L’emploi ne va pas reprendre aussi rapidement que l’activité économique. Cela s’observait déjà dans le plan pluriannuel du gouvernement (voir ici). Cela se confirme dans les projections de l’Unedic. L’activité efface rapidement le choc de 2020 alors que pour l’emploi, en dépit des mesures prises, reste réduit et ne compense que lentement le choc pandémique. L’équilibre de la projection est assurée par le retour de la productivité sur sa tendance d’avant crise. Ce choix n’est pas justifié pour autant. L’emploi restera durablement sous le niveau qu’il aurait eu sans la crise sanitaire et le taux de chômage baissera lentement.
L’Unedic a publié le 17 juin, ses nouvelles prévisions financières et le scénario macroéconomique qui y est associé.
C’est ce dernier aspect qui m’intéresse.
Dans le scénario retenu par l’Unedic, le PIB rebondit fortement en 2021 et converge vers sa tendance d’avant crise sans pour autant l’atteindre. Le niveau de PIB de 2019 est atteint dès 2022.
L’allure n’est pas la même pour l’emploi puisque le niveau de celui ci ne converge jamais vers sa tendance d’avant crise. Le niveau de l’emploi est à son niveau d’avant crise en 2023.
Une première représentation permet de visualiser le profil des deux indicateurs de 2019 à 2023. Les données sont en base 100 en 2019.
Ce scénario fait ainsi l’hypothèse d’un ajustement beaucoup plus rapide de l’activité alors que l’emploi est une variable retardée.
C’est un schéma habituel mais qui là, dans ces prévisions, apparaît ad hoc.
Je calcule un indicateur de productivité, PIB sur l’emploi salarié privé, puis une tendance sur l’ensemble de la période pré-crise (2011-2019, les données sur l’emploi ne démarrent qu’en 2011).
Je prolonge cette tendance jusqu’en 2023 qui est l’horizon de la prévision de l’Unedic.
La productivité calculée à partir des données prévisionnelles de l’Unedic converge vers la tendance pré-crise en 2023.
Cette convergence qui apparait ad hoc car elle n’est pas justifiée..
C’est ainsi un moyen d’indiquer le retour à un équilibre de long terme. Seulement, ce n’est pas explicité de la sorte dans la note de l’Unedic. Le PIB est traitée d’un côté et l’emploi de l’autre.
Le raisonnement est le suivant:
Après avoir été contraint, l’activité va rebondir et son taux de croissance dépassera celui observé en tendance lors du cycle précédent. Combiné à l’objectif de rééquilibrage de la productivité, le solde donne le profil de l’emploi sur les années 2021, 2022 et 2023.
L’emploi apparait alors comme un solde. Les chiffres pourraient apparaitre élevés mais sont finalement dépendant de l’hypothèse, non explicité, du retour de la productivité sur sa tendance d’avant crise sanitaire. C’est un choix qui est volontariste. Dans le même exercice de l’Unedic de février 2021, une hypothèse de ce type n’était pas perceptible. C’est en cela que c’est un choix du prévisionniste et il aurait été intéressant d’en expliquer la rationalité.
Dans cet exercice, l’emploi reste durablement au-dessous de sa tendance sans donner de signal de convergence vers celle ci. Le PIB aussi si l’on fait l’hypothèse qu’une fois l’ajustement indiqué par l’Unedic effectué, il retrouve le même rythme de croissance qu’avant la crise.
L’écart à la tendance, dans les deux cas, est le coût permanent de la crise du Covid.
L’économie française retrouverait donc un équilibre sur la productivité mais un équilibre de second rang par rapport à la situation d’avant crise avec un coût permanent porté par l’ensemble des français.
Les chiffres de l’emploi sont ils forts malgré tout ?
Pour 2021 et 2022, les chiffres de créations d’emplois sont proches de 125 000 et de 109 000 pour 2023. Ce sont des données qui suivent exactement la tendance d’avant la crise. De 2011 à 2019, il y a eu environ 120 000 emplois créés par an. Il n’y a ainsi pas de retour sur la tendance antérieure. Cela veut dire que le marché du travail est durablement dégradé et qu’il faudra maintenir des politiques économiques très actives pour réduire les risques sociaux.
Pour converger vers la tendance d’avant crise à l’horizon de fin 2025, il faudrait créer plus de 150 000 par an.
La situation va rester préoccupante longtemps sur le front de l’emploi. C’est pour cela que les plans du gouvernements doivent être ambitieux. Il ne faut pas simplement que l’activité revienne sur la tendance d’avant crise mais il faut aller bien au-delà pour caler une allure robuste sur le marché du travail.. Ce doit être l’objet de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. On ne peut plus répliquer ce qui existait auparavant. Il faut être plus ambitieux.
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