu de cette rupture politique de caler l’impasse budgétaire à 1.6% comme le souhaitait Tria. Il faut être réaliste.
2 – On ne dispose pas encore du cadrage macroéconomique de ce budget. La stabilité du déficit public à 2.4% sera très dépendante du profil de la croissance et de l’inflation. Ce point est une source majeure d’incertitude.
Si le profil de la croissance est trop optimiste, la crédibilité du chemin budgétaire sera très rapidement réduite. Ces données macroéconomiques seront disponibles à la mi-octobre lors de la présentation du budget à la commission européenne.
3 – Les mesures déjà énoncées sur le budget ne provoqueront pas d’impulsion de croissance et de rupture à la hausse de la dynamique productive italienne.
Depuis 2000 le taux de croissance de la productivité est quasi nulle. Cela veut dire que l’économie italienne n’a pas la capacité de dégager un surplus à partir de son activité productive. Ce point est le plus préoccupant de tous sur l’Italie (voir ici) car il traduit l’incapacité spontanée de l’Italie à converger vers une croissance robuste et forte à moyen terme.
Parmi les mesures on retiendra
Le revenu citoyen de 10 mds permettra de soutenir la consommation notamment dans le sud de l’Italie.
La réforme des retraites de 2011 ne sera réformée que partiellement pour un coût de 2.5mds. Ce n’est pas une mesure d’offre mais plutôt un coût supplémentaire pour l’économie.
La mise en place d’une flat tax est esquissée mais pas détaillée. Ce n’est pas non plus une mesure d’offre.
En d’autres termes, le système productif ne sera pas revitalisé par les mesures adoptées dans le budget. Or comme cette dynamique productive est le point faible de l’Italie, le détail du cadrage macroéconomique sera important.
4 – Si ce cadrage traduit un scénario trop optimiste et donc peu crédible alors il y aura un regain d’incertitude et d’inquiétude sur l’Italie.
En effet, un scénario considéré comme trop optimiste obligerait à s’interroger sur le chiffre du déficit de 2.4%. Il serait forcément plus important et pourait converger vers 3%. Le profil de la dette publique pourrait être infléchi à la hausse avec les incertitudes que cela provoquerait du côté des agences de notation.
5 – A ce moment là, ce serait franchement préoccupant en signalant une dynamique des finances publiques qui ne serait plus tenue en main par le gouvernement italien. Dans une économie peu robuste et qui n’a pas subi de choc récessif, engendrer un déficit public élevé et qui n’est plus contrôlé est la situation la plus difficile à tenir.
6 – La commission européenne pourrait se saisir du dossier italien mais les risques malgré tout sont limités.
Il y a deux aspects.
Le non respect de la convergence vers l’équilibre qui est le sous jacent de la politique budgétaire européenne ne serait effectivement pas respectée. Si le déficit est maintenu au voisinage de 2.4% la commission pourra tancer l’Italie mais sans réelle mesure de sanction. Ce sera même un cas intéressant car le comportement implicite des règles budgétaires en Europe est la coopération notamment dans la zone euro. Dans le cas italien, le gouvernement n’adopte clairement pas un tel comportement. La commission devra innover et la construction européenne sera mise à l’épreuve d’un pays de grande taille qui ne veut pas jouer le jeu dans la durée.
La commission peut inscrire l’Italie dans une procédure de déficit excessif. Mais là aussi la sanction sera inexistante. La France a été dans cette procédure de 2009 à 2018 sans aucune sanction. Alors pourquoi l’Italie ?
7 – La vraie difficulté est qu’en cas de dérive budgétaire et convergence vers 3% les investisseurs ne fassent plus confiance à l’Italie. Son financement serait alors mis à mal. La dégradation par les agences de notation ne ferait que valider cette préoccupation des investisseurs.
L’Italie est financée à hauteur de 35% par des investisseurs étrangers c’est significatif mais elle dispose d’un surplus de compte courant de 1.8 % du PIB. Cela traduit une épargne en excès de l’investissement et c’est donc un matelas qui peut amortir la défiance faite à l’Italie.
Le garde fou est qu’en cas de difficultés de financement l’Italie serait obligée de s’adresser à la BCE et au Mécanisme Européen de Stabilité. Un financement serait possible mais avec une contrainte forte sur l’allure des finances publiques. Les programmes politiques mis en œuvre actuellement n’auraient certainement pas l’aval de la BCE et du MES. Comme l’Italie n’a pas les moyens de sortir de la zone euro (l’exemple britannique tombe à point), le gouvernement italien serait obligé de se plier.
On a envie d’imaginer une voie médiane qui évite les dérives et qui ne mettrait la zone euro à feu et à sang via une restructuration de la dette italienne.
Le principal risque est une économie italienne qui ne joue pas le jeu européen obligeant une distorsion des institutions pour maintenir le cadre de la zone euro. Tout le monde serait perdant.
La méfiance vis à vis de l’Italie est construite sur une information insuffisante quant au cadrage macroéconomique qui sera présenté à la mi-octobre. Des lors la volatilité va être forte sur les actifs italiens, notamment les actifs bancaires, au gré des nouvelles.