La Commission Européenne vient de retoquer le budget présenté par l’Italie pour 2019. Le déficit, s’il n’apparaît pas excessif (2.4%), est perçu comme fragile car les prévisions de croissance sont trop optimistes. En outre, avec un gouvernement de rupture, on doit s’attendre à un certain laxisme sur les dépenses. Le gouvernement n’a pas été élu pour faire la même chose que ses prédécesseurs. En d’autres termes, le risque est un dérapage du budget avec la possibilité d’aller au delà du fameux seuil de 3% du PIB qui serait incompatible avec une stabilisation de la dette publique. Le niveau de la dette publique italienne est voisin de 132% du PIB et est clairement au-delà de la norme de 60%. Ce n’est pas soutenable. Mais une trajectoire soutenable passe-t-elle par une réduction drastique du déficit public? Pas sûr.
Il y a plusieurs plusieurs points soulevés par l’articulation entre le budget, l’Italie et la Commission Européenne.
Le premier point, qu’il faut toujours rappeler lorsque l’on parle de l’Italie, est sa croissance médiocre. Le PIB par personne, en volume, est inférieur de 7 points à celui de 2007. Sa croissance depuis 1999 est proche de 0% en moyenne annuelle. Ce n’est pas le cas des autres grands pays européens. Le drame de l’Italie est sur ce point et sur son incapacité à retrouver une allure de croissance. Le drame italien est là.
La deuxième remarque est que les mesures proposées par le nouveau gouvernement et qui accroissent le déficit budgétaire italien ne permettent pas d’anticiper une accélération de la croissance potentielle. Le gouvernement de rupture ne propose pas de mesures susceptibles de dynamiser la productivité et de provoquer la convergence de l’Italie vers une allure plus forte à moyen terme.
La baisse de l’âge de la retraite dans un pays qui vieillit rapidement milite pour une réduction de la croissance potentielle.
Le revenu citoyen donne du pouvoir d’achat à de nombreux italiens mais cela sera-t-il suffisant pour inciter les entreprises à investir massivement afin de modifier l’allure de la croissance et de la productivité? On peut s’interroger. Le Sud peut-il être un moteur de la croissance du Nord
Enfin la baisse d’impôts n’est généralement pas une mesure miracle pour relancer la productivité. C’est un élément qui permet d’améliorer les perspectives microéconomiques sans forcément de bénéfice macroéconomique. En d’autres termes, le budget annoncé aurait tendance à peser sur la croissance plutôt qu’à la doper.
La troisième remarque porte sur le budget italien en tant que tel. Il était souhaité que les Italiens soient plus rigoureux pour lutter contre la dérive de la dette publique qui est à 132% du PIB.
Si l’on regarde le budget italien depuis 1995, (début de la série sur AMECO), les italiens font les efforts nécessaires. Le solde budgétaire corrigé du cycle et hors paiement des intérêts sur la dette publique est systématiquement excédentaire. Faut il aller encore plus loin? Faut il dégager un surplus encore plus élevé pour limiter la dette? C’est ce que souhaite la Commission qui veut plus de taxes et moins de dépenses alors que cela reste un problème de croissance insuffisante.
Depuis 1995, l’Italie a été plus vertueuse que l’Allemagne. Doit-elle l’être encore davantage? La forte hausse de l’excédent après 2011 n’a pas eu de vertus positives sur la croissance et n’a pas infléchi la trajectoire de la dette publique.
En d’autres termes, la rigueur budgétaire n’est pas compatible avec la réduction de la dette publique si l’activité économique s’effondre.
L’enjeu est là pour l’Italie. La Commission se trompe en voulant se focaliser sur le niveau du déficit. La leçon de 2011/2012 n’a pas porté ses fruits.
Par le passé, la rigueur budgétaire n’a pas permis une réduction de la dette publique parce que la croissance avait été affectée négativement par les mesures prises par le gouvernement pour réduire le déséquilibre des finances publiques.
En voulant réduire, à tout prix, le déficit public italien, la Commission prend actuellement le risque d’une situation similaire à celle connue au début de la présente décennie; celle d’une inflexion de la croissance sans que la dette publique ne se résorbe.
La vraie difficulté est que les mesures proposées par le gouvernement de coalition ne sont pas crédibles pour restaurer une allure de croissance dans la durée.
On doit donc s’attendre à une discussion un peu stérile au cours des prochaines semaines entre la Commission qui joue la rigueur à tout prix et le gouvernement italien qui voudra imposer des mesures qui ne permettront pas l’amélioration de la croissance italienne. Les menaces de sanctions de la part de la Commission ne feront qu’accentuer ce dialogue de sourds. Cet épisode particulier montre les limites de la régulation par Bruxelles puisqu’il n’est pas possible, dans les textes, de s’asseoir autour d’une table pour parler des vrais problèmes italiens afin de trouver des solutions coopératives pour que l’Italie retrouve son lustre.