Le gouvernement français table sur une contraction de l’activité de -11% en 2020. Cela suppose une convergence rapide de l’économie vers 100 % de ses capacités d’avant crise. Dans ce cas, la crise serait effacée rapidement avec une allure en V. En revanche, si le choc sanitaire a un impact négatif plus persistant sur l’activité et l’emploi, le retour à une situation “normale” sera beaucoup plus longue à se dessiner.
L’arbitrage entre les deux sera fonction de l’efficacité de la politique économique, notamment dans sa capacité à réduire l’incertitude du consommateur et des entreprises.
Alors que le monde devient moins coopératif, l’Europe se serre les coudes pour trouver une solution commune à cette crise et entrer dans une logique plus collective. C’est plutôt un bon signal qui allonge l’horizon de chacun et permet d’espérer.
Le gouvernement français a révisé à la baisse ses prévisions relatives à l’activité économique de 2020. Il table désormais sur une contraction de -11% en moyenne sur l’année contre -8% précédemment. Ce chiffre serait ainsi le plus fort jamais enregistré par l’économie française en dehors des périodes de guerre (grisé sur le graphe).
Le profil de l’année 2020 est connu, a priori, pour les deux premiers trimestres. Sur les trois premiers mois, le PIB s’est contracté de -5.3% par rapport au dernier trimestre de 2019. Sur les trois mois du printemps, le recul pourrait être voisin de 20%. Le mois de confinement en avril a provoqué une baisse historique de l’activité comme le signalent toutes les enquêtes faites auprès des chefs d’entreprise. Le rebond des mois de mai et juin ne compenseront pas cette rupture.
La question majeure est celle du profil des deux derniers trimestres de l’année 2020.
Jusqu’à la fin du mois de mai je me suis calé sur les informations fournies par l’Insee quant à l’évolution des capacités utilisées dans l’économie française. L’institut a calculé que durant la période de confinement, l’arrêt et les contraintes sur de nombreux secteur d’activité se traduisaient par une économie ne fonctionnant qu’à 65% de ses capacités. L’objectif premier est de revenir à 100 % des capacités. C’est le chemin vers ce niveau d’avant crise qui va être clé. Il conditionnera l’évolution effective de l’activité sur l’ensemble de l’année 2020 mais aussi le profil des années à venir.
Plusieurs situations peuvent se dégager
1 – Le choc ne montre pas de persistance. L’économie converge très vite vers 100 % de ses capacités dès le mois de juillet. Dans ce cas, la contraction de l’activité sur l’année serait de -8%. L’acquis pour 2021 à la fin de 2020 serait alors de 8.6%. C’est une situation très favorable. Ce chiffre de -8% était l’ancienne prévision du gouvernement. Elle paraissait plutôt optimiste lorsqu’elle avait été publiée.
2 – Le deuxième profil possible est de voir l’économie converger vers 100 % de ses capacités à la fin de l’année 2020. Le repli de l’activité sur l’ensemble de l’année serait de -12.4% et l’acquis, fin 2020, pour 2021 serait de 9.5%. L’acquis est plus élevé que dans le cas précédent car le chiffre moyen pour 2020 est plus faible dans le cas d’une convergence longue.
Ce dernier cas, est celui qui ressemble aux scénarios du FMI ou de la Commission Européenne. Une fois la crise sanitaire achevée, l’économie, soutenue par les gouvernements et la BCE retrouve toutes ses capacités à croître.
3 – Le profil retenu par le gouvernement pour arriver au chiffre de -11% repose sur une convergence vers 100 à la mi novembre. L’activité reculerait de -11% sur l’année 2020 et l’acquis pour 2021 serait de 11.1%. L’activité retrouve dans ce cadre une allure cohérente avec la période d’avant crise dès le dernier trimestre 2020. Le choc ne présente que peu de persistance. L’économie est très réactive après la fin du confinement et se remet en ordre de marche sans anicroche.
4 – Le quatrième profil est celui où le choc du premier semestre a des effets persistants sur l’activité et l’emploi. L’activité est pénalisée par de nombreuses entreprises en difficulté et en défaillance dans la période de déconfinement. L’emploi se dégrade très rapidement et le taux de chômage remonte rapidement au delà de 10% comme le suggère Muriel Penicaud le 2 juin dans un interview au Figaro. La demande des ménages et des entreprises n’a pas la robustesse espérée. A la crainte sanitaire s’ajoute l’incertitude sur l’emploi provoquant des comportements prudents.
La convergence sur 100 ne se fait pas à la fin de l’année 2020. J’ai fait l’hypothèse qu’à la fin de l’année la capacité utilisée est de 90%. Les politiques économiques n’ont pas été aussi efficaces qu’espéré. Le repli de l’activité serait proche de -15% et l”acquis de croissance pour 2021 à la fin 2020 serait de +3.9%.
5 – La dernière hypothèse est celle où l’activité n’accélère pas par rapport à la fin mai. La capacité est de l’ordre de 80% de ce que peut faire l’économie française. L’économie est pénalisée par le choc sans véritable capacité à rebondir en sortie de déconfinement. Dans ce cas, l’activité se contracterait de près de -18% et l’acquis serait de -2.1%.
Le graphe résume ces diverses hypothèses. La courbe en pointillé rouge est celle d’une convergence dès la mi-juillet, la courbe grise est celle d’une convergence à la mi-novembre, elle est cohérente avec la prévision du gouvernement. Puis trois courbes avec soit une convergence complète en décembre (violet), à 90 simplement (vert) ou encore à 80(orange).
Le profil le plus probable se situera entre la prévision du gouvernement et la convergence à 90 au mois de décembre. Je fais l’hypothèse qu’au delà de l’effet d’acquis pour 2021, la croissance se cale sur la tendance observée avant la crise sanitaire soit 1.4% par an et elle reste à 1.4% par an par la suite.
Le graphique ci dessous propose trois trajectoires qui traduisent l’allure du PIB français au cours des prochaines années.
En prenant en compte la prévision du gouvernement pour 2020, le PIB français convergerait vers celui de 2019, celui d’avant crise, dès 2021. Le profil en V est celui retenu par le gouvernement.
Dans le cas d’une convergence à 100 à la fin du mois de décembre, le retour sur le PIB de 2019 s’effectue en 2024..
Si la convergence est plus lente, alors le PIB d’avant crise n’est retrouvé qu’en 2030. Les effets persistants du choc sanitaire sur l’emploi et les défaillances d’entreprises pénalisent l’activité dans la durée. On ne peut alors pas parler d’allure en V.
Le rôle de la politique économique pour contrer les effets de persistance du choc sanitaire sera majeur au cours des prochains mois. Elle doit à la fois être une source d’impulsion, via l’investissement public et les incitations à consommer, mais aussi de réduction de l’incertitude. Il faut sur ce point évoquer la trajectoire que pourrait prendre l’économie française au cours des prochains mois. L’histoire crédible doit permettre à chacun d’étendre son horizon économique afin de prendre davantage de risques.
La consommation et l’investissement doivent repartir à la hausse pour revenir le plus rapidement possible sur le seuil de 100 et permettre ainsi d’éliminer le plus rapidement possible les effets du choc sanitaire.
Le monde est devenu moins coopératif mais l’Europe; prenant le chemin inverse, a la volonté de mutualiser sa dynamique afin de faire face aux conséquences du choc de la pandémie. Il faut que cette rupture européenne aille vite afin que l’on puisse jeter les jalons d’une trajectoire favorable à l’Union Européenne et qui serait susceptible de réduire l’incertitude.
La politique économique et la dynamique européenne doivent permettre de s’éloigner le plus possible de la courbe en pontillés verts sur le graphe. De ce point de vue, l’action sur l’emploi et la formation seront essentiels pour qu’au delà de la crise sanitaire, les incertitudes macroéconomiques habituels prennent le dessus.
Annexe
Dans la discussion, je n’ai pas intégré de rebond excessif susceptible de replacer l’économie française sur sa trajectoire antérieure. On constatait ce phénomène lorsque la croissance de la productivité était forte. L’économie était suffisamment agile et robuste pour se recaler très vite sur la tendance antérieure.
Dans le cas français, on constate que lors des deux dernières récessions, la croissance l’année d’après la récession n’est pas différente de ce qu’elle était avant la récession. C’est pour cela que je me cale sur 1.4% qui est la croissance moyenne depuis 2010. Le tableau donne les allures de l’économie française autour de ces deux récessions.
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